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La data change le paradigme publicitaire : l’ère de l’invisible est arrivée, par Emmanuel Brunet (Eulerian Technologies)

Créé en 2002 par Guillaume Fougnies et Mathieu Jondet, Eulerian Technologies est éditeur de solutions décisionnelles destinées aux annonceurs digitaux qui permettent d’analyser et d’optimiser en temps-réel des opérations de marketing digital sur l’intégralité des leviers. Aujourd’hui, Eulerian réalise un chiffre d’affaires de 3,3 millions d’euros.

Interview du CEO de l’entreprise, Emmanuel Brunet

Pouvez-vous décrire votre offre et votre spécificité dans le monde de la data ?

Eulerian Technologies s’est d’abord consacré dans ses premières années à la recherche et développement, sur une idée centrale : le reporting web analytics temps-réel.
La logique a été de travailler sur le trafic entrant de nos clients, en utilisant des redirections au lieu des paramètres sources.

Au lieu d’exploiter des cookies tiers, nous avons décidé d’utiliser des cookies 1ère partie, c’est-à-dire de poser des cookies sur le domaine de nos clients et non sur un domaine appartenant à Eulerian Technologies.

Ces choix reposent sur des logiques d’optimisation de la collecte des données et de transparence vis-à-vis du consommateur.

Le constat est qu’aujourd’hui les clients ont de moins en moins de temps pour analyser : il y a donc un besoin d’automatisation des reportings et des optimisations. Nos solutions sont 100% complémentaires avec les outils du marketing digital, tels que les outils de bid management (nous sommes par exemple partenaires de Marin Software) ou les Demand Side Platforms (DSP) pour le RTB.

Nous nous adressons à des clients e-commerce mais aussi à des clients non-marchands mais ROIstes, comme les opérateurs Telecom, les Banques ou les Compagnies d’Assurance...

Depuis nos débuts, notre offre a évolué et nous proposons aujourd’hui un DMP privé, qui regroupe l’ensemble de la data user-centric de nos clients, sans l’enrichir avec de la data tierce. Notre approche repose sur un principe simple : nous sommes les gardiens du temple de la data de nos clients.

Nous vendons nos solutions en mode SaaS et nous nous refusons à faire du conseil, ce qui est le rôle d’agences partenaires.

Parmi les leviers marketing, qu’est-ce qui monte en ce moment ?

Le display ROIste ! Il explose chez nos clients marchands. Beaucoup d’annonceurs reviennent à l’e-publicité, après l’avoir délaissée ces dernières années. Le secteur du display a d’abord bénéficié du retargeting, puis de l’explosion du Real Time Bidding (RTB).

L’achat automatisé permet aux annonceurs d’utiliser leurs données 1ère partie, qui s’avèrent être les datas les plus efficaces dans l’optimisation des campagnes RTB .

De ce fait, le display a une grande marge de progression devant lui, notamment par rapport au search, dont les budgets se rapprochent d’une asymptote.

Quelles sont les performances du display ?

Les performances dans le display dépendent des règles d'attribution, en particulier si le post-view est pris en compte ou pas.

Pour des campagnes de retargeting sur des abandonnistes, mesurées via une règle au dernier clic payant, il y a des chances que les résultats soient meilleurs que ceux du search. Si le post-view est pris en compte, alors les performances seront nettement meilleures que celles du search. S’il s’agit de campagnes look-alike, les taux de transformation seront certainement un peu moins bons. Mais, dans la majeure partie des cas, ils seront meilleurs que sur du display premium classique, dont le rôle est avant tout de travailler la notoriété et les valeurs de la marque.

Le display dans l’univers social est également de plus en plus utilisé par nos clients, avec bonheur dans la plupart des cas, notamment Facebook Adex dont le volume d’impression élevé en fait une solution alternative aux dispositifs existants.

Quels sont les conseils pour bien définir et exploiter un modèle d’attribution ?

Concrètement, pour les règles d’attribution, un annonceur travaille généralement avec une règle par défaut. Mais pour avoir une vision fine des performances et de la contribution aux performances des différents leviers marketing, il faut jongler avec une ou plusieurs autres règles et les comparer. En fonction du mix media, on n’attribuera pas de la même manière les ventes à tel ou tel levier.

Par exemple, un annonceur peut utiliser trois règles :

- Une règle dernier levier payant, limitée au post-clic

- Une règle dernier levier payant, intégrant le post-view

- Une règle premier levier

Utiliser un moteur de comparaisons de règles d’attribution permet alors d’isoler les interactions entre les leviers publicitaires qui intègrent du post-view et les leviers purement post-clic, ainsi que la relation entre les leviers de début de parcours consommateur et les leviers de closing. On peut alors comprendre quels leviers post-clic concrétisent les contacts display qui ne sont pas suivis d’un clic, quels leviers complètent ceux qui initient le cycle de vente…

Le processus est itératif, il est possible d’ajouter de nouvelles règles au fur et à mesure et de les comparer aux règles déjà en place.

Au-delà de ces principes de base, c’est au conseil et au datamining de jouer leur rôle. Il faut faire des exports de data et apporter de l’intelligence, c’est ce que font les agences les plus avancées. Elles vont déterminer le parcours d’achat en analysant l'historique des contacts entre les consommateurs et l’annonceur sur plusieurs mois, en redressant les biais (saisonnalité, promotion, media offline…) afin de définir les leviers qui contribuent le plus aux conversions et de prédire l’impact d’une évolution des arbitrages budgétaires entre les différents leviers.

Quelles sont les tendances du marché ?

Les règles deviennent de plus en plus hétérogènes selon les annonceurs. Les règles standards type « dernier levier » sont peu à peu complétées par des règles plus évoluées et plus adaptées au métier de l’annonceur, à son mix media, au comportement d’achat de ses clients…

Le marché commence à réaliser qu’il est difficile de benchmarker les opérations marketing avec les mêmes règles pour tous les annonceurs : c’est la grande nouveauté.  Avant, tout le  monde avait peu ou prou la même règle, essentiellement du dernier clic. La publicité interactive change de paradigme : chaque annonceur peut désormais mettre en place sa propre règle d'attribution. Les choix de chaque annonceur deviennent singuliers et invisibles aux autres annonceurs.

On parle de data et de moins en moins d’espace pub ou de contexte support. Le media est-il en train de mourir ?

Il est vrai qu’on n'achète plus des espaces media, mais des profils grâce aux données, notamment à l’utilisation par les annonceurs de leurs propres données première partie. C’est une révolution de fond. La notion de plan media disparaît car un achat RTB se rapproche plus d’un plan fichier que de l’achat d’espace.

En France, avec le développement du RTB, la loi Sapin, qui a fêté ses vingt ans début 2013, se montre définitivement inadaptée à la régulation des relations des investissements marketing sur le web.

Pour autant, le contexte n’est pas mort. Prenons l’exemple des sites de faible audience, comme les blogs. Ils ont du mal à vendre leurs espaces en RTB, ils proposent plutôt une démarche très intégrée entre l’article et le visuel. Le rapport entre la publicité et le contenu n’est pas mort. Il est vrai néanmoins qu’il n’y a pas encore de logique industrielle dans ce cas.

Comment la publicité va évoluer selon vous ?

Le marché va se morceler. Il était il y a peu très lié à Google et à ses solutions. Il y a encore quelques années, un annonceur pouvait se contenter de concentrer ses efforts à 100% sur le search (SEO et SEA). Aujourd'hui, il existe des solutions alternatives sérieuses comme : Criteo, Facebook Adex, les DSP indépendants, sans parler du foisonnement des trading desks… pour ne citer que ceux-là. Le retargeting a connu un boost fulgurant ces deux dernières années. Le marché va certainement continuer à se morceler. Ce qui va changer les modèles d’attribution.

Naguère, on suivait le comportement et les conversions d’un ordinateur ; aujourd’hui, on suit le parcours d’un consommateur sur de multiples terminaux. Le métier devient plus complexe, il faut pouvoir apporter une vision exhaustive pour bien comprendre les interactions entre les différents leviers marketing.

Le rôle de tiers indépendants, capables d’apporter un jugement neutre sur les performances, ne fera que croître.

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