Les consommations évoluent vers plus de responsabilités. Entre échanges, lectures et analyses, nous dressons le portait de 5 nouveaux modèles. En inspiration, la conférence avec Anne-Laure Feldkricher et Regis Koenig (Fnac-Darty) ainsi que David Azoulay (Zigy), Florian Blanc (Geev) et Pierre-Yves Meerschman (Daphni) lors du Salon Tech For Retail du 1er décembre dernier.
Made in France, seconde main, abonnement, location et don, voici notre éclairage sur le sujet.
1. Consommer plus responsable et/ou Made in France
Selon le dernier baromètre Max Havelaar, 66% des français consomment une fois par semaine un ou des produits alimentaires responsables. Ce mode de consommation est ancré dans les mœurs françaises depuis le covid et ne faiblit pas, ou peu.
Au-delà de l’alimentaire, Kantar estime même que 40% des ménages seront, ce qu’ils appellent, des “éco-engagés” dans le monde d’ici 5 ans, pratiquement la moitié de la population mondiale donc !
Le Made in France est une valeur rassurante dans l’achat des français. Dans le secteur de la beauté par exemple, il représente presque la moitié du chiffre d’affaires (46%) en 2021 selon Blissim. Certaines sociétés fabriquent depuis leur début en France comme c’est le cas pour la DNVB Respire par exemple; d’autres fabriquaient à l’étranger, et ont rapatrié leurs usines en France comme c’est le cas avec Lunii et sa fabrique à histoires pour les enfants.
2. Consommer en seconde main ou reconditionné :
La seconde main est un marché qui a pris beaucoup d’ampleur ces dernières années, et encore plus ces derniers mois. Le chiffre d'affaires du marché a, en effet, bondi de 50% rien que sur les 9 premiers mois de 2021 (vs 2020) d’après une étude Natixis Payments.
D’ailleurs, GlobalData estime que le marché mondial devrait atteindre 64 milliards de dollars d’ici à 2024.
En France, Vinted reste la référence côté C2C, avec Leboncoin également, et Back Market sur l'high-tech et le reconditionné, en C2B2C.
Cette tendance de niche étant devenue un véritable marché à part entière, il était difficile pour les grands acteurs du commerce et e-commerce de passer leur chemin. Les offres de seconde main affluent donc ces derniers mois : comme l’offre “return” de Veepee (finalistes de La Nuit des Rois 2021), La Redoute avec LaReboucle qui permet avec le logisticien Cocolis d’expédier “des canapés XXL partout en France”, Aigle avec “Second souffle”, The Kooples avec “Second Love”, Fnac avec “Fnac 2nde vie”… les exemples sont nombreux et c’est une bonne nouvelle ! La plateforme Zalando qui fêtait il y a peu les 1 ans de son offre de seconde main annonçait être passé d’un catalogue de 20 000 produits à plus de 200 000 un an après.
Même le sacro-saint secteur du luxe ne peut y échapper. On pense évidemment aux plateformes telle Vestiaire Collective - récemment nouvelle licorne française. Mais les marques de luxe s’y penchent elles aussi directement. Lorenzo Bertelli, directeur marketing de Prada, déclarait à Reuters réfléchir à son entrée sur le secteur depuis plus d’un an. Isabel Marant, par exemple, a lancé elle aussi sa propre plateforme de seconde main.
3. Faire tomber le mythe de la propriété pour la location :
Même si la seconde main s’est généralisée, il est difficile pour certaines marques, notamment haut de gamme, de passer le cap.
Certaines ont décidé de prendre un autre tournant, celui de la location. Côté fashion, il est possible depuis de nombreuses années de louer des tenues d’exception, de grandes marques en boutiques ou via plateformes telles que 1robepour1soir ou mabonneamie.
Depuis peu, les marques en direct proposent ce type de service. On peut citer ici l'initiative de Ralph Lauren aux USA avec son programme de location “The Lauren Look”. En France par exemple, Maje a lancé son service “Dream Tomorrow”, ou encore la marque Gianni qui a dévoilé lors de la dernière Fashion Week de Copenhague une collection de pièces réservées exclusivement à la location.
Longtemps cantonnée au marché de l’automobile, la location connaît un essor récent important. Le marché est encore loin de celui de la seconde main, mais les barrières psychologiques tombent auprès des consommateurs et laissent entrevoir un avenir des plus prometteurs.
La location peut concerner tous les secteurs.
Boulanger, précurseur en France, propose depuis longtemps un service de ce type : de la cafetière, à la machine à laver en passant par l’ordinateur, toutes les gammes de produits à la vente en magasin ou sur le site marchand sont accessibles à la location.
Décathlon a lancé également un programme de location pour des équipements spécifiques : camping, sports nautiques ou même des vélos.
Comme nous l’expliquait David Azoulay au Salon Tech For Retail, la startup parisienne Ziqy.co a mis en place avec Norauto un système de location courte durée pour des produits de saison comme les pneus neige, des neiges, des coffres à ski, des portes-vélos...
4. Consommer via des modèles d’abonnement :
Entre 2018 et 2020, le nombre de possesseurs d’abonnement en France a augmenté de 8 points selon une étude. 72% des français comptaient en 2020 au moins un abonnement.
Le streaming a énormément boosté le secteur. Le nombre d’adeptes a augmenté de 60% depuis la pandémie selon The Trade Desk.
En s’ouvrant à d’autres secteurs, l’abonnement peut aussi se positionner comme un service complémentaire pour une marque.
C’est le cas chez Darty, par exemple avec l’offre Darty Max. Il existe une défiance envers les réparateurs d’électroniques ou d’électroménagers en France. De ce constat, Darty a mis en place Darty Max - le Netflix de la réparation comme le désignait Régis Koenig - un abonnement qui propose la réparation de tout électroménager acheté via l’enseigne. Ce système permettrait d’allonger la durée de vie des produits de 2 ans. Bien plus encore, il permet aussi à l’enseigne d’établir son propre score de durabilité sur chaque produit grâce à la data récoltée via cet abonnement.
5. Donner, plutôt que jeter / récupérer plutôt qu’acheter :
Il n’est pas toujours évident de revendre un produit, sa valeur de revente étant parfois faible selon la gamme, le type de produits ou encore son ancienneté. Plutôt que de jeter, il est aussi possible de donner. Les sujets connus sont évidemment l’alimentaire, avec les restos du cœur par exemple, ou encore les vêtements ou les meubles avec Emmaüs. Mais de nouvelles propositions s’offrent aux consommateurs aujourd’hui.
Geev, présenté par Florian Blanc son COO lors du Salon Tech For Retail, propose aux consommateurs de donner mais aussi de récupérer des objets de toute sorte à proximité de chez soi grâce à la géolocalisation, dans toute la France. Des appareils à raclette, des aspirateurs, des playstations, des équipements pour bébé, vous trouverez de tout. La plateforme C2C permet donc à la fois de donner mais aussi de récupérer. Un double emploi tel Le Bon Coin, mais version don ! L’application a déjà été téléchargée 2,8 millions de fois.
Côté B2C cette fois-ci, l’application Phénix qui propose des paniers anti-gaspi d’invendus alimentaires à moitié prix, autour de chez soi chez nos commerçants de quartier (boulangerie, épicerie, fleuristes, toutes types d’enseignes y sont référencées) Valentine Courcoux-Perrin, Head of Marketing & Communications de Phénix, nous expliquait lors d’une interview avoir sauvé 125 millions de repas grâce à Phénix.
Les opportunités pour entretenir une relation plus responsable avec ses consommateurs sont nombreuses aujourd’hui. Du plus mainstream comme la seconde main, à des marchés de niche qui tendent à se démocratiser, comme la location ou le don, les possibilités sont multiples.
Pierre-Yves Meerschman précisait lors de cette conférence, et je terminerais là-dessus : “Il faut prendre le temps de tester ses offres, ne pas avoir peur de l’échec, tester, échouer, tester à nouveau jusqu’à trouver le bon équilibre, car toutes les offres ne correspondent pas à tous les consommateurs”.
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