Après la forte baisse des investissements en 2020, MAGNA / IPG Mediabrands prévoit une augmentation de +13 % du marché publicitaire français en 2021, notamment portée par la publicité numérique (+18 %) qui comptera pour 60 % des recettes publicitaires cette année.
IPG Mediabrands livre aujourd'hui les résultats de la dernière étude MAGNA sur les tendances du marché publicitaire mondial (70 pays).
France : principales prévisions
- Malgré des performances mitigées sur la première partie de l'année, MAGNA maintient son scénario de reprise pour le marché publicitaire français en 2021, à la faveur du rebond de l'économie (PIB +5,8 %).
- Après une baisse de -6 % en 2020 (recettes publicitaires linéaires -21 %, recettes publicitaires numériques +9 %), les recettes publicitaires totales augmenteront de +13 % en 2021 pour atteindre 14,4 milliards d'euros, la France restant ainsi le troisième marché publicitaire en Europe après le Royaume Uni et l'Allemagne.
- Cette année, les recettes publicitaires linéaires augmenteront de +7 % pour atteindre 5,7 milliards d'euros (TV +6 %, radio +9,5 %, publicité extérieure +10 %, presse écrite +2 %).
- Les recettes publicitaires numériques (search, vidéo, social, display) augmenteront de +18 % pour atteindre 8,7 milliards d'euros, soit 60 % du total des recettes publicitaires.
- Le projet de fusion de M6 et TF1 marque le début d'une nouvelle ère, où même les plus grands acteurs des médias linéaires traditionnels doivent se regrouper pour survivre face à la concurrence des géants du numérique.
Médias linéaires : la TV se redresse et se prépare à la consolidation du marché
Dans ses dernières prévisions, le FMI maintient son attente d'un fort rebond économique cette année, avec une croissance du PIB français de +5,8 % en 2021 et de +4,2 % en 2022, par rapport à une croissance comprise entre +1 % et +2 % au cours des dix dernières années, et après le déclin de ?8,2 % en 2020. La croissance française sera nettement plus forte que la moyenne de la zone euro (+4,4 % en 2021), en partie parce que le déclin de 2020 a été plus profond que la moyenne européenne (-8,2% contre ?6,6 %) et parce que les restrictions imposées aux entreprises et à la mobilité au cours des quatre premiers mois de 2021 ont été un peu plus douces que sur certains autres marchés européens (pas de confinement national).
Dans cet environnement économique, les recettes publicitaires linéaires se redresseront de +7 % pour atteindre 5,7 milliards d'euros. Les recettes publicitaires de la TV augmenteront de +6 %, celle la presse écrite de +2 % à 1,0 milliard d'euros, la radio de +9,5 % à 650 millions d'euros. La publicité extérieure augmentera de +10 % à 800 millions d'euros sur toute l'année, malgré un début d'année lent causé par la troisième vague de restrictions Covid-19. Le cinéma pourrait croître de +30 % en raison de sa réouverture en mai. Malgré la croissance les recettes publicitaires linéaires 2021, elles resteront inférieures d'environ un milliard d'euros (soit 15 % de moins) à ce qu'elles étaient en 2019 avant la crise du Covid-19.
Le redémarrage des recettes publicitaires varie considérablement selon les types de média. La radio va également bénéficier de la reprise économique et de la mobilité des consommateurs, car ses deux plus grands secteurs annonceurs (le commerce et l'automobile) donnent des signes de reprise très encourageants. Les recettes publicitaires ont augmenté de +11 % au premier trimestre et MAGNA prévoit une croissance annuelle de +10 % à 650 millions d'euros (94 % de la taille du marché de 2019). Après avoir diminué de ?30 % en 2020, les recettes publicitaires de la presse écrite ont encore baissé de ?4 % au premier trimestre par rapport à la même période l'année dernière. MAGNA prévoit une croissance modeste (+2 %) pour l'année 2021.
La publicité extérieure a connu un début d'année décevant en raison de restrictions liées au Covid?19 plus longues qu'anticipées (notamment les couvre-feux dans les grandes villes). Les recettes publicitaires de la publicité extérieure ont baissé de ?32 % au premier trimestre par rapport à la même période en 2020. Mais les consommateurs ont commencé à retrouver leur mobilité en avril et mai, les restrictions étant progressivement assouplies. MAGNA prévoit que les recettes de la publicité extérieure augmenteront de +12 % sur toute l'année 2021, pour atteindre un milliard d'euros (toujours 25 % de moins qu'en 2019). Les réseaux d'affichage et le mobilier urbain se rétabliront plus rapidement que les réseaux « indoor » (transports, centres commerciaux). Le cinéma restera en demi-teinte, même si les salles ont rouvert le 19 mai et que de nombreux blockbusters américains sont attendus au second semestre. Les cinéphiles sont certes prêts à revenir, mais l'occupation sera limitée à 35 % puis 65 % de la capacité des salles pour le moment (peut-être 100 % à partir de juillet). Les recettes publicitaires pourraient augmenter d'environ +15 %, mais cela ne représentera qu'à peine 30 % des recettes publicitaires d'avant le Covid-19 pour l'instant.
Les recettes publicitaires de la TV devraient augmenter de +6 % pour atteindre 3,0 milliards d'euros, soit 94 % de la taille du marché en 2019. La demande de campagnes télévisées sera tirée par la reprise du secteur automobile (les ventes de voitures ont augmenté de +51 % au cours des quatre premiers mois de 2021) et la concurrence intense dans le secteur de la distribution (entre les marques de hard?discount Lidl et Aldi, et les enseignes encore puissantes comme Carrefour et Leclerc). La réglementation évolue également : les sorties de films en salle peuvent désormais faire l'objet d'une publicité sans restriction. En revanche, les campagnes télévisées pour les produits à base d'énergie fossile seront interdites en vertu de la nouvelle loi sur l'environnement destinée à lutter contre le changement climatique. Les publicités pour les SUV étaient également menacées par cette même réglementation, mais elles sont finalement toujours autorisées à la télévision, car les constructeurs se sont engagés à s'autoréguler et à promouvoir progressivement les voitures électriques plutôt que les véhicules thermiques.
Le retour à un calendrier sportif national normal et les événements sportifs internationaux de 2021 vont également stimuler la demande de publicité télévisée. L'Euro 2021 sera diffusé sur TF1, M6 et BeIN Sport en juin et juillet. Le tournoi de Roland?Garros 2021 a été pour la première fois diffusé sur Amazon Video Prime, aux côtés du diffuseur historique France Télévisions. Amazon s'est assuré l'exclusivité des matchs se déroulant sur le court Simonne-Mathieu, et l'exclusivité des grands matchs des séances nocturnes après 21 heures. Amazon partageait également les demi-finales et les finales avec France Télévisions. Un autre domaine de croissance pour la publicité télévisée dans les prochaines années est la télévision adressable, qui a finalement été autorisée en 2020. La crise du Covid-19 et les limitations réglementaires au lancement (un spot par pause, en journée uniquement, avec ciblage géographique uniquement) ont entraîné un démarrage très lent jusqu'à présent, car les efforts et les coûts requis semblent disproportionnés par rapport à la portée et à l'augmentation d'impact des campagnes que les marques peuvent obtenir dans le cadre des limitations actuelles. Néanmoins, les régies de télévision et les opérateurs de réseau continuent d'investir et, comme la réglementation va progressivement s'assouplir, les campagnes de télévision adressable pourraient potentiellement accroître le marché de la publicité télévisée de 100 à 200 millions d'euros au cours des cinq prochaines années.
TF1+M6 : une consolidation nécessaire dans l'ère des GAFAN ?
La plus grande nouvelle de 2021 est l'annonce que TF1 et M6 négocient une fusion. Le projet devra être approuvé par l'autorité de la concurrence, le CSA et le gouvernement, et le processus prendra au moins 18 mois. Il y a quelques années, une fusion entre les chaînes n°1 et n°2 en France, qui contrôlent ensemble 75 % de la publicité télévisée (et environ 30 % de la radio), aurait été impensable au regard du droit et de la jurisprudence en matière de concurrence. Aujourd'hui, les régulateurs sont sans doute prêts à prendre en considération le marché publicitaire pluri-média plutôt que la télévision traditionnelle, et les géants numériques se sont tellement développés en quelques années qu'une fusion TF1/M6 ne contrôlerait qu'environ 20 % des recettes publicitaires pluri-média, contre 25 % pour Google et 15 % pour Facebook. En outre, le gouvernement français est susceptible d'être favorable à un plan qui permettrait à un champion national d'atteindre une taille lui permettant de concurrencer les plateformes internationales. La fusion semble donc s'inscrire dans l'air du temps et avoir toutes les chances d'aboutir, même si les autorités de régulation obligeront probablement M6 et TF1 à céder certains de leurs actifs et à maintenir des régies publicitaires séparées pendant un certain temps, afin de protéger les fournisseurs (producteurs de contenu) et les clients (annonceurs et agences). Une fusion M6/TF1 pourra également aider leur plateforme VOD commune "Salto", lancée en 2020, à concurrencer plus efficacement les géants américains de la SVOD (Netflix, Amazon, HBO, Apple).
L'annonce de la fusion TF1/M6 marque le début d'un mouvement de méga-fusions dans l'industrie des médias, car les médias traditionnels historiques ont besoin de monter en échelle pour investir, maintenir la profitabilité et avoir une chance de concurrencer les géants « natifs » du numérique. Pour les mêmes raisons, une autre grande fusion a été annoncée au printemps dans le secteur de la télévision américaine : WarnerMedia (qui possède les chaînes Turner, CNN ou encore HBO) avec Discovery.
Si la fusion TF1-M6 se concrétise, quel sera l'impact sur le marché de la publicité télévisée ? MAGNA pense qu'elle peut contribuer à la croissance du marché publicitaire de la télévision linéaire et de la télévision numérique par différents mécanismes. Un fournisseur de télévision linéaire super-dominant bénéficiera d'une position qui l'aidera à maintenir des prix élevés. La concentration pourrait également faciliter le déploiement d'innovations telles que des recettes publicitaires multiplateformes et programmatiques, ou des campagnes de télévision adressable. Enfin, le gouvernement pourrait décider de réautoriser les chaînes publiques à vendre du temps d'antenne publicitaire après 20 heures (ce qu'ils ont cessé de faire il y a dix ans) afin de maintenir la compétitivité du marché.
Médias numériques : l'accélération se poursuit après la résistance face au Covid-19
La publicité numérique continuera de croître fortement en 2021 grâce à la reprise économique et, surtout, à des facteurs de croissance organique : l'explosion du e?commerce et de la consommation de médias numériques d'une part, et l'adoption croissante de la publicité numérique par les grandes marques comme les petites entreprises. MAGNA s'attend à ce que les recettes publicitaires numériques totales augmentent de +18 % pour atteindre 8,7 milliards d'euros, grâce au Search (+17 %), à la vidéo (+22 %) et aux médias sociaux (+25 %). Les bannières et insertions vidéo outstream sont les formats publicitaires qui pourraient ralentir dans le nouvel environnement plus strict en matière de ciblage et de confidentialité des données (incluant maintenant les applis sur iOS et, dès 2022, les cookies sur Google Chrome), mais MAGNA prévoit tout de même une croissance à un chiffre pour ces formats. Au total, les recettes publicitaires numériques représenteront 60 % du total des recettes publicitaires en 2021.
Ailleurs dans le Monde : principales prévisions
- Les investissements publicitaires mondiaux augmenteront de 78 milliards de dollars en 2021 (+14 %) pour atteindre 657 milliards de dollars, un nouveau record historique, après une baisse de ?2,5 % en 2020. Le marché continuera de croître en 2022 (+7 %).
- L'activité publicitaire est stimulée par : 1) la reprise économique (croissance du PIB mondial +6,4 %), reprise de la consommation et de la mobilité qui profitent aux principaux secteurs annonceurs sévèrement touchés par le Covid?19 l'année dernière (automobile, voyages, divertissement, restaurants), 2) des facteurs de croissance organiques plus forts que jamais pour le marketing et la publicité numérique, et 3) les événements sportifs internationaux (Jeux olympiques de Tokyo, Euro de football).
- Les formats publicitaires numériques captent l'essentiel de la croissance avec des recettes publicitaires en hausse de +20 % à 419 milliards de dollars, soit 64 % du total des recettes publicitaires.
- Les recettes publicitaires linéaires sont plus lentes à se redresser mais se stabiliseront sur l'ensemble de l'année (+3 % à 238 milliards de dollars). Elles reprendront leur érosion de long terme dès 2022.
- La totalité des 70 marchés analysés par MAGNA seront à nouveau en croissance cette année, la Chine (+16 %) et le Royaume?Uni (+17 %) enregistrant les plus fortes hausses.
- Le marché américain augmentera de 34 milliards de dollars (+15 %, le plus fort taux de croissance depuis 40 ans) pour atteindre 259 milliards de dollars, avec des recettes publicitaires numériques en hausse de +20 % et des recettes publicitaires linéaires (hors politique) en hausse de +4 %.
- Les recettes des formats publicitaires linéaires représentent toujours la majeure partie des revenus publicitaires des entreprises de média traditionnelles et leur stagnation continue va déclencher une nouvelle vague de consolidation dans le secteur des médias, visant à concurrencer les acteurs des médias numériques.
Selon Vincent Létang, Directeur de la prévision mondiale pour MAGNA et auteur du rapport : « Alors que la reprise économique est plus forte et plus rapide que prévu dans plusieurs des plus grands marchés publicitaires du monde (États-Unis, Royaume-Uni et Chine, notamment) et que la consommation s'accélère, les marques doivent se reconnecter avec les consommateurs. Dans le même temps, l'accélération de l'adoption du e-commerce et du marketing digital, qui a commencé pendant le Covid, se poursuit à pleine vitesse en 2021, alimentant les dépenses publicitaires numériques des grandes marques ainsi que des petites entreprises locales et des marques "direct?to?consumer". Cette combinaison unique de facteurs cycliques, organiques et structurels conduira à la plus forte croissance annuelle de la publicité jamais enregistrée par MAGNA : +14 % au niveau mondial (+15 % aux États-Unis, +13% en France). »
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