Le secteur du luxe face à un nouveau paradigme de consommation (Étude EY)

EY publie les résultats de son étude EY Luxury Client Index 2025 consacré à l’industrie du luxe et mené auprès de 1 672 acheteurs dans le monde dont 153 Français. Dans un secteur du luxe qui traverse un ralentissement conjoncturel, marqué par une baisse des dépenses dans des régions clés comme la Chine et l’imposition de nouveaux droits de douane de 15 % par les États-Unis, le nouvel indice d’EY met en lumière l’évolution des comportements de consommation et des aspirations d’achat.

Photo de Christian Wiediger sur Unsplash

« Les maisons de luxe sont à la croisée des chemins, et cette période difficile pourrait justement être l’occasion de remettre en question les croyances établies, de renforcer l’essence du luxe et d’évoluer vers des modèles d’affaires à la fois rentables et véritablement durables » explique Rachel Daydou, associée EY Fabernovel, responsable IA et durabilité pour les maisons de Luxe. « La vraie révolution ne se fera pas avec une stratégie de prix mais par une réflexion plus profonde sur l’univers des marques à travers des expériences qui en augmenteraient la valeur effective ».


Les acheteurs français sensibles au savoir-faire artisanal

Rien ne motive autant que la qualité.Deux tiers des Français (+5 points par rapport à la moyenne mondiale) place le désir de posséder un produit de qualité comme principale motivation d’achats d’un produit de luxe. Viennent ensuite l’effet de satisfaction pour un accomplissement personnel (49 %), loin devant la recherche de statut (37 %) ou l’influence par des célébrités (12 %). Cette tendance est similaire à toutes les générations de Français du babyboomer à la génération Z et à ce qui est observé au niveau mondial.

En France, le savoir-faire artisanal reste le premier facteur d’influence d’achat (en 3ème position dans le monde – la qualité des matériaux étant le premier critère). A noter que la relève est assurée puisque la génération Z française va plus loin dans la démarche en accordant en priorité de l’importance au savoir-faire, mais…local. Les Français se différencient aussi en préférant l’exclusivité ou la rareté des produits – placé en second critère  quand dans le reste du monde, les personnes sont plus sensibles à l’héritage de la marque. Le fait que le produit aille (“fit”) à la personne est quant à lui aussi indissociable de l’acte d’achat, une spécificité Française (observable aussi chez les Espagnols et les Allemands, mais absent du top 3 au niveau mondial).


Durabilité : traçabilité et impact carbone, premières préoccupations des Français

Quand les consommateurs français sont interrogés sur l’influence qu’ont les initiatives de durabilité engagées par les marques sur leur décision d’achat, la transparence de la chaîne logistique ressort numéro 1. Une tendance qui indique que les différents scandales liés à l’authenticité des produits (comme le lieu effectif de fabrication) ont impactés les consciences dans l’hexagone.

« Les maisons de luxe peuvent ainsi utiliser la traçabilité pour démontrer que leurs produits sont fabriqués par des artisans qualifiés, avec des matériaux de haute qualité et sûrs, ce qui peut justifier les prix et regagner la confiance des clients dans une contexte de défiance » observe Rachel Daydou, associée EY Fabernovel.

Si le packaging durable n’influence que très peu les achats de luxe des français (-27 points par rapport au reste du monde), ils accordent en revanche une importance toute particulière (2nd position) à l’impact carbone (+ 10 points par rapport aux répondants internationaux) – jugeant sans doute, que l’empreinte du packaging par rapport à tout le cycle de fabrication d’un produit de luxe, est proportionnellement moindre. 


L’omnicanalité, une évidence pour les nouvelles générations

Bien que les magasins de marque restent le canal d’achat préféré, avec 63 % des clients français (53 % dans le monde) qui préfèrent y faire exclusivement leurs achats, la combinaison du hors-ligne et en ligne représente désormais une part intéressante avec 27 % des acheteurs français (vs 33 % dans le monde). Encore plus marquant : plus les clients sont jeunes, plus ils aspirent à ce type d’expériences omnicanales 40 % de la génération Z française a un parcours d’achat combiné en ligne et en magasin (24 % pour les baby-boomers). Sans surprise, les acheteurs attendent principalement du magasin de pouvoir toucher et essayer les produits, bénéficier de services personnalisés et vivre une expérience de luxe quand ils rechercheront en ligne des collections exclusives, une offre étendue et une praticité d’accès.

Malgré des attentes élevées en matière d’expérience de luxe, les acheteurs du segment de prix inférieur sont souvent négligés. Ainsi, 57 % des clients français interrogés ayant des dépenses annuelles inférieures à 5000 euros (59 % dans le monde) déclarent que les marques ne leur ont pas proposé d’ « expérience» au cours des douze derniers mois. Pourtant, 84 % du panel français interrogé indique qu’une telle expérience les inciterait à acheter à nouveau (83 % dans le monde et 71 % des Français ayant des dépenses annuelles inférieures à 5000 euros).

« Cette soif d’expérience ouvre des perspectives inédites : abonnements à des produits exclusifs, services de location pour des événements, ou encore programmes de seconde main certifiée : autant de leviers de génération de revenue et de décarbonation que les maisons devraient explorer plus activement » analyse Rachel Daydou. 


Diversification des modèles : la location et la seconde main ont la côte.

Malgré un marché florissant de la seconde main de luxe (rapport Luxonomy 2024), 22% des consommateurs interrogés dans le monde restent méfiants quant à l’authenticité et l’état des produits et 13% mentionnent un manque de confiance dans les plateformes de revente et les vendeurs. Pourtant, 54 % se disent prêts à acheter un produit de seconde main directement auprès d’une maison de luxe (48 % des acheteurs français).

Par ailleurs, un répondant sur deux dans le monde serait prêt à louer un produit de luxe. Si cette tendance en France est légèrement moins marquée, 41 % seraient tout de même prêts à suivre ce modèle plutôt que l’achat traditionnel pour des raisons de praticité (pas d’entretien, de stockage…) pour 48 % d’entre eux ou pour des événements ponctuels (41 %) par exemple.


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Méthodologie

Cette étude d’EY a été menée avec Phronesis Partners, entre mars et avril 2025, auprès de 1 672 acheteurs de produits de luxe dans dix marchés clés : les États-Unis, la Chine continentale, l’Espagne, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, les Émirats arabes unis, la France et la Suisse. Le revenu annuel des ménages des acheteurs (revenu annuel brut, y compris le salaire et les investissements avant impôts) se situe entre 100 000 € et plus de 500 000 €. Il y a une répartition presque égale entre les sexes, avec un peu plus de la moitié des répondants étant des hommes (53 %) et les femmes représentant les 47 % restants. Les répondants appartiennent aux générations Z, Milléniale, X et aux Baby-Boomers. Au cours des 12 derniers mois, les acheteurs interrogés ont dépensé entre 2 500 € et plus de 10 000 € en vêtements, chaussures, ceintures et sacs de luxe. Le coût estimé du produit de luxe le plus récent qu’ils ont acheté au cours de cette période varie de 500 € minimum à plus de 5 000 €.