– Partenariat AACC –
Par Mathieu Vicard
Chaque mois d’octobre, le rose envahit nos écrans, nos vitrines et nos réseaux sociaux. Bouteilles, baskets, mugs, fruits, vêtements… Tout y passe. La 32e édition d’Octobre Rose, dédiée à la sensibilisation au dépistage du cancer du sein, n’a pas échappé pas à la règle : plus de 70 pays, des milliers d’initiatives, et autant de marques qui s’engagent – ou du moins, qui s’affichent comme telles.
Mais derrière la bonne cause, une question persiste : jusqu’où la lutte contre le cancer peut-elle devenir un argument marketing ?

Quand la cause devient un levier d’image
Soyons honnêtes : les entreprises ont bien compris l’impact émotionnel d’un ruban rose. Participer à Octobre Rose, c’est montrer que l’on “a du cœur”, que l’on “agit pour les femmes”, que l’on “soutient la recherche”. Et dans la majorité des cas, l’intention est réelle, sincère, parfois même très utile.
Mais entre un mug dont 100 % des bénéfices sont reversés à une association, et un challenge sportif pour encourager la prévention par l’activité physique, il y a un monde.
Cette porosité entre engagement et opportunisme interroge. Car la cause attire les marques autant qu’elle les expose. À force d’en faire un terrain de communication, on risque d’en effacer le sens.
Engagement sincère ou récupération ?
Le collectif Cancer Colère l’a rappelé cette année : la prévention ne peut pas se limiter à des parapluies roses et des campagnes “feel good”. Sensibiliser, oui, mais sans occulter les causes profondes.
Certains collectifs dénoncent une vision trop lisse, centrée sur la responsabilité individuelle, qui élude des enjeux plus larges : santé environnementale, conditions de travail, exposition aux perturbateurs endocriniens.
Autrement dit, la question n’est plus seulement “qui s’engage”, mais “comment et pourquoi”.
Les marques face à leur propre cohérence
Là est tout l’enjeu : la cohérence. Une marque ne peut pas revêtir un ruban rose en octobre si, le reste de l’année, son modèle contribue à la dégradation de la santé publique ou de l’environnement.
S’engager, c’est accepter de regarder ses pratiques en face, de changer ce qui doit l’être, et de s’inscrire dans la durée. Pas seulement de colorer ses produits en rose le temps d’un mois.
Car dans un monde où la défiance grandit, l’incohérence se paie cher. Si le message et les actes ne s’alignent pas, la cible se sent trahie. Et on détruit à la fois la crédibilité de la marque et la force du mouvement qu’elle prétend servir.
Vers une communication plus responsable
En tant qu’agence, notre responsabilité est aussi d’alerter nos clients sur cette frontière fragile entre engagement et opportunisme.
Une campagne bien intentionnée peut vite devenir contre-productive si elle n’est pas pensée avec cohérence et sincérité. Notre rôle n’est pas seulement de rendre les messages beaux, mais de veiller à ce qu’ils restent justes.
Communiquer sur une cause exige de la transparence, de la pudeur, et surtout de la cohérence avec les valeurs réelles de la marque. Car au fond, une bonne communication ne doit jamais affaiblir le message d’intérêt général qu’elle relaie. Elle doit le servir.
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Mathieu Vicard est directeur général de l’agence Adrénaline, agence de communication indépendante spécialisée en stratégie de marque, création publicitaire et activation digitale. Adrénaline a lancé Germaine, un agent IA gratuit qui aide les communicants à identifier en amont les risques éthiques et réputationnels de leurs campagnes.
