
On considérait, à la fin des années 1990, qu’après la première guerre des navigateurs, Microsoft avait définitivementgagné face à Netscape avec son Internet Explorer, puis il y eut Google Chrome en septembre 2008 emportant tout sur son passage et atteignant les 66% de part de marché en 2025 (contre 3% en 2009).
Jusqu’à présent Chrome était solidement installé devant Safari à 13,9%, Edge de Microsoft à 4,6%, et Firefox à 2,2% (les Brave ou autres outils de navigation exotiques ne dépassant pas les 1%).
Or aujourd’hui les nouveaux acteurs d’Intelligence Artificielle semblent tous vouloir refaire le match. Pourquoi cet engouement ?
Il y a quelques semaines Sam Altman annonçait en fanfare le lancement d’Atlas son navigateur, obligeant Perplexity à rendre gratuit son navigateur sur abonnement Comet, tout en menaçant l’existence même de Dia (ex Arc), la création de The Browser Company commercialisée à 20 dollars par mois.
Au cœur de cette nouvelle guerre des navigateurs, plusieurs enjeux émergent :
1- Les navigateurs sont et restent la porte d’entrée du web
À ce titre, ce ne sont pas de simples interfaces mais de gigantesques supermarchés industriels et corporates s’affrontant dans une monumentale guerre d’outils (Apps, Api, Cloud). En bref, si votre porte de magasin disparaît, la chance de vendre toute une suite d’outils BtoB et BtoC disparaît avec elle et vous mettez la clé sous la porte.
2- Les navigateurs demeurent une formidable source de data analytics et de données comportementales qui aident ces différents acteurs à fournir de meilleures réponses
Donc, si on ne passe plus votre porte et qu’on ne circule plus dans votre magasin, vous perdez une masse cruciale d’indicateurs comportementaux et d’outil de ciblage et, dans un même mouvement, votre capacité à vendre de la publicité….Et…vous mettez la clé sous la porte.
3- Le marché de la réponse est tout juste naissant
Dans ce cadre, le navigateur reste le plus vaste champ d’expérimentation de R&D et de Test and Learn des nouveaux usages numériques. On y travaille aussi l’écran d’accueil des devices AI destinées à remplacer les smartphones. En bref, sans ces labos de R&D à échelle planétaire, les belligérants prennent une nouvelle fois le risque de mettre la clé sous la porte.
C’est pour cela que la guerre des navigateurs n’est pas un combat d’arrière garde mais une guerre nouvelle car comme l’explique l’analyste Ben Thomson, dans une économie en réseau comme l’économie numérique, la loi veut que le premier devienne disproportionnellement plus grand que les autres.
Mais malheur à celui qui passe deuxième ou devient plus petit.
4- C’est enfin un enjeu de sécurité massif
Le gagnant de la guerre des navigateurs doit inspirer une confiance sans tâche car c’est à lui que nous confierons, demain, nos mots de passe et cartes de crédit.
La troisième guerre mondiale des navigateurs se révèle donc passionnante, et dans le type de marché “winners takes all” du numérique elle sera jonchée de coups fourrés, de batailles impressionnantes et d’innombrables cadavres.
Une guerre dans laquelle ne pas avoir de navigateur, ou la forme évoluée d’interface qui dominera demain, car c’est celà l’enjeux, revient à se présenter sur un champ de bataille moderne avec un lance-pierre.
C’est aussi une guerre où pour la seconde fois de sa vie (vous vous souvenez du réseau social Google Plus ?), le géant de Mountain View, qui vient d’échapper de justesse à une injonction de la justice américaine de vendre Chrome, mène un combat défensif.
La troisième guerre des navigateurs n’est pas une guerre de position c’est une guerre existentielle.
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