Imiter le cerveau pour créer une intelligence artificielle plus puissante, et même brancher un cerveau humain sur une IA, certains font plus qu’en rêver. Qui travaille actuellement sur le cerveau connecté et pour quelles applications ? Les projets d’Intelligence Artificielle « neuromorphique » aux synapses et neurones numériques foisonnent. Tour d’horizon avec un éclairage sur des projets français.
Cerveau connecté, de quoi parle-t-on vraiment ?
Deux types de projets liés au cerveau connecté sont actuellement en développement.
D’un côté imiter la structure du cerveau animal et humain pour créer de nouveaux ordinateurs plus puissants ou plus rapides à puissance et consommation moindre. Objectif, approcher la sobriété de consommation du cerveau humain capable de fonctionner avec 20 W de puissance, soit l’alimentation d’une simple ampoule.
De l’autre le développement d’interfaces entre le cerveau humain et une puissance de calcul numérique (interface cerveau machine ou BCI Brain computer interface) pour créer des humains « augmentés » (cognitivement parlant).
Les principaux acteurs et applications
- IBM, Intel, Qualcomm, tous développent leur propre puce neuromorphique
Les fondeurs (constructeurs de puces informatiques) travaillent à créer des neurones et synapses artificiels construits à partir de transistors classiques en silicium.
Le cerveau numérique d’Intel, dans sa toute dernière version dévoilée mi-mars appelée « Pohiki Spring », un nom de code aux influences hawaïennes, compte actuellement 100 millions de neurones. Cette capacité de calcul proche du cerveau d’un rat ou d’une taupe est 12,5 fois plus puissante que sa précédente itération que l’équipe du laboratoire de calcul neuromorphique d’Intel comparait au cerveau d’un insecte.
Intel a déjà entrainé ses puces informatiques composant ce cerveau à sentir – ou plutôt identifier – 10 odeurs de produits chimiques dangereux comme l’acétone ou le méthane. Les prochains entrainements de ce nez numérique pourraient lui permettre de détecter d’autres matériaux mais aussi des maladies (détails dans cet article de pcworld.com et dans le communiqué officiel d’Intel daté du 18 mars 2020).
- Neuralink
Le projet Neuralink, cofondé par Elon Musk, vise à créer un prothèse branchée directement sur le cerveau afin de redonner de l’autonomie à des patients atteints de paralysie. Neuralink s’attaque en fait à l’interface entre l’homme et l’IA et la bande passante nécessaire. L’idée est de proposer une connexion homme-machine directe par la lecture des pics d’activité des neurones à travers un implant. Des tests sur animaux ont déjà été réalisés, avant des tests sur humains courant 2020. Elon Musk l’a promis lors de la conférence de présentation en juillet 2019, les « threads » ou filaments de connexion sont petits, 1/10eme de la taille d’un cheveu, et cela ne fait pas mal !
- Les GAFAM et en particulier Facebook
Amazon, Google et Facebook s’intéressent aussi au cerveau connecté, une extension de leurs projets liés aux enceintes et objets connectés Alexa, Home, Nest, Portal… ce qui ne manque pas d’éveiller certaines craintes. Facebook a en effet racheté en septembre 2019 la startup CTRL-Labs qui vise à décrypter les intentions via un cerveau connecté. De quoi alimenter les fantasmes sur la capacité d’un acteur technologique à « lire les pensées » des consommateurs, mais il ne s’agit en fait que de comprendre les signaux nerveux par exemple des mains pour remplacer l’interface classique d’un clavier. Facebook a également confirmé travailler actuellement à un projet de lentille connectée basée sur cette technologie. (détails sur ce que préparent les GAFAM sur le site de France Culture)
Un cocorico pour les cerveaux français
L’équipe d’Alain Cappy, de l’Institut de recherche sur les composants logiciels et matériels pour l’information et la communication avancée (Unité CNRS/Université de Lille 1) travaille avec des transistors classiques pour fabriquer des neurones artificiels. Dans CNRS Le journal, Alain Cappy explique que « L’idée est d’imiter le système yeux/cortex cérébral qui analyse si rapidement et efficacement l’image. Nous tentons ainsi d’intégrer ces neurones à la fois dans des capteurs visuels inspirés de la rétine biologique, et dans des puces de traitement agencées comme les colonnes de neurones de notre cortex cérébral ». Plus de détails dans CNRS Le Journal avec d’autres projets de chercheurs français.
Le centre de recherche biomédicale Clinatec, basé à Grenoble et rattaché au CEA, travaille-lui depuis 2008 sur des implants cérébraux. En octobre 2019 ils ont publié leurs résultats dans la revue The Lancet Neurology montrant qu’il est possible de contrôler un exosquelette à partir de l’activité cérébrale.
Séverine Godet