Jérôme Sutter publie aujourd’hui sur Kindle, Kobo et en version print son nouveau livre iAdvertisers sur les nouveaux défis de la publicité digitale et des directeurs marketing.
Fruit d’un travail de trois mois, ultradétaillé, iAdvertiser est agrémenté d’entretiens de fonds avec de grands leaders digitaux tels que Veronique Pican (Yahoo), Sophie Poncin (SRI, Orange Advertising), David Lacombled (IAB), Emmanuel Brunet (Eulerian), Olivier Mazeron (Group M) ou encore Pierre-Emmanuel Cros (ex DG de Performics France) et Grégoire Peiron (Google Double click)
Interview garantie 100% #nobullshit.
Viuz- Vous revenez en profondeur sur l’histoire de la publicité digitale, qu’avez-vous appris ?
Jérôme Sutter: Dans mes recherches préliminaires à la publication d’iAdvertisers, je n’ai pas trouvé de recompilation des principaux évènements d’une histoire qui a commencé en 1994 avec une bannière sur le site HotWired. Je me suis donc nourri d’articles de blog, de communiqués de l’IAB, de livres sur l’histoire de Google et Yahoo, d’entretiens… J’ai ainsi retrouvé des rapports très intéressants comme celui de DoubleClick datant de 2004 qui cherchait à prouver l’impact du Post-View sur les formats Display de Continental Airlines ou encore pu constater l’importance historique de la solution X+1, le premier vrai DSP du marché qui fut créé en 1999. Cette plongée dans l’histoire m’a vraiment permis de mieux comprendre les défis présents et à venir de la publicité digitale.
Viuz- Quels sont aujourd’hui les nouveaux défis des directeurs marketing ?
Jérôme Sutter: : Dans une économie atone, il faut sans cesse recherche de nouvelles opportunités de croissance de chiffre d’affaires ou d’augmentation des bénéfices. Bien plus encore que la publicité offline, le digital leur permet de piloter au plus près le retour sur investissement des dépenses engagées. Mais pour cela, ils doivent s’entourer d’équipes, d’agences et de solutions qui les accompagnent dans cette recherche de croissance, dans une vraie logique gagnant-gagnant.
Viuz- Selon votre livre 70% des annonceurs sont encore au last click ? Comment expliquer ce retard ?
Jérôme Sutter : Ce constat est triste mais peut s’expliquer de nombreuses façons, comme par exemple les résistances en interne venant des directions financières ou générales qui ne sont pas prêtes à changer de modèle. C’est la conséquence du poids du passé, de nombreux annonceurs s’étant habitués depuis 2005 à piloter leurs campagnes via le rapport de conversions de Google Analytics, qui est par défaut configurée en mode last-click. Comme le rappel Emmanuel Brunet, CEO d’Eulerian dans le livre, un changement de méthodologie remet en cause le passé et n’est pas « sans couture ».
Viuz- Après le mobile et le programmatique quelles sont les nouvelles technos porteuses de valeur pour les directeurs marketing ?
Jérôme Sutter : Le développement du programmatique a remis la donnée au cœur des stratégies de ciblage et des modes d’achat d’espace. Pour en avoir mis en place chez Weekendesk, les solutions DMP (Data Marketing Platform) sont vraiment porteuses de valeur. Mais pour ceux qui ne peuvent se lancer dans un tel projet, des solutions de CRM Onboarding (comme Temelio qui a gagné la Nuit des Rois) proposent des approches intéressantes. Enfin, comment ne pas évoquer les solutions d’analyse de la contribution qui permettent de s’affranchir du modèle last click et travailler sur l’incrément réel de valeur des différents canaux d’acquisition.
Viuz- 25 ans après vous affirmez que l’e-mail est loin d’être mort pouvez-vous développer ?
Jérôme Sutter:: A l’inverse des pixels, l’email est bien souvent la clé d’entrée de notre vie numérique que ce soit sur les réseaux sociaux, les forums, les sites de e-commerce. Il devient donc une donnée centrale d’identification pour les annonceurs qui vont pouvoir en quelques clicks, utiliser des solutions comme les Custom Audiences de Facebook, le Customer match de Google ou encore les Tailored Audiences de twitter pour créer des cibles très pertinentes sur ces écosystèmes de sites. Et ce sans aucun besoin de solutions tierces ! Email is not dead, email over pixels.
Viuz- Vous revenez également sur la concurrence Agences de pub/ Cabinets de conseil ? Quel est l’état des lieux ?
Jérôme Sutter : Ces dernières années, les cabinets de conseil ont pris une place de plus en plus importante dans la construction des budgets annuels des annonceurs. Au-delà de leurs recommandations stratégiques ou technologiques, ils interviennent désormais sur des recommandations d’achats média ou de dispositif de marketing digital. Les agences, qui ont une expertise opérationnelle indéniable, se voient donc concurrencer sur la dimension conseil (bien plus rémunératrice !) et doivent s’adapter à ces nouveaux codes en structurant leur méthodologie, peaufinant leur rapports mais aussi en demandant à leurs équipes d’adopter leur posture et de ne confondre le cool et le light…
Viuz- Entre Fraude, AdBlocks et Native Advertising quelles sont les nouvelles voies pour sortir par le haut ?
Jérôme Sutter : La montée des adblocks traduit à la fois une exaspération des internautes de certains formats intrusifs. Il est urgent que notre écosystème se remette en cause et suivre les préconisations LEAN Ads de l’IAB.
La fraude a toujours existé mais les bots naviguent et cliquent de plus en plus et peuvent donc fausser les résultats des campagnes. Heureusement de nombreux outils permettent de les identifier et agences, éditeurs comme annonceurs doivent les utiliser en toute transparence.
Le Native est une formidable opportunité mais est un format en pleine renaissance et donc encore imparfait. Laissons-lui le temps de se peaufiner afin de juger de son puissance réelle.
Viuz- Les Directeurs Marketing doivent-ils aussi balayer devant leurs portes ?
Jérôme Sutter : Une étude récente de Marin Software montre que 42% des directions marketing ont encore du mal à s’approprier les enjeux du digital. Ce chiffre est alarmant en 2016 ! N’oublions pas que les directions Marketing sont celles qui, avec leurs budgets, irriguent toute la chaîne de valeur de l’écosystème, elles ont donc une responsabilité énorme !
Les Directeurs Marketing, pour la plupart frappés par des budgets diminués, doivent profiter des formidables opportunités du digital pour nourrir leurs objectifs de croissance. Pour cela, ils doivent s’approprier pleinement des spécificités du digital, abandonner leurs croyances historiques et mettre les mains dans les outils. Arrêtons de mettre la faute sur les agences, ce sont les annonceurs qui doivent devenir les premiers Growth Hackers de notre industrie !