Tribune de Geoffrey Berthon, cofondateur de Qwarry.
“L’Intelligence Artificielle”. Elle est sur toutes les lèvres, et rares sont ceux à ne pas y voir moultes opportunités. En termes d’attractivité notamment, puisqu’après une période de franche « mise au régime », force est de constater que 35% des fonds levés l’année passée ont profité à des jeunes pousses de l’intelligence artificielle. Néanmoins, peu savent encore réellement exploiter son plein potentiel hormis le caractère « incontournable » qu’on lui prête. Et encore moins dire avec précision ses finalités concrètes au-delà d’une seule optimisation de temps et d’organisation. La “tech” compte naturellement parmi les premiers secteurs d’activité à s’être saisi des technologies et méthodes de l’intelligence artificielle, et c’est d’autant plus vrai pour l’AdTech qui est récemment le théâtre de grandes avancées. Néanmoins entre usages supposés, souhaités et réels de l’Intelligence Artificielle où en est vraiment la filière ? Quelles applications concrètes aujourd’hui et révolution(s) demain ?
Démystifier les applications actuelles de l’intelligence artificielle
L’intelligence artificielle fait depuis longtemps partie des méthodes des professionnels de la publicité en ligne. Même si elles ne s’en revendiquent pas directement ou n’en portent pas officiellement le nom, certaines pratiques publicitaires relèvent bien du champ de l’IA. C’est le cas notamment du trading publicitaire, pierre angulaire de la publicité numérique à laquelle l’intelligence artificielle est pleinement intégrée. En matière de real time bidding par exemple (lequel repose sur des algorithmes d’apprentissage automatique), ou de prédiction de performance (l’IA étant en mesure d’estimer les probabilités de conversion, clics ou achats, en se basant sur l’historique des comportements et sur des modèles probabilistes). Le tout à dessein d’optimiser les achats d’espaces publicitaires et les investissements souvent considérables qu’ils représentent pour les annonceurs. Sans oublier qu’une fois la phase d’achat passée, vient l’étape de lancement des campagnes publicitaires et donc du ciblage des audiences auxquelles elles sont destinées ! Là aussi, l’intelligence artificielle joue un rôle des plus stratégiques : les algorithmes de Natural Langage Processing (NLP) appliqués à l’analyse sémantiqueet au ciblage contextuel fournissent une compréhension approfondie des intentions des utilisateurs et du contenu qu’ils consomment, de même que l’accueil qu’ils réservent à celui auquel ils sont exposés.
Une distinction est donc à observer entre l’IA dite “classique”, qui fait partie intégrante de l’arsenal del’AdTech, et l’intelligence artificielle “générative”. Car c’est bien sur ce dernier volet que les progrès sont les plus fulgurants ! À n’en pas douter, il règne une certaine confusion entre ce qui est de l’acabit de la progression “linéaire” de la technologie et du numérique (dans le secteur de la publicité en ligne, mais pas que !) et l’innovation de rupture, source de nouveaux paradigmes à part entière.
La révolution de l’IA dans l’AdTech n’est pas (seulement) technologique !
Après quelques mois passés à être accaparée par les énièmes rebondissements de Google et la montée en puissance de nouveaux formats publicitaires (la CTV pour ne pas la citer) l’AdTech a enregistré de puissantes percées en matière d’intelligence artificielle ces derniers mois. Non sans lien avec les lancements concomitants de Amazon Ads ou de TikTok Search Ads, tout autant produits et catalyseurs de progrès, l’IA est redevenue la grande priorité de l’AdTech. Hautement perméable, l’IA générative investit massivement l’ensemble des activités des professionnels de la publicité mais se révèle particulièrement disruptive dans les domaines de la création publicitaire et du médiaplanning. Dans le premier cas, l’intelligence artificielle se matérialise par l’irruption croissante de contenus entièrement pilotés et générés par l’IA. C’est particulièrement le cas sur TikTok et Instagram où, à partir de l’analyse en temps réel des tendances les plus virales, de plus en plus de contenus publicitaireshyperpersonnalisés et automatisés font leur apparition. Dans le second, l’avènement d’outils de médiaplanning fondés sur l’intelligence artificielle constitue une avancée majeure pour l’AdTech ! À l’instar de Performance Max qui, basé sur l’IA de Google, prouve ses vertus pre, per et post diffusion des campagnes : maximisation des enchères et emplacements publicitaires, ciblage des audiences, optimisation en temps-réel…
L’intelligence artificielle définit ainsi progressivement une toute nouvelle manière de « faire de la publicité », ouvre la porte à de nouvelles opportunités marché. Le chemin est néanmoins encore long avant de voir l’émergence d’une IA omnipotente et omniprésente… et c’est tant mieux ! De nombreux biais algorithmiques et limites demeurent : les erreurs de ciblage à mesure de la disparition des cookies tiers et des données associées ; le surciblage et la surexposition publicitaire par volonté de rendre le message publicitaire incontournable ; la création de contenus peu qualitatifs et à la crédibilité très relative.
Finalement, à force d’être au centre des discussions, l’intelligence artificielle a presque tendance à devenir un item dont la seule existence se suffirait à elle-même. Voire un impératif business dont les entreprises ne peuvent désormais plus faire l’économie. Ce serait pourtant banaliser ses avancées et oublier que toute progression technologique est forte de conséquences humaines ! Appliquée à l’AdTech, l’IA est le catalyseur d’une transformation profonde du paradigme publicitaire : d’un mode passif, la publicité devient interactive, immersive et contextuelle. Remettons du sens dans l’IA, redonnons-lui toute sa (juste) importance !