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Fast fashion : 7 Français sur 10 (presque) prêts à lever le pied pour l’environnement

Les Français le promettent, ils peuvent changer. En tout cas 7 Français sur 10 se disent prêts à changer leurs habitudes d’achat, pour limiter leur impact sur l’environnement. C’est le résultat d’une étude YouGov qui éclaire aussi les tactiques déjà utilisées ou envisagées par les Français pour des achats de mode plus durables. La « fast fashion » est bien sûr pointée du doigt pour son impact environnemental et social. Et la législation française s’y attaque actuellement. Mais dans le contexte de crise économique mondiale les petits prix continuent de séduire les acheteurs, ou plutôt les acheteuses. Car les femmes et parents d’enfants mineurs représentent la grande majorité de la clientèle de la Fast Fashion.

Principaux enseignements de l’étude

D’après YouGov, 69% des Français déclarent qu’ils sont prêts changer de comportement vis-à-vis de l’achat de vêtements, pour limiter l’impact sur l’environnement. (Étude réalisée en ligne sur le panel YouGov, et sur le terrain les 8 et 9 février 2024, auprès de 1004 personnes âgées de 18 ans et plus. Rapport complet).

En fait seuls 10% des Français interrogés disent avoir déjà complètement changé leurs habitudes. Et 31% restent réfractaires au changement. On espère donc que les 55% restants trouveront la motivation pour réduire leur impact carbone, les moyens matériels (et financiers) ainsi que le soutien des marques.

(Source YouGov)

Quelles approches pour réduire l’impact carbone des achats de mode ?

Voici le top 3 des solutions « durables » déjà utilisées ou envisagées par les 69% de consommateurs français « prêts à lever le pied » pour l’environnement : la revente de vieux vêtements (47%), le don à des associations caritatives (47%) et l’achat de vêtements de seconde main (45%).

21% des répondants précisent faire des commandes plus importantes pour réduire les frais d’expédition. L’étude ne précise pas si les consommateurs mettent aussi une motivation écologique derrière cette stratégie.

Précision : Si on regarde le « cycle de vie » d’un vêtement, grouper les commandes clients au moment de la livraison n’est pas la solution ayant le plus d’impact sur le bilan carbone de la mode. C’est plutôt l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, avant même la production, qui multiplie les émissions de gaz à effet de serre et la consommation de ressources naturelles. Par exemple pour la production et le transport du coton.

Rappelons que l'industrie textile est responsable de près de 10% des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales. C’est plus que les secteurs aérien et maritime réunis. D’ici 2050 ce pourrait être 26% des GES. (Ademe)

De plus, la fast Fashion est jugée responsable de l’accélération des cycles logistiques, avec la multiplication des micro-collections tout au long de l’année. Une accélération qui se traduit par un plus gros impact carbone du volet transport, maritime ou autre. Plus de détails dans cet article de Wedressfair qui a comparé l’impact carbone de différents choix logistiques.

La fast fashion sur la sellette

On comprend donc que le législateur s’intéresse au sujet de la Fast Fashion. Le 14 mars 2024, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi pour réduire la pollution engendrée par la « mode jetable ». Prochaine étape avant promulgation : l’examen par le Sénat. (Détails du texte sur Vie-publique.fr)

Parmi les mesures proposées :

  • L’information du consommateur (avec obligation d’affichage sur les sites de messages de sensibilisation à l'impact environnemental des produits).
  • Le renforcement du malus écologique avec un principe d’écoscore. (Dans le cadre de la Loi Climat et résilience de 2021, le Ministère de la transition écologique met déjà à disposition des professionnels un référentiel méthodologique appelé Ecobalyse (en beta) pour calculer le coût environnemental de leurs produits).
  • L’interdiction de la publicité sur la Fast Fashion (à partir du 1er janvier 2025).

(Crédit Ecobalyse - Ministère de la transition écologique - Vidéo consultable sur Loom.com)

Chic et étique

D’après YouGov, seuls 19% des consommateurs de mode français « prêts au changement green » choisissent de se tourner vers des marques ayant des valeurs éthiques et un engagement social et environnemental.

Enfin 10% déclarent acheter des vêtements de luxe car « ils durent plus longtemps ».

En effet « investir dans de la qualité, dans un produit qui pourra durer » serait la 3ème motivation des Français pour acheter une marque de luxe (à 73%). Les deux principales motivations restent « se faire plaisir » (88%), suivie de « apporter une part de rêve dans le quotidien » (82%). (D’après l’Observatoire Cetelem « les Français et le luxe » (2020, Harris Interactive).

Les consommateurs ont conscience de la mauvaise réputation de la fast fashion

Le sondage YouGov identifie également les marques les plus considérées pour les achats de mode. Les marques citées reflètent le double défi des acheteurs : optimiser leur budget dans un contexte de crise économique mondiale, et agir en cohérence avec leurs aspirations durables.  

La première marque citée est en fait le site de revente d’occasion Vinted (33%), suivie par Kiabi (30%), H&M (27%) et Zara (21%). (Précisons que les acheteurs devaient choisir leur réponse dans une liste préétablie de 20 marques. Amazon et Leboncoin.fr, les deux sites e-commerce les plus visités de France d’après Médiamétrie-Fevad ne figuraient pas parmi les choix).

Trois marques dites de « Fast Fashion » étaient proposées parmi les réponses :

  • Primark (15% de considération d’achat, 9ème marque citée sur 20)
  • Shein (13%, 11ème citée)
  • Temu (7%, 16ème citée)

Les acheteurs ont conscience de la mauvaise réputation de ces marques puisqu’elles arrivent dernières du classement en termes d’ « impression positive ».

  • Primark (18ème sur 20, 30% d’impression positive)
  • Shein (19ème, 23%)
  • Temu (20ème, 19% d’impression positive)
  • Tandis que Jules est la première marque citée (62% d’impression positive), devant Comptoir des Cotonniers (58%)et Vinted (57%).

Une partie des consommateurs a conscience que la Fast Fashion est problématique. Ainsi dans une autre étude de BazaarVoice 49 % des consommateurs français déclarent d’ores et déjà ne jamais acheter d’articles issus de la fast-fashion. Et 58% affirment acheter des articles d’occasion plus souvent qu’il y a un an. (Source Bazaarvoice Shopper Preference Report 2024).

Le magasin physique fait de la résistance

Selon Bazaarvoice, le retour au travail sur site de nombreux consommateurs s’est accompagné d’augmentation des ventes en magasins physiques. Elle explique aussi une montée de la seconde main et le refus de la fast fashion par une partie de la clientèle.

Le phénomène est particulièrement visible aux Etats-Unis où 64% des consommateurs sont retournés au bureau. 53% de ceux qui ont retrouvé le « cubicle » déclarent dépenser plus d’argent dans des magasins physiques qu’en ligne.

En France, la Fast Fashion explose sur Internet

Pourtant si on retourne en France les chiffres de trafic internet confirment bien la popularité des marques de Fast Fashion. C’est ce que reflète le Baromètre Médiamétrie-Fevad au 4ème trimestre 2023.

  • Temu est le 7ème site et l’application e-commerce la plus visité en France (27,3% de couverture mensuelle moyenne de la population française, 17 365 000 visiteurs uniques moyens par mois). Il est tout juste devancé par Vinted (27,8% de couverture, 17 708 000 vu / mois).
  • AliExpress est 11ème (21,2% de couverture, 13 496 vu / mois).
  • Shein 12ème (19,9% de couverture, 12 686 000 vu/ mois).
  • Pour comparaison, le leader du trafic e-commerce en France, Amazon, atteint 61,5% de couverture et 39 197 000 vu / mois). Il est suivi par Leboncoin.fr ( 41,9% de couverture, 26 668 000 vu / mois).

(Source Fevad/Médiamétrie)

Qui sont les acheteurs de la Fast Fashion en France ?

Pour comprendre les motivations de ces acheteurs de la Fast Fashion, regardons leur profil.

D’après YouGov, les consommateurs français qui considèrent Shein ou Temu pour leurs achats sont majoritairement des femmes (70%). Elle sont sur-représentées chez les parents d’enfants mineurs (37%).

(Source YouGov)

  • 29% ont entre 18 et 34 ans, 37% entre 35 et 54 ans, 33% plus de 55 ans.
  • 49% sont « CSP moins » (Employé(e)s ou ouvrières d’après la nomenclature Insee, soit 43.6% de la population active française)
  • 31% sont inactifs/ves. (études, retraite, raisons familiales ou de santé).
  • Ces acheteurs/euses sont principalement dans le Nord-Est (30%) et le Sud-Est (29%).

(Source YouGov)

Dans un contexte économique difficile, cette audience recherche les prix bas, les bonnes affaires et les achats en ligne. 35% sont segmentés en « chasseurs de bonnes affaires », 32% frugal et économe.

Leur critère le plus important pour acheter des vêtements est le prix (82% des répondants). La qualité n’est importante que pour 52% d’entre eux. Durabilité et longévité ne sont cités que par 19% des répondants chacun.

Le lieu de fabrication n’est pas un critère majeur pour motiver leurs achats de vêtements. C’est un critère de choix pour seulement 8% de ces acheteurs de Fast Fashion.

Les canaux de communication pour toucher cette cible sont les publicités télévisées (54% déclarent qu’elle attirent leur attention), à armes égales avec Internet (51%, en forte croissance). 21% sont plus intéressés par la publicité sur les réseaux sociaux que sur les sites Internet classiques.

Les réseaux sociaux qu’ils et elles ont le plus utilisés au cours des 30 derniers jours sont Facebook (76%), Instagram (52%) et YouTube (43%).

(Source YouGov)

Photo de Hanna Postova sur Unsplash

Séverine Godet

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