Comme à chaque fin et début d'année, c’est la frénésie autour des grandes tendances digitales pour 2018 en particulier et l’avenir en général. Entre bon et moins bon, on se perd dans un brouhaha de buzzwords jetés à la va-vite sur le papier, occultant par la même occasion la dynamique de fond, celle-là même qui doit driver sa stratégie digitale globale. Un peu perdus ? Pour vous, on démêle le vrai du faux.
100% vidéo ? Ou 100% interactif ?
Tous les cahiers de tendance ou presque l’affirment : la vidéo et ses déclinaisons tel le live seront incontournables. Certains clament même l’urgence de basculer au 100% vidéo. Qu’en est-il exactement ? Certes il s’agit d’un medium phare du futur pour les marques, et ce dans des orientations encore insoupçonnées, notamment avec l’avènement prochain du web ambiant ; pour l’heure il convient toutefois de rationaliser les usages. En 2018 la vidéo, si elle est populaire, ne doit pas s’envisager en solo : cela limiterait sa narration digitale !
L’orientation de fond actuelle résiderait davantage dans l’interactivité du support. Outre le format vidéo et audio dont on parle beaucoup, on trouve toutes sortes d’autres formats interactifs qui cartonnent. Au premier plan, les Gifs, ces images animées qui peuvent être facilement partagées et intégrées, sont très populaires auprès des marques : certaines vont même jusqu'à lancer leurs propres gifs à l’instar des Hôtels Accor ! Pourquoi pareil succès ? Parce que ces formats sont propices à la diversité et à la créativité :
La catégorie des «Morphing Gifs » présente une transition en douceur entre les images. Les « Looping Gifs » sont des GIF animés dans lesquels les premières et dernières images d'une image sont parfaitement alignées pour créer l'effet visuel d'une boucle de lecture infinie. Autre catégorie en vogue : les "Split Depth Gifs" offrent une variante intéressante en multipliant les effets 3D. Ils utilisent une technique simple ajoutant des colonnes blanches à un clip existant pour créer l'illusion du sujet qui saute hors de l’écran directement sur vous. Et puis, il y a aussi les cinémagraphs appelés "photos vivantes" à mi-chemin entre le gif animé et la photo statique.
La liste pourrait s'allonger encore : sondages, quizz, sessions de Q&A, Data Viz en HTML5, Gifographies, contenus « dont vous êtes le héros » avec des mécanismes interactifs Une chose est certaine : l’heure est au storytelling et pour cela rien de mieux que de tester ces éléments interactifs, d’apprendre à les maîtriser afin de les injecter dans votre récit de marque pour insuffler un nouvel élan !
Chatbots : l’arbre qui cache la forêt
Le chatbot est incontestablement un des concepts les plus hype du moment. Mais contrairement à une croyance répandue dans la sphère marketing, la révolution attendue n’est pas encore pour demain ! Le problème ? Les amalgames, les confusions, bref une totale méconnaissance de l’outil ...
La première erreur consiste à penser que tous les chatbots sont dotés d’intelligence artificielle. Pour simplifier, il en existe deux types :
- Les chatbots simples sont construits sous la forme d'arbres décisionnels, avec des questions à choix multiples, offrant des réponses programmées. Dans cette catégorie, qui n’implique aucune intelligence artificielle, on classe la plupart des chatbots déployés en ce moment même par les marques.
- Il existe une deuxième catégorie de chatbotscomplexes ou apprenants, dotés d’intelligence artificielle ou machine learning, qui comprennent les demandes et sont capables d’effectuer des opérations contextualisées. Ils sont toutefois encore minoritaires dans l’écosystème.
Deuxième erreur : considérer que les chatbots dotés d’IA (intelligence artificielle) sont plus performants ; en résumé, on ajoute des briques d’IA juste pour dire qu’on y a mis de l’intelligence artificielle. Or selon Thomas Gouritin, Fondateur et CEO de Tomg conseils, agence conseil en stratégie digitale, « on peut élaborer aujourd'hui des chatbots sans intelligence artificielle qui sont efficaces. Il suffit pour ça de se poser les bonnes questions et de penser réellement à l'expérience qu'on offre à l'utilisateur. Si c'est pour apporter un contenu ou un service déjà accessible par un autre biais et que ce n'est pas plus rapide ni plus facile d'accès avec un chatbot, on oublie. En somme, il s’agit de trouver le bon mix entre une conception humainement bien pensée, un rédactionnel adapté, des parcours alimentés par un peu de data pour personnaliser l'expérience et avec une reconnaissance du langage de premier niveau. »
Autre point à prendre en considération : se cantonner à l’usage exclusif de ces agents conversationnels serait une erreur puisque ces derniers ne constituent qu’un outil au service d’une stratégie sur les messageries privées qui, elles, sont en passe de devenir le principal canal de conversation des internautes ! Vous souhaitez un aperçu du futur ? Direction la Chine où les marques cartonnent sur la messagerie WeChat, grâce aux jeux, à des pages dédiées alimentées par des mini-programmes mais aussi par le biais de publicités personnalisées et contextualisées.
Une règle simple pour réussir son marketing sur ce type de messageries : doser suffisamment les opérations pour ne pas être trop intrusif et respecter l'intimité qui y règne. En effet sur ce canal, si la marque propose, c’est bel et bien le consommateur qui dispose et décide de « consommer » un contenu de marque.
L’influence Marketing … galvaudée ?
Autre concept sous les feux de la rampe, l’influence marketing désigne l'ensemble des pratiques visant à utiliser le potentiel de recommandation des influenceurs. On le sait, les consommateurs adblockent à tout va, font de moins en moins confiance au discours émis par les marques et se tournent de plus en plus vers leurs « pairs » pour truster leurs choix de consommation. Donc oui, l’influence marketing est promise à un bel avenir. Mais il semble évident qu’en 2017 des zones de confusion sont présentes, qui ternissent son image – c’est le cas du reste pour toute discipline qui bascule de l’expérimentation à la transformation.
En la matière, on assiste à une explosion de l’offre en termes de technologies … mais l’erreur consiste à ne pas distinguer les différents services, ce qui est bien dommage car il y a de la variété !
On va trouver des solutions de social listening évoluées, qui permettent de cartographier des influenceurs sur des sujets donnés notamment en lien avec la veille mise en place par la marque. Autre type de service, les « marketplaces » dédiées mettent en contact des marques avec des influenceurs moyennant rémunération, Reech ou Influence for Brands pour ne citer qu’elles.
Des sociétés se spécialisent dans les tests produits et/ou les dispositifs de co-création avec des influenceurs, c’est le cas de la société Octoly, mais d’autres sociétés comme Sampleo déclinent ce même principe auprès des consommateurs lambda, ici considérés à l’égal des autres influenceurs. D’autres plateformes ont une vocation plus globale, ainsi Traackr et son système de détection et de mise en veille des influenceurs, le tout dans une optique à long terme. Enfin certaines sociétés développent des solutions d’affiliation dans une optique de win-win pour la marque et l’influenceur.
La deuxième zone d’ombre concerne l’audience et l’engagement des influenceurs. On a parlé des macro influenceurs, du middle, de l’influenceur de longue traine et enfin du consommateur lambda. Conclusion ? Chaque typologie peut contribuer au rayonnement de votre marque … mais de manière bien plus organisée et planifiée. Les marques doivent penser des stratégies sur le long terme, en mode cross-fonctionnel. L’«employee advocacy » qui propulse les employés d’une marque au rang d’ambassadeurs de celle-ci n’est qu’une composante d’une mise en exergue globale, au même titre que des dispositifs d’influence déployés auprès de ses partenaires, journalistes etc.
Et la liste ne s’arrête pas là. L’absence de standards pose de nombreux soucis, notamment lorsqu’il s’agit de la rémunération de ces influenceurs. Faut-il les payer ... ou pas ? En l’état deux paramètres sont à prendre en compte : on paye pour le travail et pas pour l’influence, rémunérer est synonyme de valeur, pas toujours d’argent. En résumé, le marketing d’influence devrait être relationnel, pas transactionnel afin d’éviter les dérives en tout genre comme l’explique Eric Maillard, Head of Influence & Reputation chez Ogilvy dans un article sur les fausses promesses du marketing d’influence.
« Voice as a service » mais pas seulement
Le lancement en France de Google Home, l’assistant vocal intelligent de Google, en août 2017 a suscité beaucoup de discussions sur la toile. Si aux USA les marques expérimentent depuis plusieurs mois déjà les opportunités offertes par ces nouveaux usages, en France seuls quelques early adopters comme Monoprix ou Sephora se sont lancés dans l’aventure. En 2018 les marques « beta testeurs » vont se multiplier mais le vrai défi sera d’intégrer ce nouveau canal dans le cadre d’une stratégie bien plus globale. La tendance de fond ? les interfaces naturelles : les interfaces vocales certes, mais aussi textuelles, sonores ou visuelles comme l’explique Fred Cavazza. Et à terme, le web ambiant. Un sacré bouleversement. C’est pourquoi les marques ont tout intérêt à se mettre en mode test & learn dès à présent.
On le voit au terme de cette brève approche, 2018 version digitale va être riche en opportunités pour les marques, mais aussi en transformation des usages et des perceptions pour les utilisateurs comme pour les acteurs de ce secteur. A n’en pas douter, ce sera une année charnière qui devrait modifier la conception de la visibilité numérique, nuancer la volonté de résultats immédiats et proposer des plans de développement fondés sur l’avenir et la recherche de pérennité via l’adaptabilité à des supports en perpétuelle mutation. Tout un programme qu’il conviendra d’étudier dans le détail.
Marie Dollé
Experte en stratégie digitale