La révolution digitale, c’est un peu le météorite géant qui fonce vers notre petit monde à peu près tranquille. Au départ nous observons un nouveau point lumineux, il se rapproche mais il est si loin qu’on a l’impression qu’il ne bouge pas. Puis on comprend ce que c’est et on s’inquiète, la peur n’évitant pas le danger, quand on réalise qu’il va nous percuter il est déjà trop tard.
La particularité des espèces éteintes dans ce genre de période est souvent la même : un cerveau (plutôt petit) qui pilote un corps bien trop gros pour lui. Les espèces qui survivent sont plutôt composées de millions de petits cerveaux qui se coordonnent naturellement. Ca fait réfléchir…
D’autant plus que nous évoluons dans un contexte ou nos nouvelles recrues, celles qui restent 2 ans maximum dans une entreprise, celles qui rêvent d’entreprendre, celles qui ne supportent pas qu’on les fasse travailler sous la contrainte alors qu’elles n’ont rien à y gagner, mais aussi celles qui sont prête à donner le meilleur d’elles mêmes si l’enjeu en vaut la chandelle, nous challengent au quotidien dans notre management et nos organisations.
Si nous ne pouvons pas changer les composants, ni le contexte, il faut se poser la question du logiciel. Nous faisons tous tourner nos entreprises avec le même OS, ou presque. Des juniors qui apprennent, deviennent confirmés, puis seniors. Lorsqu’ils sont, enfin, pleinement opérationnels, nous leur demandons de changer de mission et d’apprendre un nouveau métier : manager de nouveaux juniors qui à leur tour savent que pour évoluer il devront manager d’autres personnes…
A l’instar de nos ancêtres égyptiens, nous avons créé de véritables moteurs à pyramides virtuelles, qui deviennent inexorablement les tombeaux de la motivation de nos salariés
A l’instar de nos ancêtres égyptiens, nous avons créé de véritables moteurs à pyramides virtuelles, qui deviennent inexorablement les tombeaux de la motivation de nos salariés, et du pharaon « profitabilité ». Au mieux, quand la croissance est au rendez-vous, nous arrivons à maintenir une dynamique positive car tout le monde bouge dans le bon sens. Mais à la moindre crise, le programme s’enraille, bug, plante et il faut se replier vers « le noyau dur » les « fidèles » et désinstaller bon nombre d’applications périphériques.
Pourtant, lorsqu’on s’intéresse aux organisations modernes, on voit qu’il est possible de faire autrement. Regardons Wikipedia : 16 000 contributeurs, aucun manager, et une régulation incroyable qui fait tendre le produit vers toujours plus de qualité. Et si le nombre pouvait devenir une force au lieu d’être un défaut ? Et si l’autorité naturelle de ses pairs valait bien mieux que n’importe quelle autorité hiérarchique imposée ?
Dans son livre « Reinventing Organisations, vers des communautés de travail inspiré » Philippe Laloux parle d’organisations Opales (Teal, comme le canard sauvage). Le paradigme Opale, à la différence de tous les précédents, est basé sur la confiance et l’abondance. La confiance dans la volonté d’un individu de servir une organisation qui lui sert en retour (comme n’importe quel organisme vivant), et l’abondance des talents et ressources à la porté de qui veut bien les voir et les laisser s’exprimer.
Généralement, lorsque vous abordez ce sujet, votre auditoire vous imagine avec une chemise en chanvre et un bandeau dans les cheveux, à disserter sur la spiritualité de l’homme et sa place dans l’univers. C’est pourtant tout l’inverse. Ce que vise l’organisation Opale, c’est avant tout l’efficacité, l’économie de ressources et la qualité de sa production, le tout augmenté d’une bonne dose de créativité et d’innovation. Qui dit mieux ?
Récemment, un entrepreneur me disait que son entreprise n’avait jamais aussi bien fonctionné que depuis qu’il proposait aux salariés qui souhaitaient le quitter, de travailler plutôt avec lui en freelance, d’où ils veulent, quand ils veulent. Offrir de la liberté est donc plus efficace qu’intensifier la contrainte.
Un autre avantage de ces organisations, grâce à la multiplication des circuits courts (les millions de petits cerveaux), c’est leur incroyable capacité à s’adapter à leur environnement, à la manière d’un organisme vivant qui évolue en fonction du contexte
Alors désormais, j’essaye systématiquement de me poser ces questions :
– Qu’est ce que mon entreprise, mon organisation, apprend à ses membres ? (n’oubliez pas que la génération Y croit plus en l’entreprise qu’en l’école pour sa formation)
– Comment suis-je sûr que chaque personne est à sa place ? (celle qu’elle veut et celle pour laquelle elle est faite)
– A quel point chacun trouve son compte dans la réussite de l’ensemble ? (non non, ils ne font pas ça que par sens inné du don aveugle de soi…)
– Qui prend les décisions et quelles sont réellement ses compétences pour le faire et quel impact ont-elles sur son quotidien ? (celui qui prend une décision au devrait être celui qui en vira les conséquences au quotidien, avec l’avis de ses pairs comme garde fou)
– Quel est le réel apport de chaque couche de management ? (quel ROI pour ma structure hiérarchique, par rapport à une structure auto gouvernée)
Ce n’est qu’un petit échantillon des questions importantes, et le chemin vers le logiciel idéal est probablement rempli d’embuscades en tous genres, la résistance au changement est bien solide. Mais, devant l’échec flagrant du modèle classique à fonctionner avec les nouvelles générations et les nouvelles contraintes du marché, ne vaut il mieux pas se jeter à l’eau et lancer la mise à jour ?
Entreprises libérée, Holacracy, management participatif par objectif… il existe pléthore de nouveaux modèles d’organisation qui essayent de donner plus de place à l’individu et à son libre arbitre, pour développer la motivation et l’accomplissement au travail. Cette tendance est forcément le résultat d’un besoin de renouveau dans nos entreprises.
Alors, on la fait cette migration vers l’entreprise 3.0 ? Il y a sûrement plein de bugs, mais avouez qu’elle est quand même beaucoup plus sexy…