E-Commerce

Marketplace : est-il possible de construire une approche hybride efficace ?

Par Antoine de Sainte Marie, Consultant digital et data chez Converteo

Shutterstock / Surasak_Ch

En 2017, 50% des ventes e-commerce ont été réalisées sur des marketplaces à travers le monde et dans le cas de la France, l’institut d’études Xerfi, estime qu’en 2021, les marketplaces représenteront une transaction sur trois. Ces plateformes, parmi lesquelles se distinguent Alibaba, Amazon et eBay, alimentent la croissance du e-commerce mondial.

Une marketplace est une place de marché où se rencontrent offre et demande. A l’échelle du globe, les marketplaces sont très différentes les unes des autres. Ces différences peuvent porter sur :

  • leur ciblage – B2B, B2C, C2C ;
  • leur catalogue – biens et/ou services ;
  • leur modèle de rémunération – abonnement et/ou commission ;
  • leur niveau de services – délégation logistique, investissement marketing, degré d’accompagnement avec des responsables de comptes.

Dans ce contexte, certaines marketplaces sont dites “hybrides”. A l’instar d’Amazon, les marketplaces hybrides réunissent les offres venant des Vendors et celles venant des Sellers. Lorsqu’une marque est un Vendor sur Amazon, elle vend ses produits directement à Amazon en “First-Party” qui, à son tour, vend ces derniers aux consommateurs selon un modèle de distribution “traditionnel” (Retail – B2B – 1P). Lorsqu’une marque est un Seller sur Amazon, elle vend ses produits directement aux consommateurs en “Third-Party” en tant que tiers (Marketplace – B2C – 3P). Pour simplifier l’expérience utilisateur et améliorer son référencement, Amazon a fait le choix de réunir toutes les offres (Vendor et Seller) d’un même produit sur une page unique.

Deux paramètres changent radicalement lorsque la marque est un Vendor ou un Seller ; le prix de vente et la logistique. Si la marque vend en tant que Seller, elle décide du prix de vente auquel ses produits sont vendus et peut gérer elle-même la livraison des commandes*. A l’inverse, si la marque intervient en tant que Vendor, la marketplace décide du prix de vente auquel elle cède les produits et expédie les commandes.

Ces dernières années, les marques montrent de plus en plus d’intérêt pour intervenir en tant que Seller et reprendre la main sur leur dynamique commerciale. La montée en compétences des équipes e-commerce et digital des annonceurs facilite cette reprise en main.  Souvent, ces marques prennent l’initiative d’ouvrir des comptes de Seller en parallèle de leurs activités en tant que Vendor. Il s’agit de mener une approche hybride sur une marketplace elle-même dite hybride : la marque vend ses produits simultanément en tant que Vendor et en tant que Seller. En effet, nombreux sont les avantages d’un compte Seller pour la marque :

  • Tirer parti d’une structure de coûts différente ; si les taux de commissions varient en fonction des catégories de produits vendus, un Seller peut néanmoins dégager une marge plus élevée à condition d’optimiser les postes de dépenses (marketing, logistique).
  • Reprendre le contrôle du prix de vente ; en décidant du prix auquel il souhaite voir ses produits vendus avec la possibilité d’ajuster ce dernier en temps réel, le Seller peut appliquer une politique tarifaire en lien avec sa stratégie commerciale.
  • Capitaliser sur des investissements logistiques ; certaines marques disposent de capacités logistiques pour expédier des colis dédiées à leur site en ligne et qui ne demandent qu’à être amorties.
  • Nouer une relation plus directe avec les consommateurs ; un rôle de Seller permet à la marque de vendre directement à ses clients par l’intermédiaire de la marketplace, même si cette dernière garde la main sur la relation et la data.

Selon une étude menée auprès de plus de 500 marques aux Etats-Unis par Feedvisor en 2018, un tiers des marques vendant sur Amazon ont une approche hybride. Plus frappant encore, quatre Vendors sur cinq souhaitent basculer vers un rôle de Seller.

Pourtant, les marketplaces souhaitent aujourd’hui limiter l’essor des approches hybrides. En 2019, aux Etats-Unis, Amazon a ainsi invité les Sellers les plus performants à basculer sur un compte Vendor dans un délai de 90 jours en les menaçant de suspendre leurs activités. Dans le même temps, Amazon a relégué des Vendors ne dépassant pas les 10 millions de $ de ventes annuelles à des rôles de Sellers.

Dans les deux cas, Amazon souhaite reprendre le contrôle sur la différence entre ces deux rôles, quitte à aller jusqu’à les imposer aux marques selon leur potentiel. En effet, la marketplace préférera toujours traiter directement avec les marques stratégiques, ce que lui permet le statut de Vendor. De fait, s’approvisionner directement auprès des marques stratégiques permet à la marketplace** de :

  • Recruter de nouveaux clients en bénéficiant de leur notoriété ;
  • Rester compétitive par rapport à ses concurrents en fixant son prix ;
  • Eviter les ruptures de stock et donc de préserver l’expérience client ;
  • Dégager une marge unitaire plus importante qu’auprès d’un Seller.

Opérer sur une marketplace avec une approche hybride lorsque l’on est une marque stratégique peut donc s’avérer risqué. Pour éviter d’en arriver à une suspension de compte, différentes questions sont à se poser : comment développer une activité de Seller sans risquer de nuire aux relations commerciales qui sous-tendent le statut de Vendor ? Quelle est la faisabilité à long terme d’une approche hybride ? Quel positionnement adopter pour le compte Seller ? Faut-il vendre le même assortiment en tant que Vendor qu’en tant que Seller ?

Pour autant, opérer avec une approche hybride reste intéressant, notamment dans une démarche de growth-hacking, avec pour pré-requis d’obtenir l’accord de la marketplace concernée. En fonction des relations entretenues avec la marketplace, différentes postures permettent d’envisager le lancement d’un compte Seller :

  • Être transparent sur la démarche hybride ; par exemple, en utilisant le compte de Seller comme condition préalable au succès du Vendor pendant les premières phases du cycle de vie du produit.
  • Séparer les activités de Seller de celles de Vendor ; par exemple, en dissociant les équipes, les outils et les méthodes afin de limiter d’éventuels conflits d’intérêt et gérer les comptes de manière distincte.
  • Coopérer avec la marketplace ; par exemple, en s’autorisant à vendre uniquement avec le statut de Seller la partie de l’inventaire que la marketplace ne souhaite pas acquérir via le compte Vendor.

Du point de vue de l’assortiment, pour éviter de cannibaliser les ventes du Vendor avec le compte Seller, deux options s’offrent à la marque :

  • Vendre un assortiment identique entre les comptes Vendor et Seller : et ainsi positionner une offre de Seller lorsque le compte Vendor est en rupture de stock pour éviter de perdre une vente au profit de la concurrence.
  • Différencier les assortiments : et ainsi utiliser le compte Seller comme une rampe de lancement avec une nouvelle catégorie/marque, pour vendre des produits non-profitables avec le compte Vendor ou écouler d’anciennes versions du produit.

Jusqu’à aujourd’hui, les différences entre Vendor et Seller étaient très marquées sur Amazon. Pour autant, l’objectif de la marketplace reste le même : proposer aux consommateurs des produits aux prix le plus bas avec une logistique excellente. De nombreux experts pensent donc que les différences entre les deux rôles vont s’atténuer. Ainsi, sur Amazon, un portail One Vendor pourrait les réunir au sein d’une même plateforme opérationnelle (au lieu de combiner Vendor Central et Seller Central). Le contrôle du prix et de la logistique deviendrait alors une option activable au cas par cas, en fonction des produits et moyennant des taux de commissions graduels.

Ce qu’il faut retenir :

  • Les marketplaces alimentent la croissance du e-commerce mondial ;
  • Les marketplaces hybrides rassemblent Vendors (1P) et Sellers (3P) ;
  • Le contrôle du prix et de la logistique distinguent ces deux rôles ;
  • L’approche hybride consiste à être Vendor et Seller sur une même marketplace ;
  • Les marketplaces freinent l’essor des approches hybrides ;
  • Mais ces dernières restent intéressantes, à conditions d’obtenir l’accord de la marketplace et de différencier les assortiments vendus sur les deux comptes.

Notes

*Un Seller reste cependant libre de payer la marketplace pour qu’elle assure l’expédition des commandes à sa place (Fulfilment by Marketplace) ou de sous-traiter ces opérations à un prestataire externe (Third-Party Logistics).

**Une marketplace comme Amazon s’aligne en effet sur les prix pratiqués par ses concurrents (“price matching”) et automatise les commandes de produits qu’elle adresse à ses Vendor pour disposer du bon niveau de stock en tenant compte de plusieurs indicateurs (visites, ventes, requêtes, saisonnalité, délai d’approvisionnement…)

Sources :

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