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Sébastien Emeriau (Havas Media Network) : les marques peuvent disparaître quand elles n’ont plus d’histoires à raconter

Havas Media Network vient de dévoiler les résultats de l’édition française 2025 de Meaningful Brands™. 450 marques sont évaluées dans 20 catégories sur un panel de 22 000 personnes.  L’étude examine l’impact d’une marque au regard de la perception et des attentes des consommateurs à travers trois piliers clés – ses avantages personnels, fonctionnels et collectifs. 

A cette occasion nous avons rencontré Sébastien Emeriau, Chief Strategy Officer d’Havas Media Network pour en savoir un peu plus.

Sébastien Emeriau

Pourquoi Meaningful Brands ?

L’intérêt principal de Meaningful Brands est d’évaluer les marques sur une cinquantaine de critères habituellement traités dans des études séparées. Ces critères couvrent trois dimensions : des aspects très fonctionnels (ce que fait le produit, son coût, sa fiabilité), des bénéfices personnels (gain de temps, facilitation de la vie quotidienne), et des aspects collectifs (contribution à l’environnement, éthique, impact sur l’économie).

Notre approche est pragmatique : elle révèle aux marques ce sur quoi les gens les attendent et où elles performent bien ou moins bien par rapport à ces attentes.

Un exemple concret ?

Prenons le secteur bancaire. Le Crédit Agricole et Revolut ont à peu près la même note Meaningful, mais les attentes des consommateurs envers ces marques sont différentes. Revolut est attendue sur l’expérience utilisateur, la digitalisation, les tarifs compétitifs et les services à l’étranger. Le Crédit Agricole, lui, est davantage attendu sur l’universalisme, le soutien aux agriculteurs, la présence d’agences physiques et la diversité des produits. L’important pour chaque marque est d’être performante là où elle est attendue.

Dans le contexte actuel de crise géopolitique et de polarisation, quelles tendances observez-vous ?

Nous observons deux tendances principales. Premièrement, les consommateurs recherchent du contrôle et de la réassurance. Dans un monde perçu comme chaotique et imprévisible, ils veulent des marques qui leur donnent un sentiment de maîtrise sur leur vie, leurs finances, leur temps.

C’est une des raisons pour lesquelles les entreprises technologiques sont désormais perçues positivement. Elles offrent des services fiables qui donnent ce sentiment de contrôle. Prenons l’exemple de l’achat d’une voiture neuve, un des investissements les plus importants après l’immobilier. Aujourd’hui, à cause des problèmes de semi-conducteurs et de délais de production, vous pouvez dépenser 30 000 ou 40 000 euros sans même repartir avec votre véhicule. À l’inverse, la technologie est ultra fiable et rassurante.

La deuxième tendance concerne le besoin d’énergie et d’évasion. Les consommateurs sont attirés par les marques qui leur “donnent la pêche” et leur permettent de s’évader du quotidien. C’est pour cela que les boissons énergisantes, les marques de sport, les plateformes de streaming et le secteur du voyage sont en forte croissance.

La technologie rassure, mais elle peut aussi inquiéter ? 

C’est intéressant de comparer la France à d’autres pays. En Angleterre, aux États-Unis ou en Allemagne, les entreprises technologiques sont souvent, à côté de marques locales, en tête des classements. En France, nous avons longtemps observé une résistance vis-à-vis de la technologie, liée à des préoccupations concernant la taille de ces entreprises, leur impact sur l’emploi, les questions légales comme le RGPD, ou leur contribution fiscale.

Ce qui a changé dans notre dernière édition, c’est que les bénéfices en termes de gain de temps, de simplification de la vie et de fiabilité l’ont emporté sur ces préoccupations. Les consommateurs reconnaissent les problèmes liés à ces entreprises mais apprécient au moins autant les avantages pratiques qu’elles offrent.

Qu’en est-il du dilemme entre RSE et pouvoir d’achat ?

C’est effectivement un sujet important. Nous observons que le poids des bénéfices collectifs, qui incluent la RSE mais aussi d’autres dimensions comme l’impact économique ou l’éthique, a légèrement augmenté de deux points sur les huit dernières années, au détriment des bénéfices fonctionnels.

Cependant, la plus forte progression concerne les bénéfices personnels. Quand nous mesurons la disposition à payer 10% plus cher pour un produit, la dimension RSE prend plus d’importance, ce qui signifie qu’il faut apporter des preuves concrètes pour justifier un prix supérieur. Mais globalement, la RSE est aujourd’hui intégrée par les consommateurs comme une attente de base, qui ne justifie pas nécessairement un prix plus élevé.

Vous évoquez un risque de “disparition” pour les marques. Qu’entendez-vous par là ?

Dans notre étude, nous posons cette question cruciale : “Si cette marque disparaissait, est-ce que cela vous poserait un problème ?” Le taux de réponses positives n’est pas très élevé. Le véritable risque pour les marques n’est pas tant de disparaître physiquement que de disparaître de l’esprit des consommateurs. Beaucoup de marques considèrent encore que leur existence dépend uniquement de la supériorité de leur offre, sans réaliser que l’attachement des consommateurs est lié à l’ensemble des interactions avec la marque et à la communication.

C’est comme avec des amis : si vous n’entretenez pas la relation, si vous ne partagez plus rien ensemble, l’image qu’ils ont de vous devient surannée. Le problème, c’est que de nombreuses marques pensent “acquérir” des clients, alors que nous leur disons qu’elles les “louent” en quelque sorte. Il est essentiel d’entretenir la relation à travers le CRM, la publicité, les réseaux sociaux, pour maintenir une conversation active avec les consommateurs.

Le contexte actuel a-t-il accentué ce besoin de relation avec les marques ?

Le divertissement a pris une place prépondérante dans la vie des gens. Il fut un temps où les produits de grande consommation faisaient rêver, où l’on parlait des nouvelles voitures, des nouveaux téléphones… Aujourd’hui, ces catégories suscitent moins d’intérêt spontané.

Les marques doivent donc recréer intelligemment des conversations autour d’elles.

L’être humain ne se lasse jamais des histoires, c’est pourquoi on trouve toujours matière à parler de la dernière série Netflix ou du dernier film. Certaines marques l’ont compris et commencent à développer une approche de “marque média” en créant leurs propres contenus pour maintenir cette relation avec leurs consommateurs.

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