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L’intelligence artificielle, et sa nécessaire acculturation, ne doivent pas faire oublier deux autres sujets : le commerce social et le métavers

One to One Expérience client à Biarritz qui s'est tenu du 3 au 5 octobre 2023, sous un doux soleil basque, a été un beau succès. Le thème, cette année, était “L’éthique c’est chic”. 

Nous avons rencontré à cette occasion Olivier Laborde, Leader Innovation et Transformation digitale au sein du groupe BPCE. Il nous répond aujourd’hui en sa qualité d’auteur des livres ‘Innover ou disparaître’ et ‘Social commerce’, d’expert en innovation et d’observateur des tendances tech. 


On parle beaucoup d’intelligence artificielle générative, le sujet pour les entreprises n’est-il pas avant tout celui de son acculturation ? 

L’intelligence artificielle générative est un sujet important car cela va transformer notre façon de travailler. Bien sûr certains voient les aspects négatifs, et de fait des études montrent que des emplois vont être supprimés. L’acculturation à l’intelligence artificielle permet de rassurer, notamment sur le fait qu’on est loin du remplacement des emplois et de montrer au contraire qu’on va pouvoir travailler mieux et même parler de collaborateurs augmentés. Pour les entreprises, il s'agit de trouver des utilisations pour améliorer la productivité et l'expérience client, tout en rassurant sur les emplois. L'IA générative sera en premier lieu omniprésente dans les logiciels que nous utilisons au quotidien, comme Word, PowerPoint, Adobe Campaign, ou Photoshop. Ceci nécessite un apprentissage de cette nouvelle façon de travailler, avec un assistant IA, sorte de co-pilote. Cela va stimuler la créativité et la productivité des entreprises, sans supprimer d'emplois, au moins dans un premier temps. Ensuite, les emplois ‘gagnés’ en productivité seront potentiellement compensés par la création de nouveaux métiers et emplois autour de l’IA.


Comment s’organise cette acculturation à l’intelligence artificielle ? 

L'accompagnement au changement s'organise à tous les niveaux de l'entreprise, de la direction aux collaborateurs. Cela implique des sessions d'acculturation pour les comités de direction et les équipes de direction générale, complétées de sessions plus spécifiques à chaque domaine d'activité. Ensuite, on peut mettre en place des initiatives comme des « digital cafés » pour sensibiliser les collaborateurs à l'IA générative de manière plus informelle et encourageante. On peut également organiser des journées de travail dédiées à l'IA générative, où des collaborateurs de différents départements sont formés le matin et travaillent l’après-midi sur des cas d'usage sur l’ensemble des métiers de l’entreprise, la conformité, le juridique, la direction financière, les RH, …

Il est aussi essentiel de sensibiliser les employés aux bonnes pratiques, notamment en ce qui concerne l'utilisation deChatGPT ou toute autre solution IA en entreprise, en raison des préoccupations liées à la sécurité des données critiques et confidentielles.


Quelques cas d’usages ? 

Je pense que les cas d’usage concernent l'ensemble de l'entreprise. Contrairement à d'autres sujets, comme l'open banking ou la blockchain, qui étaient plus spécifiques, l'IA générative touchera tous les métiers et tous les collaborateurs. C’est pourquoi il est essentiel dans le processus d'acculturation d'impliquer toutes les parties prenantes, y compris les juristes, les comptables, etc. 

Un exemple concret pour les juristes serait d'utiliser l'IA générative pour synthétiser des documents réglementaires dans différentes langues, ce qui leur ferait gagner du temps et les aiderait à identifier les informations pertinentes pour leur domaine.

Un autre cas d'utilisation concerne les entreprises avec des processus de validation complexes et longs, où le rôle du juridique, par exemple, peut sembler ralentir les processus de mise en marché. On peut envisager l'utilisation de l'IA générative pour pré-valider automatiquement des documents en fonction des exigences juridiques, comme une fiche produit dans le secteur bancaire. De même, un employé effectuant de la veille peut alimenter l'IA en URLs et livres blancs pour obtenir une synthèse des tendances. Pour cela, l'utilisation de Claude, de la société Anthropic, est aussi pertinente que ChatGPT.


Éclipsé par l’intelligence artificielle générative, le social commerce est moins tendance. Faut-il toujours y croire ? 

Deux aspects sont à considérer. Tout d'abord, en ce qui concerne le commerce social, je pense que cela reste une opportunité. Les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans nos vies, et le modèle a bien fonctionné en Chine grâce aux influenceurs. Une heure de live shopping animé par des influenceurs en Chine fait vendre énormément de produits. 

Cependant, il est essentiel de reconnaître que la culture et les codes sociaux en Occident sont différents de ceux en Chine. On a certainement voulu copier de manière opportuniste le modèle.

Deuxièmement, il est important de prendre en compte la dynamique impulsée par les entreprises. Cela s'applique également aux webinaires, où il est difficile de maintenir l'engagement avec des rendez-vous (trop) ponctuels, souvent confrontés à des absences non planifiées. Pour réussir, il pourrait être judicieux d'établir une régularité, comme une émission de télévision hebdomadaire, pour entretenirl'engagement des spectateurs. En ce qui concerne les influenceurs, bien que cela ait fonctionné en Chine, son adaptation en France pourrait nécessiter du temps pour devenir une pratique courante.

En matière de dispositifs de vente intégrés sur les réseaux sociaux, il y a encore des différences entre ce qui existe sur d'autres continents et ce qui est disponible en France. Il existedes obstacles à surmonter pour permettre un achat 100 % intégré dans les réseaux sociaux, contrairement aux paysaméricains ou asiatiques. Il n'y a pas autant de réseaux sociaux offrant un processus de vente complet à l'intérieur de la plateforme, ce qui oblige souvent à se rendre sur un site web d’e-commerce pour conclure son achat. Cependant, certaines fonctionnalités, comme le shopping sur Instagram, commencent à émerger et à permettre un processus d'achat plus fluide et sans couture. 


Autre sujet encore plus rapidement oublié, le métavers.  Qu’en est-il, pourquoi ne faudrait-il pas le perdre de vue selon vous ? 

Je pense que nous sommes encore au début. De fait, il y a eu une incompréhension. L'IA générative a pris le devant de la scène, mais il y a une différence majeure. Avec l'IA générative, nous parlons de mois voire de semaines, tandis que le métavers, bien que prometteur, va prendre plus de temps pour s’installer. Les gens sont prompts à passer d'une tendance à l'autre, mais ils oublient que le métavers nécessite un effort à long terme, car de nombreux paradigmes, mentalités et modèles économiques doivent changer. C'est un changement culturel majeur qui ne peut pas se produire du jour au lendemain.

De plus, il y a des questions de maturité technologique à considérer et de coûts associés à l’équipement de matériels pour accéder au métavers. 

Cependant, je suis convaincu que les métavers représententl'avenir des réseaux sociaux, une sorte de version 3D, des réseaux sociaux 3.0. Actuellement, plus de 5 milliards de personnes passent déjà 2 heures et demie par jour sur les réseaux sociaux. Avec les bonnes technologies et le bon équipement, je pense que nous passerons facilement 1 à 2heures d’ici quelques années dans des environnements immersifs et sociaux. Cela offrira aux marques d'innombrables opportunités pour proposer des expériences incroyables aux consommateurs.


Que doivent faire les entreprises en matière de métavers aujourd’hui ? 

Pour commencer, il faut modestement expérimenter et apprendre. Le secteur du luxe, par exemple, s’est lancé tôt et a réussi à prendre une longueur d'avance malgré son retard initial dans le numérique. 

Concrètement, les entreprises peuvent commencer par créer un espace virtuel, une sorte de « web 2.5 », car tout n'est pas encore totalement mature dans le domaine du Web 3. Dans cet espace virtuel, les marques peuvent permettre à leurs consommateurs de découvrir leur univers de marqueactuellement en 2D et assez statique. Ceci permet déjà d'offrir des expériences incroyables aux clients. 

Il est aussi important d'utiliser une langue compréhensible par tous, des termes intelligibles, comme « portefeuille » au lieu de "wallet" et « actif numérique » plutôt que « NFT ». 

Aujourd'hui, avec le nombre croissant de joueurs de jeux vidéo et les possibilités offertes par les technologies de réalité mixte, virtuelle et augmentée, je crois beaucoup en l'essor demétavers par le biais d’expériences immersives autour de l'art, du sport et de la culture. Paris 2024, je l'espère, sera un catalyseur pour la création d'un espace virtuel qui permettra à un plus grand nombre de personnes de vivre des expériencesmagiques et uniques, par exemple les coulisses des épreuves olympiques, le « back stage » des JO.

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