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Data coopérative : année zéro. Par Nicolas Blandel (Temelio)

Le marché français de la publicité en ligne est soumis à l’hégémonie de Google et Facebook. Ce duopole capte aujourd’hui près de la moitié des parts de ce marché, et rafle 85% de la croissance des investissements. En résumé, la publicité en ligne continue de croître, mais ne profite qu’à deux acteurs.

Une domination sans conteste

Deux atouts permettent aux géants américains de maîtriser toute la chaîne de valeur de l’achat média : la technologie et la data. Facebook et Google proposent des solutions technologiques puissantes et full-stack, mises à disposition des annonceurs quasiment gratuitement pour les pousser à investir massivement dans leurs environnements fermés. De plus, leur audience loguée, cross-device, et très qualifiée couvre le marché français de manière quasi-exhaustive et offre des capacités de ciblage très fines. A titre d’exemple, Facebook comptabilise 32 millions d’utilisateurs actifs mensuels (28 millions d’utilisateurs actifs sur mobiles) en France (i) tandis que Google revendique via son réseau display un reach de 86% des internautes français (ii). Face à eux, les régies et publishers français proposent une offre fragmentée au niveau des audiences mais également au niveau des technologies utilisées, limitant les capacités de collaboration entre eux. Difficile dans ces conditions de lutter à armes égales.

Données on + données off = audience qualifiée, ciblage optimisé

Si le digital appréhende très bien les sujets de navigation, de centres d’intérêts et d’intention, les données socio-démographiques avérées sont beaucoup plus rares. A l’heure où les annonceurs cherchent à s’assurer que leurs publicités touchent bel et bien les audiences ciblées par leur campagne, les approches de ciblage socio-démo basées sur des méthodes probabilistes ne répondent plus au besoin marché en termes de qualité. On comprend alors que la précieuse data des GAFA est un vrai trésor de guerre.

Pour autant, des données socio-démo d’origine déclaratives existent sur le marché français : la plupart des éditeurs ou annonceurs en collectent en permanence dans leurs bases offline auprès de leurs clients, abonnés et utilisateurs. Ces données représentent une vraie richesse pour qualifier et augmenter les capacités de ciblage de leurs audiences online, à condition de les réconcilier avec l’écosystème programmatique grâce à l’onboarding. Si la technologie de data onboarding permet de répondre en partie aux besoins de qualification des audiences, l’autre sujet central reste le volume : tant que chacun commercialise son audience de son côté, l’effet d’échelle nécessaire pour contrer un Google ou un Facebook restera insuffisant. Il y a désormais urgence à travailler ensemble.

Les ennemis de mes ennemis sont mes amis

Si le contexte est désormais plus favorable aux rapprochements entre anciens concurrents, le partage de la data reste un sujet complexe, très lié aux enjeux de privacy et de gouvernance. De nombreux propriétaires de données restent persuadés que la valeur de leur data repose dans son exclusivité. C’est en partie vrai, mais le reach, autrement dit la capacité à toucher le plus grand nombre d’individus correspondant aux critères de la campagne, entre également dans l’équation de valeur. Pour cette raison, le salut des publishers et des régies passera obligatoirement dans leur capacité à assembler leurs forces, mutualiser leurs données loguées, cross-device et socio-démo afin de créer une place de marché commune de segments d’audience.

Des alliances sont déjà en place au niveau de la mutualisation des inventaires (Audience Square, La Place Media) ou de données contextuelles mais il est temps d’aller au bout de cette mise en commun. M6 annonçait récemment 15 millions d’utilisateurs actifs à son service de replay (iii). Combinée à la data on et offline d’un acteur des télécoms ou de l’assurance et celle d’un pure-player à l’audience 100% loguée (ex : vente-privée, voyage privé…) on peut plus aisément imaginer rivaliser avec un Facebook à la fois en termes de couverture mais également en qualification socio-démo. A titre d’exemple, Emetriq, une initiative de plusieurs groupes média allemands et de l’opérateur Deutsche Telekom propose aujourd’hui une audience de 80 millions de profils actifs. Reste encore un modèle économique à définir, qui devra être décidé par l’ensemble des parties prenantes.

Le rôle central du tiers de confiance

Le rapprochement des données implique également la présence d’un tiers de confiance indispensable pour traiter les enjeux liés à cette mutualisation :

  • héberger les données de manière sécurisée sur le territoire français ;
  • opérer la digitalisation et l’anonymisation des données présentes dans les bases offlines ;
  • gérer les règles de recoupement et de complétude pour créer une vue unique, cross-device et qualifiée de chaque profil ;
  • apporter une capacité de synchronisation de chaque cookie ou identifiant user avec l’ensemble des environnements technologiques (cookie matching) et assurer ainsi une interopérabilité maximum avec les plateformes du marché.

C’est à la condition de fédérer le marché de la donnée, de s’accorder sur des standards communs et de mettre les principes de vie privée au centre de cette coopérative que les acteurs français pourront proposer une vraie alternative à Google et Facebook. Et si 2018 devenait l’année 1 de la data coopérative ?

Nicolas Blandel est CEO de Temelio

(I) https://socialmediapro.fr/les-chiffres-facebook-instagram-2017/

(II) http://www.latribune.fr/blogs/20140715trib000840021/l-offre-publicitaire-de-google-bien-plus-que-les-recherches-sponsorisees.html

(III) http://www.groupem6.fr/6play-15-millions-dutilisateurs-inscrits/

 

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