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Publicité mobile. Deeplinking, état des lieux et forces en présence par Yann Lechelle (Appsfire)

Cela fait déjà vingt-ans que l’internet propose au grand public ses services, mais surtout dix ans que le public est au rendez-vous quotidien grâce au haut débit, devant son écran au bureau, chez lui, ou sur son laptop...Immobile.

Depuis dix ans, l’audience est devenue massive, la publicité s’est organisée, étalée sur ces fameuses bannières statiques ou animées au dessus du contenu: en haut de la page, sur la colonne de droite, ou par dessus tout simplement.

Dans le même temps, la publicité s’est affinée, par voie de cookies, ces petites traces que nous laissons derrière nous et qui en disent tant sur nos usages… Nous sommes loins de la première bannière affichée en 1994 sur HotWired.com!

Mais voila que les usages changent, avec une audience toujours plus massive. Cette audience se déplace presque subitement vers le mobile ou la tablette. Le parc installé de ces petits ordinateurs tout-en-un est depuis l’an dernier déjà supérieur au parc des ordinateurs à écran 15 pouces ou plus (cf. rapport Internet Trends 2014 de Mary Meeker @KPCB, slide 8). Avec cet usage disparaissent deux facteurs clés du modèle précédent: une superficie d’écran généreuse, et un usage dominant du navigateur-avec-son-cookie. Certes l’internet grandit encore, mais plutôt coté mobile que coté immobile.

Alors comment va évoluer la bannière? cet artefact du “passé”, cette affiche qui sur écran 4 pouces n’a plus de place pour s’exprimer et séduire ? Elle existe bien sur, nous la voyons encore en haut et en bas ici et là. Mais elle ne “clique plus”, elle convertit peu, elle rémunère moins (10x moins que sur le web), et puis surtout, comme les enjeux sont massifs, il y a de la fraude, beaucoup de fraude (40%). Est-il temps de tirer un trait sur ce format? de “tuer” la bannière sur mobile?

Le monde du mobile est malgré toute attente, un monde “app-centric”, endogène au monde des apps. L’HTML5 unificateur n’a pas encore renversé les App Stores. En effet, sur mobile, plus de 85% de l’usage se fait au sein des apps, ces petits compartiments dédiés à un usage précis. L’usage combiné est massif, s’étale du réveil au coucher, souvent entre deux moments volés, sans aucun temps à perdre.

L’usage est ultra fragmenté. L’utilisateur passe d’une tache à l’autre, mais selon la séquence de son attention et de sa mobilité. C’est du faux multitâche en quelque sorte. D’ailleurs, les smartphones ne font pas vraiment de multitâche technique non plus, cela consommerait trop d’énergie… donc fragmentation, sequentialisation.

Ainsi donc, les forces du marché, celles-là même qui ont dominé la décennie précédente, s’annoncent désormais “mobile first”, avec une stratégie “app-centric” plus que jamais prononcée. J’ai nommé Facebook, Twitter, Apple (sans le dire; eux vendent surtout du mobile), Google (ça ne saurait tarder; un peu en retard sur le sujet de la publicité mobile malgré Android), même IBM . Les Mad Men publicitaires traditionnels semblent inquiets à en croire leurs co-dépendances : Publicis/Facebook ou Omnicom/Twitter engagés contractuellement pour des centaines de millions de dollars pour sécuriser les budgets car rien ne va plus: il faut parier sur un gagnant, les budgets traditionnels devraient en principe basculer massivement sur internet et le mobile…

Les technologies publicitaires mobiles sont redoutables. C’est justement cette fragmentation, la déloyauté profonde du consommateur envers les millions d’applications disponibles, la fréquence d’usage qui fait que les acteurs de la publicité mobile poussent le modèle encore plus loin et plus vite. Le big data n’est pas une option, il est présent par défaut. Traçabilité, attribution voire multi-attribution, reporting de bout en bout, modèles au téléchargement, au ré-engagement par re-ciblage (re-targeting).

Criteo, notre pépite française récemment listée au NASDAQ, est championne en re-targeting. Cette technique consiste à grandement améliorer la performance d’une bannière en affichant des articles déjà visités mais pas encore consommés. Ainsi la bannière est ciblée sur l’individu, sur son “lèche vitrine” antérieur, et rappelle à ce dernier de bien vouloir concrétiser son achat. Les taux de conversion sont insolents. Sur le web, c’est “facile": je clique et le lien m’emmène tout droit vers le “deep-link” c’est à dire la page de l’article ou de mon panier sur le site de e-commerce qui fait campagne.

Sur le mobile, les choses se gâtent. En effet, l’acte d’e-shopping avéré est peut-être resté derrière au bureau ou à la maison, là ou leur navigateur Firefox leur indique avec un signal vert que le certificat SSL est de confiance, là ou ils peuvent entrer leur numéro de carte bleue. Ou alors e-shopping mobile peut-être mais plus tard, car je suis entre deux coups de fils, deux rames de métro… je clique, cela veut donc dire que je quitte l’app sur laquelle je suis, je n’y reviendrait probablement pas, faute de temps… finalement non. Cette partie est évidemment la plus subtile car elle implique de s’immiscer dans le contexte de l’utilisateur qui risque d’objecter. Il faut regarder du coté des objets connectés et autres trackers para-médicaux pour voir se dessiner une intelligence du moment. L’acquisition de Moves par Facebook est à ce propos flagrante  !

Le deep-linking mobile est une émergence forte en 2014. Mais nous sommes encore loin d’une mise en oeuvre massive car chaque éditeur doit prendre le pli, implementer une architecture orientée vers le ré-engagement transactionnel alors que jusqu’à présent, elle était orientée vers l’acquisition vierge, le on-boarding juste après le download, avec un peu de ré-engagement à base de notifications internes.

Mais déjà, Facebook, Criteo et nous-même chez Appsfire  proposons le deep-linking mobile: c’est à dire la possibilité d’emmener l’utilisateur directement à un endroit précis d’une application cible pour un utilisateur donné. Il faudra du temps pour que chaque éditeur d’application mobile puisse gérer cela. Les grands éditeurs vont devoir s’y mettre.

La tectonique des forces en jeux s’organise autour de protocoles, ouverts et en consortium comme mobiledeeplinking.org ou privés comme les Applinks de Facebook  Mais ça n’est pas suffisant. Les briques ne sont pas toutes en place car il convient par ailleurs de maîtriser la notion de pertinence du moment, ou la réciprocité pour revenir au point de départ lorsque l’acte a aboutit. Il faut aussi organiser la transaction: Apple (avec ses 800 millions de cartes de crédit en base), Google avec son check-out, Facebook certainement, et Paypal fourniront très surement ces briques, clés de voute de la publicité mobile de demain.

Mise à jour spéciale WWDC: la semaine dernière, Apple annonçait qu’avec iOS 8, sa régie iAd permettra le retargeting avec un ciblage “thématique” moins fin que ce qui est pratiqué par le marché pour le moment, mais avec une protection accrue des données personnelles - la publicité chez Apple s’assume un peu plus, même si elle reste en retrait d’un point de vue stratégique. D’autre technologies annoncées vont peut-être permettre des innovations croisées pour promouvoir des services au sein d’une même application ou entre applications: les extensions, les notifications intéractives… D’un autre coté, Apple rend la vie dure aux technologies publicitaires manipulatrices et rémunérées (incentivized downloads or videos) - ce qui est une très bonne chose. Publicité assumée mais encadrée… Plus que jamais, la clé réside dans la pertinence de l’intégration et du ciblage.

Sur mobile donc, en attendant le grand retour de l’HTML5, l’économie et par conséquent la publicité s’organise autour de cette séquence fondamentale : le téléchargement, l’engagement, le ré-engagement, et le re-targeting. La maîtrise de chacun de ces chaînons est nécessaire; l’enjeux est de taille… il s’agirait d’un marché à 100 milliards de dollars en 2018 selon eMarketer.

Yann Lechelle
co-founder, CTO/COO Appsfire

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