Rapport 2021 Echangeur BNP Paribas Personal Finance « Innovate Service Centric »
Au fil des confinements, les mesures sanitaires à l’entrée des points de vente, les fermetures de classes et la généralisation du télétravail, ont bouleversé les habitudes de consommation de chacun. Pourquoi demain devoir retourner faire ses courses dans un supermarché alors qu’il est si simple de les faire depuis son canapé et de se faire livrer dans la journée à son domicile ?
En définitive, les contraintes imposées d’hier sont devenues des choix assumés aujourd’hui !
Que retenir de cette période particulière qui transforme rapidement et profondément le commerce ? En quoi a-t-elle d’ores et déjà transformée la consommation ? Quelles sont les tendances qui se dessinent au travers des innovations de services, des derniers concepts de magasins ou de l’actuelle digitalisation du commerce ? Autant de questions passées au criblepar les experts de l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance, qui accompagne les acteurs du commerce dans leur transformation depuis plus de 20 ans. Cette 8ème édition du rapport de tendances Innovate Service Centric met en lumière cinq axes majeurs de transformation pour les prochaines années.
Corvée ou plaisir, la digitalisation exacerbe les arbitrages
Grâce à ou à cause de la crise sanitaire, le E-commerce en Europe représente désormais 14% du commerce total. Difficile d’affirmer pour autant qu’il franchira dans un futur proche la barre des 50% comme en Chine. Confiné à son domicile, le consommateur n’a pas eu d’autres choix que d’acheter en ligne. Subis l’an dernier, ces usages s’ancrent dans son quotidien et s’imposent comme de nouvelles habitudes de consommation. Logique, le digital l’aide à s’affranchir des corvées que représentent les courses pour se concentrer sur l’utile et le plaisir. Une digitalisation qui s’accélère mais qui va bien au-delà du seul E-commerce puisqu’elle a des conséquences directes sur le commerce et les magasins physiques. Aux Etats-Unis par exemple, les points de vente de l’enseigne Target deviennent des entrepôts du dernier kilomètre.
Suite à l’explosion des ventes sur Internet, la livraison devient aujourd’hui un élément fondamental dans la relation client. Depuis un an maintenant, les centres villes sont sillonnés de vélos électriques aux couleurs de Gorillas, Flink, ou Yango Deli. En Europe, ce sont pas moins d’une dizaine de nouveaux acteurs qui ont vu le jour en moins d’un an et qui se disputent le marché du Quick Commerce. En promettant au consommateur la livraison de ses courses alimentaires en moins de dix minutes chrono, ces acteurs inventent un nouveau business model pour les courses alimentaires.
Pour bon nombre de marques, le livreur sera le premier et dernier point de contact physique avec la marque. Il faut donc y prêter un soin tout particulier. Le site de mode en ligne anglais Farfetch a ainsi fait le choix de ne plus déléguer à ses transporteurs la relation client, depuis le moment où le client valide sa commande jusqu’à la réception de son colis.
Amorcée il y a déjà plusieurs années maintenant, les réseaux sociaux poursuivent leur transformation en véritables plateformes de E-commerce. En avril dernier, Snapchat s’est offert l’application Screenshop. Elle permet à l’utilisateur de prendre en photo une tenue dans la rue ou récupérer sur Internet et d’obtenir en temps réel des recommandations de vêtements similaires via les partenaires de l’application.
Le point de vente, séduire avec de nouveaux rôles
Confrontées depuis plusieurs années déjà à l’explosion des ventes en ligne ainsi qu’à l’actuelle évolution des expériences d’achat de leurs sites Internet, les enseignes doivent impérativement répondre à cette question fondamentale : demain quel sera le rôle d’un magasin ? En effet, si certains magasins voient leur flux de clientèle augmenter, pour la majorité d’entre eux, les clients se raréfient. Raison pour laquelle, de nombreux tests de concept ont vu le jour ces derniers mois. Menés par des distributeurs mais aussi par des marques qui prennent en main leur commercialisation, tous cherchent à répondre aux futures aspirations des consommateurs.
Voici les 5 nouveaux rôles que le magasin pourra endosser demain :
- « brocanteur » : un magasin dédié à la seconde main
- « marketplace » : le magasin se transforme en marketplace physique pour de nouvelles marques plus durables
- « club » : l’enseigne propose un programme d’abonnement, un moyen efficace de maintenir une clientèle captive
- « bibliothèque » : le magasin permet d’emprunter ponctuellement un produit. C’est le cas de Decathlon en Belgique qui teste We Play Circular, une plateforme de location de l’ensemble de ses articles
- « media » : l’enseigne devient un média qui décline une marque et possède des magasins. Don’t Call Me Jennyfer, enseigne de prêt-à-porter féminin, a par exemple lancé son magazine digital sur TikTok, il propose chaque jour un contenu d’une minute
L’économie circulaire, chevalier blanc du commerce
Reléguée au second plan au cours de l’année 2020, la protection de la planète a fait son grand retour sur la scène du commerce cette année. Alléchées par le chiffre d’affaires réalisé par les plateformes de C2C et par l’opportunité de gagner des parts de marché, les enseignes se lancent dans l’économie circulaire autour de ses trois R : Réduire, Ré-utiliser et Recycler. La seconde main et l’occasion font ainsi leur apparition au sein des magasins et en ligne. C’est le cas de l’E-commerçant Zalando, qui vient de lancer son offre de seconde main dans quatre nouveaux pays dont la France.
Cependant, cette transformation des enseignes doit rester légitime aux yeux des consommateurs. Sinon, les grandes gagnantes risquent d’être de nouvelles marques, sorties de nulle part, disposant d’un ADN durable et responsable.
Aujourd’hui, un 4ème R s’adosse à l’économie circulaire : « Régénérer » c’est-à-dire consommer tout en contribuant à regénérer la planète. C’est l’objectif que s’est fixé la marque anglaise Sheep Inc. : produire des vêtements qui capturent plus de CO2 qu’ils n’en émettent.
Le prix, le grand gagnant de ces dernières années
Dans un contexte où la crise a renforcé les tensions budgétaires, le low-cost poursuit sa croissance. Une tension sur le pouvoir d’achat qui révèle une autre tendance : le consommateur devient marchand. Sur les plateformes de C2C, le consommateur-vendeur se transforme en un homme ou une femme d’affaires avec un chiffre d’affaires à gérer, une boutique à animer, un service client à assurer… il est désormais un vrai commerçant !
A court terme, cette tendance va s’accentuer avec l’apparition du consommateur-trader. La pandémie a remis en lumière le Bitcoin, les cryptomonnaies et désormais les NFTs (Non-Fugible Tokens) qui permettent d’acheter ou de vendre des œuvres d’arts numériques (un gif, une vidéo ou encore une image), des petits monstres virtuels comme les Axies et plus généralement tout objet digital.
Consommer aujourd’hui, c’est acheter juste. Cette année a été marquée par l’arrivée de formules d’abonnement correspondant à des moments de vie. Alors que les vêtements de maternité sont utilisés pendant au maximum neuf mois, Kiabi propose de les louer. Acheter juste, c’est aussi acheter la bonne quantité, ni plus ni moins pour éviter, par exemple, le gaspillage alimentaire. C’est également acheter au juste prix : Intermarché offre une remise de 5% à ses clients dont le quotient familial est inférieur ou égal à 700€. La réparation est une autre solution qui permet de redonner du pouvoir d’achat au consommateur tout en luttant pour la fin de l’obsolescence programmée. Par exemple, avec l’offre Darty Max, l’acheteur peut faire réparer tous ses appareils, qu’ils aient été achetés ou non dans l’enseigne.
« Dans un contexte économique toujours fragile et incertain, le low-cost et le hard-discount ont de beaux jours devant eux. Pour résister, les enseignes « classiques » vont devoir redoubler d’efforts. Bien sûr, il est tentant et facile de distribuer réductions et remises. Toutefois, en accompagnant la mutation du consommateur, elles disposent de leviers innovants répondant à ses attentes. Vendeur, trader, investisseur… autant de rôles à proposer demain au client pour l’accompagner au quotidien en l’aidant à consommer au juste prix. »
Elisabeth Menant, Analyste Tendances Innovation et Services chez l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance
Demain ? Les services feront la différence !
Acheteur, vendeur, influenceur ou acteur du changement. Le consommateur mute, s’invente de nouveaux rôles. Conséquence pour les distributeurs et les enseignes, son niveau d’exigence augmente. Le client n’attend pas simplement d’être accompagné pendant son achat, il veut que la marque l’aide dans sa vie quotidienne. Déménagement, naissance d’un enfant, départ à la retraite… tous ces moments de vie sont propices à une entrée en relation avec le consommateur. Un exemple : face au vieillissement de la population, les concessions automobiles devront à l’avenir pouvoir proposer à un conducteur senior une offre large de solutions de mobilité pour qu’il garde son autonomie. La relation avec le consommateur prend désormais une nouvelle dimension : tiers de confiance, les marques et les enseignes évoluent en plateformes de services capables d’aider leur client bien au-delà de leur seul métier d’origine pour bâtir une relation forte et pérenne sur le long terme.
En priorité, l’innovation se doit de répondre aux attentes ainsi qu’aux contraintes du client à un instant T. Elle vise à atténuer les « pains points » clés du parcours client. À ce titre, la suppression de l’attente reste l’un des axes essentiels d’innovation des enseignes. Monoprix vient de déployer, dans son flagship parisien, un service de lâcher de chariot. Quand le client a fini de faire ses courses, son chariot est ensuite scanné par les équipes du magasin, mis en paquets puis livré au domicile du client, et c’est à ce moment-là que se déroule le règlement.
« Chaque consommateur est différent, un achat corvée pour l’un peut se révéler un plaisir pour son voisin. Une complexité que les enseignes doivent gérer alors que la concurrence s’intensifie avec l’apparition de nouveaux concurrents tels les Digital Native Vertical Brands ou les géants technologiques. Plus que jamais elles doivent donc travailler leur politique d’innovation autour de deux axes : leur métier d’aujourd’hui pour lequel elles doivent viser l’excellence opérationnelle pour maximiser leur chiffre d’affaires à court terme, et leur métier de demain afin de se singulariser des concurrents directs et indirectes en créant une préférence client grâce notamment à des services engageants. »
Matthieu Jolly, Responsable Innovation et Services chez l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance