Le média économique québécois Les Affaires organisait début mai une conférence dédiée à l’Intelligence Artificielle, à Montréal qui s’affirme depuis ces dernières années comme la capitale mondiale de l’intelligence artificielle.
L’objectif : partager sur les enjeux et modèles économiques, tout en sensibilisant aux questions de sécurité et d’éthique. Parmi les intervenants, Hervé Mensah, directeur analytics et data science à La Presse, le grand quotidien québécois, et fondateur de Quotient Social, une association à but non lucratif pour fournir des capacités d’analytique aux associations. Son intervention sur « L’IA et la conscience de soi » faisait découvrir comment les algorithmes peuvent prendre soin « humainement » des clients des entreprises. Son rappel du concept d’« intelligence émotionnelle artificielle » nous a semblé particulièrement intéressant pour anticiper de quoi sera fait le service client de demain.
Comprendre et reproduire les émotions
Car si nous voulons que les clients soient satisfaits d’un service client automatisé à l’aide des algorithmes, ces derniers vont avoir besoin de devenir plus humains, en reproduisant les deux type d’intelligence humaine : l’Intelligence cognitive (de la connaissance à la résolution des problèmes) mais aussi l’Intelligence émotionnelle (la capacité de reconnaître, comprendre et maîtriser ses propres émotions et à composer avec les émotions des autres personnes).
L’intelligence artificielle est déjà capable d’identifier les émotions au sein de textes, comme par exemple « Amazon Comprehend », un service de traitement du langage naturel qui exploite l’apprentissage automatique pour identifier des informations et des relations dans un texte. Avec la synthèse vocale, Google Duplex peut déjà converser naturellement avec un humain en imitant des intonations de voix au téléphone pour fixer un rendez-vous ou réserver une table dans un restaurant. Cette fonctionnalité lancée lors de la conférence Google I/O de mai 2018 était depuis réservée aux utilisateurs de Google Pixel et depuis avril 2019 commence à être déployée pour d’autres smartphones sous Android. Le service client de demain est donc en fait déjà là !
Coder les émotions
Pour réussir cette compréhension et reproduction des émotions humaines, il est nécessaire d’intégrer les émotions dans le processus d’apprentissage par renforcement d’un algorithme. Car un algorithme a besoin d’une récompense pour savoir si l’objectif qui lui était assigné est rempli. Dans une boucle de feedback, un message positif va signifier que l’algorithme a trouvé une solution optimale pour résoudre le problème posé, que ce soit trouver le chemin le plus court entre deux destinations ou déterminer la meilleure réponse à une question posée par un client à un robot de chat. Identifier correctement une émotion et répondre avec la bonne intention et intonation déclenchera cette réponse positive de récompense pour l’algorithme.
D’après Hervé Mensah, « 48 différents niveaux d’émotions pourraient être codés, bien au-delà des simples sentiments “positif-négatif-neutre” utilisé actuellement pour analyser les réseaux sociaux. Un être humain peut être énervé et triste en même temps, donner une valeur – c’est-à-dire attribuer un codage chiffré – à une émotion aussi complexe permet de mieux la comprendre. »
Un vaste champ d’application, à condition de se poser les bonnes questions
L’intelligence artificielle avec compréhension des émotions a de nombreuses applications, dans le commerce, les centres d’appel, la publicité, le secteur médical, l’éducation, mais aussi intégrée dans des services publics et d’autres applications comme la sécurité automobile.
Mais avant de se lancer dans un projet d’intelligence émotionnelle artificielle, Hervé Mensah conseille aux entreprise de se poser les questions suivantes :
- Votre proposition de valeur se prête-t-elle naturellement à la participation d’émotions? Et pouvez-vous justifier de manière crédible l’inclusion d’indices émotionnels pour améliorer l’expérience utilisateur?
- Quelles sont les intentions émotionnelles de vos clients lorsqu’ils interagissent avec votre marque? Quelle est la nature de l’interaction?
- Votre système est-il suffisamment intelligent pour lire avec précision et réagir aux émotions d’un utilisateur?
- Quel est le danger dans une situation donnée si le système échoue un danger pour l’utilisateur et / ou un danger pour la marque?
Il serait tentant par exemple de se focaliser sur « quelles émotions font vendre ». Les analyses actuelles nous montrent en fait que ce ne sont pas que les émotions positives qui font réagir les consommateurs, la tristesse est aussi très puissante en terme d’engagement. Mais attention aussi à fixer les limites en matière d’éthique et de consentement des utilisateurs.
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