La WWDC (World Wide Developer Conference) 2013, grand-messe d’Apple au cours de laquelle sont annoncées les évolutions majeures des logiciels et matériels de la société de Cupertino, a débuté Lundi à San Francisco et s’est terminée Vendredi.
Il est temps de faire un bilan et de prendre un peu de recul par rapport aux annonces effectuées et largement reprises par les Media.
Apple-mania intacte
Tout d’abord, l’Apple-mania est toujours bien présente chez les développeurs, une cible essentielle pour la firme à la pomme.
Lever à 5h du matin, arrivée au Moscone Center à 6h00 pour la Keynote (commençant à 10h) et… déjà plus de 1.000 personnes faisant la queue ! Certains ont campé sur place pour être les premiers à entrer… Oui, l’enthousiasme pour Apple est toujours aussi palpable ! Après 4 heures d’attente pendant laquelle il ne viendrait à personne l’idée de se plaindre, et de nombreuses discussions entre développeurs venus de tous horizons, nous entrons dans la salle où va se dérouler le « big show ».
Et je dois dire qu’Apple n’a pas perdu de sa capacité à entraîner les foules. Même le plus sceptique se laisse aisément gagner par la ferveur ambiante ! Impossible de ne pas céder aux applaudissements, cris stridents « Wouhou ! » et autres rires, qui ponctuent chaque annonce, démonstration logiciel, chiffre ou… pique envers les rivaux Windows ou Android ! Une mise en scène toujours aussi bien huilée, même si Tim Cook excelle moins à ces exercices que feu Steve Jobs.
Un coup de jeune pour les iTerminaux
Mais une fois le charme dissipé, que reste-t-il ? Quelles ont été les principales annonces et surtout quels impact pour l’expérience « iPhone / iPad / iPod » et nos apps ?
Il est clair que le design d’iOS 7 vient de connaître sa principale (r)évolution depuis le lancement de l’iPhone.
Nouvelle ergonomie (bonjour flat design, lignes épurées, au revoir boutons bombés), nouvelles icônes, listes déroulantes, nouveaux gestes de transition sur le navigateur Safari ou l’application Mail, utilisation de couleurs pour signifier l’interactivité… Nos iTerminaux vont prendre un vrai coup de jeune ! Pour le plus grand plaisir et confort de l’utilisateur final.
La modernisation est incontestable et était nécessaire, même si le design pourra en déconcerter certains. Pour les marketeurs, cela implique de radicalement prendre en compte la nouvelle interface, et il y a fort à parier que ce nouveau design impactera les codes graphiques au-delà de l’app-économie.
Du design, oui, mais l’innovation ? iOS marque le pas
Au rayon des nouvelles fonctionnalités iOS, je reste un peu plus sur ma faim…
Une des principales évolutions est pour moi le multi-tâche, c’est-à-dire la possibilité pour les apps de continuer à fonctionner et réaliser des opérations alors qu’elles sont minimisées, et même de pouvoir aller chercher et télécharger de nouveaux contenus en arrière-plan, sans action de l’utilisateur, que ce soit déclenché par le terminal directement en fonction des habitudes d’utilisation ou bien via un nouveau type de notifications appelé « notifications silencieuses ».
Combiné à la mise à jour désormais automatique des applications via l’App Store, ceci aura un impact important pour les marketeurs, pour qui le cycle de mise à jour des apps et l’hétérogénéité du parc de porteurs d’apps était souvent un casse-tête (« 40% des utilisateurs ont la dernière version de mon app, 25% l’avant-dernière, 15% la précédente et enfin 30% les 10 premières, comment je leur parle ?! »). Ainsi l’utilisateur aura toujours la dernière version à jour de l’app avec le contenu le plus récent. Evolution importante pour iOS, on ne peut parler de Révolution ni même d’innovation puisqu’Android le propose depuis plusieurs années.
Le nouveau « panneau de contrôle », réunissant les réglages les plus courants (wifi, bluetooth, luminosité, et même lampe de poche) et directement accessibles via un glissement de bas en haut, est une nouveauté que j’attendais depuis bien longtemps et qui devrait accroître encore le confort de l’iPhonaute. Mais là encore peut-on parler d’innovation alors qu’Android le propose depuis un moment via la barre de statut ou les widgets directement accessibles ?
Et que dire d’iTunes Radio, un service qui sera sans doute apprécié par tous les utilisateurs, mais est une copie pure et simple voire plus limitée de services existants tels que Pandora, Spotify ou Deezer ?
Un peu plus original, AirDrop est une fonctionnalité qui permet de partager du contenu (photos, musique…) d’un iDevice vers un autre très facilement par la détection Wifi et un simple clic vers l’icône symbolisant l’iDevice en question. Mais à nouveau, « il y avait une app pour ça ».
Du coup, une fois la magie du show Apple passée, il subsiste un léger mais bien perceptible sentiment de déception.
Le design d’iOS 7 est certes complètement rafraîchi, très léché et bien pensé pour le confort de l’utilisateur, il rappelle étonnamment celui de Windows Phone 8. Quant aux nouvelles fonctionnalités, assez limitées selon moi, elles donnent la curieuse impression de combler simplement un retard vis-à-vis d’Android ou d’intégrer nativement des services populaires du web ou de l’App Store.
C’est un peu maigre si l’on compare ça aux précédentes évolutions fonctionnelles de l’OS :
– Passbook, qui marquait le début d’une convergence entre mobile et monde réel
– Siri, qui ouvrait la voie vers une nouvelle manière de commander aux objets
– Newsstand, qui représentait une nouvelle manière de lire la presse
– Facetime, un nouveau mode de communication en plus de la voix classique…
Et cela tend à symboliser la prise de pouvoir définitive du design par rapport à l’ingénierie logicielle chez Apple, marquée par la récente promotion de Johnny Ive, designer génial du hardware et supervisant également iOS et OS X.
« Can’t innovate anymore? My ass ! » (« On ne peut plus innover ? Mon c… ! »)
C’est par ces mots qu’un responsable d’Apple a commenté l’aperçu donné du dernier Mac Pro (d’ailleurs très réussi) et a semblé vouloir réagir aux critiques récurrentes vis-à-vis de la firme de Cupertino.
Mais la question se pose toujours sur iOS où, hormis le design, qui demeure un pan essentiel de l’expérience utilisateur et a toujours été la marque de fabrique d’Apple (« la simplicité est la sophistication suprême »), l’innovation semble un peu marquer le pas…
C’est fâcheux pour une des sociétés qui a le plus symbolisé l’innovation lors de ces 10 dernières années !
Mais c’est peut-être là une des raisons de ma déception : Apple, par ses standards d’exigence et ses fantastiques produits, a fait de nous des consommateurs de plus en plus intransigeants et en attente d’avancées «révolutionnaires »!
Dès lors, on peut se demander si Apple n’a pas atteint une certaine limite en termes d’innovation sur la téléphonie et si les prochaines avancées disruptives ne viendront pas de nouveaux produits qui seront un nouveau pas vers la constitution du foyer numérique cher à Steve Jobs ?
Les prochaines versions de l’iPhone apporteront leurs lots de réponses.
Les développeurs au secours de la Pomme ?
A moins que l’innovation ne passe finalement par les développeurs d’applications eux-mêmes, cibles de la WWDC, et qu’Apple a pris soin de cajoler en rappelant qu’elle était la première source de revenus loin devant Android.
Après tout, la principale innovation de l’iPhone n’est-ce pas justement les applications ? Et celles-ci ne sont-elles pas un facteur majeur des achats de terminaux ?
Du côté des développeurs qui continuent de se presser aux ateliers et conférences proposées ces derniers jours, la magie Apple continue d’opérer… mais pour combien de temps ?
Patrick Mareuil est cofondateur de l’agence de marketing mobile Ad4Screen, où il est en charge de l’innovation Produits