Alors que les débats sur la loi anti-fast fashion sont suspendus du fait de l’instabilité politique, et que des acteurs comme Shein gagnent du terrain avec l’ouverture de boutiques physiques, le Baromètre E-commerce Durable 2025 de Converteo, cabinet de conseil expert data, IA et agentique, nous informe que près d’un tiers des 50 principales enseignes françaises stagnent en matière de responsabilité environnementale.
Cette nouvelle édition de l’étude, qui évalue les pratiques RSE des 50 e-commerçants les plus importants en France, selon 42 critères vérifiables, dresse un paysage très contrasté : quelques champions tirent le secteur vers le haut, tandis qu’une large partie du marché accumule du retard. Alors que le taux de complétion moyen des critères observés a cessé de progresser pour la première année, plafonnant à 41 %, certains e-commerçants en France peinent encore à transformer leurs engagements en actions concrètes.

Un écart record qui s’accentue dangereusement
Le chiffre le plus important de cette édition 2025 : l’écart entre le top 10 et les 10 derniers atteint désormais 47 points, en hausse constante depuis 2024. Pendant que Decathlon (79 %), Darty et Leroy Merlin (67 %) structurent des modèles circulaires ambitieux, 15 enseignes restent sous la barre des 30 % de critères remplis, obtenant la note minimale d’une seule étoile.
« Ce fossé est le symptôme d’un secteur à plusieurs vitesses, où certains acteurs semblent assumer de ne pas investir dans la durabilité », alerte Sylvain Deffay, Senior Manager et responsable RSE chez Converteo. « L’adoption à venir de la proposition de loi anti-fast fashion en commission mixte paritaire expose ces enseignes à des risques importants susceptibles de leur coûter très cher, tant sur le plan financier que réputationnel. »
Sur les piliers les plus structurants de l’étude, les écarts deviennent importants : 88 % contre 28 % sur la soutenabilité du business model, 83 % contre 23 % sur le sourcing, 68 % contre 5 % sur la gouvernance. Une fracture qui menace la crédibilité de l’ensemble du secteur.
La fast fashion dans le viseur de la réglementation
L’urgence est d’autant plus forte que la France attend l’adoption finale de la loi anti-fast fashion en commission mixte paritaire. Parmi les mesures phares de cette dernière, figure notamment une pénalité écologique de 5 euros par article, portée à 10 euros en 2030.
Face à cette véritable épée de Damoclès, les enseignes les moins préparées s’exposent donc à de lourdes sanctions. Shein, qui n’atteint que 16 % de critères remplis — l’un des pires scores — illustre ce modèle ultra-intensif que le législateur entend désormais sanctionner.
Des régressions inquiétantes chez certains acteurs
Au-delà de la stagnation générale, huit enseignes enregistrent une chute de plus de 10 points. Parmi les mauvais élèves ShowroomPrivé (-20 points) ou encore Adidas (-17 points). Ces reculs s’expliquent souvent par l’abandon des initiatives RSE lancées durant la période Covid (réparation, reprise, reconditionné) ou de l’arrêt de certaines publications
La logistique illustre particulièrement ces contradictions : les offres de livraison en mobilité douce s’effondrent de 22 % à 10 % (-12 points), et la part des entrepôts certifiés HQE/BREEAM/LEED recule à 26 % (-2 points).
Quelques champions qui montrent la voie
Heureusement, tous les indicateurs ne sont pas au rouge. Decathlon reste seul en tête avec 5 étoiles, conservant sa première place pour la troisième année consécutive et un taux de complétion de 79 %. L’enseigne sportive demeure le seul acteur du panel certifié B Corp, gage d’un engagement mesuré sur l’ensemble de sa chaîne de valeur.
Le secteur high-tech se distingue également : Darty, Fnac, Boulanger et Apple figurent tous dans le top 10, et les six acteurs tech du panel se classent dans le top 20. Boulanger incarne particulièrement cette dynamique vertueuse avec sa stratégie “2nd Life” (reconditionnement), son “Club Infinity” (réparation illimitée) et ses services de location. Une approche circulaire concrète qui commence à porter ses fruits.
Des leviers encore largement sous-exploités
Malgré quelques progrès, de nombreux leviers restent inexploités par la majorité des acteurs.
Engagements volontaires : le Contrat Climat ne rassemble que 38 % des enseignes, et la Charte e-commerce durable à peine 28 %. Des outils pourtant accessibles, qui peinent à séduire
Transparence carbone : seules 42 % des enseignes publient leurs émissions sur les trois scopes (1, 2 et 3). L’affichage de l’empreinte carbone par produit stagne à 6 %, un taux relativement faible alors même que la réglementation impose progressivement cette transparence.
Communication environnementale : plusieurs indicateurs reculent, notamment l’identification des produits vertueux (-10 points à 42 %) et la communication sur le sourcing responsable (-8 points à 46 %). Les nouveaux critères introduits cette année sont encore peu présents : regroupement des livraisons (2 %), empreinte d’un retour produit (2 %), transparence sur les marges (2 %).
