Le spot TV de 30 secondes au format 16/9, incarnation de la « Big Idea » publicitaire, vit ses dernières heures. Le 1er janvier 2025, avec l’entrée en vigueur des CGV 2025 des principales régies publicitaires, le format de base des spots passera de 30 à 20 secondes pour la quasi-totalité des chaînes, actant une évolution déjà en marche puisque la durée moyenne des spots était tombée à 21 secondes ces dernières années.
Aujourd’hui, ce sont des vidéos de 5 à 8 secondes qui s’imposent. Verticales, percutantes, instantanées, elles dominent TikTok, Instagram et YouTube Shorts, les plateformes préférées des 18-34 ans qui captent l’essentiel de leur consommation média.
Les algorithmes, nouveaux chefs d’orchestre
Avec ce changement de format, c’est tout un modèle de narration qui bascule. Dans ce nouvel écosystème, les marques n’ont plus le luxe de développer longuement leur récit. La narration doit être éclatée, fragmentée, adaptée à des micro-cibles. Là où une campagne télévisée classique utilisait un seul spot pour tous, aujourd’hui une campagne doit être déclinée en des dizaines de formats, chacun conçu pour un contexte ou une audience spécifique. Le storytelling ne repose plus sur une seule idée forte, mais sur une mosaïque d’histoires courtes, qui se répondent et se complètent.
Ce bouleversement est largement orchestré par les algorithmes. En analysant des milliards de données comportementales, les algorithmes ajustent les publicités en temps réel pour associer chaque asset à la micro-cible la plus pertinente, en fonction de ses attentes et du contexte. Cette hyper-personnalisation modifie radicalement la relation entre marques et audiences. Les messages sont plus précis, plus contextualisés, et la créativité humaine doit s’adapter à ce rôle de co-pilote aux côtés des machines pour ouvrir de nouvelles perspectives et enrichir l’expérience publicitaire.
Les formats courts ne tuent pas la créativité : ils la transforment
La contrainte de formats courts, combinée à l’hyper-personnalisation, pousse à une créativité renouvelée. Prenons l’exemple de deux campagnes qui ont fait le buzz sur les réseaux.
Avec sa campagne #ShotOniPhone, Apple s’appuie sur l’UGC (contenus générés par l’utilisateur), en l’occurrence les photos prises par ses clients et postées sur les réseaux, pour mettre en avant en quelques secondes la qualité des appareils photo de l’iPhone. Ce format rapide, authentique et direct a renforcé l’image de l’iPhone comme un outil incontournable pour la créativité visuelle.
Burger King a marqué les esprits avec sa campagne "You Rule", portée par le jingle accrocheur "Whopper, Whopper". Diffusée en formats ultra-courts de 6 à 15 secondes, cette publicité a transformé une chanson simple et ludique en signature sonore virale. Grâce à une forte répétition et à un ton décalé, la marque a réussi à dominer les conversations en ligne pendant plusieurs semaines.
Ces campagnes démontrent qu’il est possible avec ces nouveaux formats de capter l'audience efficacement, d’avoir un impact mémorable et de renforcer l’identité de la marque. Les formats courts ne tuent pas la créativité : ils la transforment. Ils imposent de raconter autrement, d’aller à l’essentiel, de captiver immédiatement, de jouer la carte de l’émotion. C’est une opportunité pour renouveler nos récits et les rendre plus pertinents.
La fin du spot TV de 30 secondes marque le début d’un nouveau chapitre à écrire, où la Big Idea s’efface au profit de nouveaux modes de narrations adaptés à un monde en constante mutation. À nous de les inventer : une perspective plutôt exaltante, non ?
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Tribune rédigée par Mathieu Vicard, Directeur Général de l’agence de communication Adrénaline, membre de l’AACC - Association des Agences Conseil et Création