L’enquête « Ex-Com » de Datactivist, avec notamment la SEM Paris commerces et la Métropole Rouen Normandie, mesure la valeur sociale et environnementale du commerce en ville. Nous en avons extrait des exemples d’initiatives de commerçants pour inspirer aussi les décideurs e-commerce. Parce que le commerce physique reste un maillon fort du parcours client « phygital » et peut aussi simplifier et embellir le quotidien des habitants des villes. Bonus en fin d’article : un zoom sur le commerce à Paris.
Contexte de l’enquête
Cette enquête est le premier livrable du projet Ex-Com, réalisé par Datactivist (cabinet conseil coopératif sur l’open data). Elle a pour objectif de repenser la valeur du commerce en mettant en lumière 18 effets « sociaux et environnementaux » du commerce sur la ville. L’étude s’intéresse uniquement aux effets positifs du commerce. Car l’idée est d’amener un contrepoint aux études existantes sur les effets ou « externalités » négatives, comme la gentrification ou la pollution liée à certains commerces.
Les 5 partenaires du projet sont donc Datactivist, la fondation Urbanis (pour l’amélioration de l’habitat), Altavia Foundation (qui soutient le micro-commerce), ainsi que la SEM Paris commerces et la Métropole Rouen Normandie. Ces deux villes agissent déjà concrètement pour le développement des commerces sur leurs territoires. (détails sur Paris en fin d’article)
(Crédit image : SEM Paris commerces )
Ce premier volet s’appuie sur une étude qualitative auprès de 200 commerçants, micro-commerçants et artisans. Dans 9 villes : Paris (15), Marseille, Nîmes, Aix-en-Provence, Saint-Ouen (11), Duclair, Elbeuf-Sur-Seine, Le Trait et Rouen (57).
11 catégories de commerces sont représentées : Alimentaire, Artisan, Caviste, Culture, Esthétique, Fleuriste, Habillement, Restauration, Santé, Vente de matériel, Vente de services.
La prochaine étape de l’enquête Ex-Com est une étude quantitative dans les différentes villes étudiées. C’est Paris qui ouvre le bal au premier semestre 2024, avec un questionnaire envoyé aux commerçants du programme d’accompagnement « CoSto » de la SEM Paris Commerces. Il compte près de 2000 commerçants.
Enseignements de l’enquête Ex-com
Comme le résume Datactivist : « Les commerces ne sont pas de stricts acteurs économiques, dont la valeur sociale serait équivalente à la valeur marchande ». Car la dimension capitaliste du commerce ne valorise pas son impact social. Comme le rôle d’un petit café de quartier pour créer du lien entre les habitants. Pour aller au-delà de cette intuition, déjà largement partagée, l’équipe du projet Ex-Com est retournée à la source des théories d’urbanisme. Elle est surtout allée sur le terrain, au contact des commerçants, dans leurs boutiques.
L’analyse d’entretiens avec 200 commerçants a permis de dégager 18 effets sociaux et environnementaux du commerce. Ils sont regroupés dans 6 catégories : lien social, environnement, espace public, santé et sécurité, solidarité, vie de quartier.
Graphique : la roue des 18 effets du commerce
(crédit image : Datactivist)
Les commerçants interrogés ont mentionné en moyenne 4 à 5 de ces effets que leur commerce procure sur la vie du quartier.
Les 5 externalités (effets) les plus pratiquées par les 200 commerçants interrogés :
- Socialiser et réduire l’isolement
- Aider en cas d’incident
- Prendre soin des gens
- Assurer la propreté et l’entretien de la rue
- Intervenir en cas d’insécurité
Exemples d’initiatives positives de commerçants :
- Socialiser et réduire l’isolement. Une artisane d’Albi encourage les voisins et passants à venir se réchauffer dans sa boutique autour d’une boisson à prix libre.
- Aider en cas d’incident. Un salon de manucure du Trait confie qu’il échange avec ses clients sur les difficultés de la vie. « [Ils me demandent] est-ce que tu connais quelqu’un qui peut m’aider ? »
- Assurer la propreté de la rue ou du quartier. De nombreux commerçants mettent en place des actions de nettoyage de l’espace public. Ils peuvent aussi signaler des dysfonctionnements à leur mairie. Des actions plus esthétiques contribuent à embellir la rue. Par exemple avec des plantes et des fleurs.
- Intervenir en cas d’insécurité. À Nîmes des boutiques participent à l’initiative britannique Angela : proposer aux personnes de se réfugier dans un endroit sûr. En particulier les femmes, qui se sentent dans une situation d’insécurité, notamment lorsqu’elles sont suivies.
(Crédit image : Ville de Nîmes ) https://www.nimes.fr/vie/securite-prevention/dispositif-angela.html
D’autres initiatives qui peuvent inspirer des commerçants et e-commerçants :
- Partager et préserver des savoir-faire. Un boucher de Paris organise depuis 2016 des ateliers en soirée pour transmettre son savoir et créer des liens avec les gens. Le premier atelier : apprendre à faire des saucisses.
- Mettre en place des actions de réduction des déchets et de recyclage. Une coiffeuse du Trait recycle les cheveux coupés dans son salon. Elle est en partenariat avec une association qui les récupère et les transforme en isolants contre les marées noires.
- Construire une communauté locale. Un libraire de Paris veut créer un safe space pour les minorités sexuelles et de genre, en rendant visibles les thématiques LGBTQIA+.
- Préserver le patrimoine architectural. À Paris, à peu près 200 commerces sont protégés par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC).
Plus d’exemples dans le livrable de 56 pages de l’enquête Ex-Com.
Zoom sur le commerce à Paris
Paris compte 60 846 commerces et services commerciaux. La densité y est forte, avec 28 commerces pour 1 000 habitants, et même 82 pour 1000 dans Paris Centre. (données avril 2023)
SEM Paris commerces est depuis fin 2023 le nouvel opérateur né du rapprochement entre la Foncière Paris Commerces, le GIE Paris Commerces et la Semaest (société d'économie mixte de la Ville de Paris).
Ses objectifs sont : « installer et soutenir les commerces de proximité, promouvoir un artisanat et un commerce de haute qualité à Paris, et faciliter l'installation d'activités médicales et de services ». SEM Paris commerce a aussi vu ses moyens financiers augmenter, avec un budget de 200 millions d'euros sur une période de 5 ans. Ce coffre de guerre lui donne la capacité d’acheter jusqu’à 300 locaux commerciaux en 5 ans, sur tout Paris.
(Crédit photo : Mairie du 10)
C’est aussi le moyen de financer des initiatives comme le « Testeur de commerce », ouvert en 2015 par la Semaest. Ce lieu (dans le 10ème arrondissement) permet à un entrepreneur de disposer d’une boutique de test pendant 15 jours à 4 mois. Une cinquantaine de porteurs de projets en ont déjà bénéficié et la moitié a ensuite ouvert une boutique pérenne. (détails dans le communiqué de la Mairie du 10ème. La maire Alexandra Cordebard est aussi la présidente de la SEM Paris commerces).
Photo de Artem Gavrysh sur Unsplash
Séverine Godet