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Les « Dupe shoppers » ne sont pas dupes, ils préfèrent les imitations 

Les « dupe shoppers » ne sont pas des consommateurs naïfs. Bien au contraire. Aujourd’hui près d’un consommateur américain sur trois (31%) déclare avoir déjà consciemment acheté des « dupes » ou « duplicate », des imitations à bas prix de produits de marques de luxe. Les Gen Z et Milléniaux sont même désormais les champions de l’achat de « dupes » et s’échangent sur les réseaux sociaux les bons plans de la culture « dupe ». On décrypte ce phénomène avec une étude américaine du cabinet Morning Consult.

Photo de Jalil Saeidi sur Pexels

Qu’est-ce qu’un « dupe » ?

Un « dupe » ou « duplicate » n’est pas techniquement un produit de contrefaçon mais plutôt une « imitation », une « alternative » proche et moins chère d’un produit de marque « premium » ou « luxe ». Il n’est pas ici question de copie usurpant le logo d’une marque, même si la frontière est parfois floue entre copie, imitation, inspiration et contrefaçon.

Les consommateurs qui achètent des « dupes » sont aussi parfaitement conscients qu’ils achètent des produits au rabais, d’une qualité moindre que la marque d’origine.

Qui achète des « dupes » ?

D’après le cabinet Morning Consult, 31% des consommateurs américains auraient déjà acheté des « dupes ». Les Gen Z et Milléniaux seraient les plus gros consommateurs de ces copies abordables puisque 49% et 44% d’entre eux auraient déjà craqué pour des « dupes ». (Sondage Morning Consult réalisée début octobre 2023 auprès de 2 216 consommateurs américains adultes)

("Dupe" sur Tiktok)

Pourquoi les consommateurs achètent des « alternatives » aux marques ?

Le prix est bien sûr un des principaux moteurs de l’achat de « dupes » car 67% de ces acheteurs « alternatifs » veulent faire des économies. Précisons aussi que la moitié (49%) déclarent un revenu par foyer inférieur à 50 000 $ US.

Quelques chiffres pour référence:

  • Revenu médian par foyer aux États-Unis :  74 580 $ (U.S. Census Bureau 2022
  • La Gen Z (les 11-26 ans) : Revenu médian par foyer (pour les 15-24 ans) : 52 460 $.
  • Les « Millennials » (les 27-42 ans) : Revenu médian par foyer : 80 240 $ (les 25-34 ans) et 96 630 $ (les 35-44 ans).

Mais il n’y a pas que le prix qui pousse les consommateurs à acheter des « ersatz » de produits « premium » ou de « luxe ». De nombreux consommateurs souhaitent aussi tester un produit en achetant d’abord une copie à moindre prix.

D’après Marisa Meltzer, journaliste Newyorkaise spécialiste de la mode, acheter du « dupe » n’est donc « pas honteux » et amène même « un sentiment de fierté » chez de nombreux consommateurs qui ont l’impression de « battre de système » (interview CNBC). Elle précise cependant que l’expérience d’achat et la satisfaction qu’amènent un produit de luxe ne sont pas comparables à une copie au rabais.

Qu’est ce qui donne envie d’acheter des « dupes » ?

Sans surprise, les réseaux sociaux donnent envie d’acheter des copies abordables de produits de luxe! Ainsi 46% des adultes Gen Z et 50% des milleniaux ont déclaré lors du sondage Morning Consult que la viralité d’un produit était un critère important pour les décider à acheter ou non.

Et TikTok a grandement contribué à l’explosion de la culture « dupe ». Ainsi 70% des répondants du sondage Morning Consult adeptes du « dupe » déclarent avoir un compte TikTok. Le hashtag #dupe y comptabilisait en octobre 2023 plus de 6 Milliards de vues. A cela s’ajoutent des centaines de millions de vues de variantes du hashtag comme #doupe ou #doop.

La culture « Dupe » a aussi ses « Memes », comme celui-ci avec Kylie Jenner. Détails chez KnowYourMeme.

(Meme Buzzfeed via KnowYourMeme)

Quelles sont les marques les plus « dupées » ?

Les acheteurs de “dupes” sont surtout des jeunes femmes adeptes de produits de mode et de beauté. Elles déclarent donc tagger sur les réseaux sociaux des marques comme « Skims, Lululemon, Bottega Veneta et Ugg ». Du côté des produits de beauté et soins capillaires on retrouve aussi les marques « Charlotte Tilbury, Dior, Olaplex et Dyson ».

Précision : cette liste de marque a été établie par le média spécialisé beauté Glossy.co en février 2023. Elle est basée sur l’analyse des marques taguées avec #dupe et ses variantes ainsi que des hashtags comme #tiktokmademebuyit (41.4 Milliards de vues en février) et #reps (replicas) (1,6 Milliards de vues).

Glossy en avait retenu une liste de 11 produits de beauté « dupe » « approuvés par Tik-Tok ». Par exemple du baume à lèvres Covergirl en alternative abordable à un baume Clinique ou encore un sac Anthropologie au lieu d’un sac de Luxe Bottega Veneta.

(#Tiktokmademebuyit sur Tiktok)

Où acheter du « dupe » ?

Aux États-Unis, Amazon, Walmart et Alibaba sont les revendeurs les plus fréquemment associés à la culture « dupe » sur les réseaux sociaux. En Europe, on peut citer notamment Aldi, Lidl, et Primark. Certains influenceurs se sont ainsi spécialisés dans le partage de promotions détectées en magasins ou sur les sites e-commerce.

Finalement, le « dupe » est-ce bien ou mal ?

La culture « dupe » a sa zone d’ombre entre les « copies » qui flirtent avec la contrefaçon et les risques associés au dropshipping.

Les consommateurs sont donc appelés à la prudence. Car si des influenceurs reconnus font vraiment la chasse aux bons plans, d’autres en profitent pour lancer des business de dropshipping autour de produits à la qualité douteuse. Cet enjeu de la qualité est particulièrement important dans le domaine des cosmétiques. Car le manque d’information fiable sur la composition des produits peut constituer un danger sanitaire.

Signalons aussi les problèmes éthiques liés au manque d’information sur les lieux et méthodes de productions de certains produits « dupes ». Sans traçabilité de la chaîne logistique ce teeshirt ou ce rouge à lèvres à 2 Euros peuvent être liés à des filières de traites d’être humains ou encore avoir un impact environnemental désastreux. Des exemples dans cet article du Guardian qui interroge la dimension éthique du « Dupe ».

Cependant, certains « dupes » sont tout simplement des versions abordables de produits de luxe que la grande majorité des consommateurs ne pourra jamais s’offrir. La culture « Dupe » vient donc aussi bousculer le monde du luxe car ces consommateurs veulent pouvoir acheter les produits immédiatement, sans économiser, ni faire partie d'un cercle d'initiés ou d’une liste d’attente pour avoir accès au vrai produit.

(Image du site Chrislovesjulia avec sa sélection « the daily dupe » https://www.chrislovesjulia.com/behind-the-daily-dupe/ )

Demain, tous « dupes » ?

Le phénomène s’étend aussi en dehors du luxe, notamment dans le domaine de la “fast fashion”. Ainsi en 2022 Zara a accusé Shein d’avoir copié plusieurs de ses designs. Sur TikTok, les #zaravsshein et #zaradupe avaient 38.3 millions et 39.8 millions de vue en avril 2022 (enquête du Guardian)

Ironiquement, les adeptes de la dupe ont aussi remarqué que Zara propose des produits dupes. Un de ses parfums à 13 Euros rappelle le parfum iconique « La vie est belle » de Lancôme, vendu lui à 100 Euros les 100 ml. (Détails chez Tuxboard)

D’autres grandes marques ont entamé des poursuites contre Shein, dont Levi Strauss, AirWair International (Doc Marten’s) et Ralph Lauren. Le hashtag #sheinstolemydesign avaient ainsi reçu plus de 6.4 millions de vues sur TikTok.

Finalement la « dupe » devient un vrai phénomène de consommation, qui commence à s’étendre au-delà de TikTok et des réseaux sociaux des plus jeunes pour toucher toute la population.

Une marque comme Lululemon l’a déjà compris. En mai 2023 elle a même utilisé le « dupe » comme levier d’activation avec une opération de “Dupe Swap” ou échange de dupes dans son magasin du Century City Mall de Los Angeles (détails dans Fast Company).

(Invitation Lululemon pour son opération "dupe swap")

Cette opération a réussi car elle a été menée avec tact pour respecter aussi les influenceurs très suivis qui dénichent des imitations moins chères de Lululemon. Cette campagne a permis de faire venir dans les magasins Lululemon des fashionistas qui avaient délaissé la marque et de leur faire prendre conscience de la différence de qualité. 50% des consommateurs qui ont participé au Swap étaient des nouveaux clients pour Lululemon et la moitié avaient moins de 30 ans.

Séverine Godet

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