On parle beaucoup de la creator economy, et nombre d'initiatives sont le fait de réseaux sociaux reconvertis, qui proposent des fonctionnalités et des modèles permettant à des créateurs de gagner des revenus.
Patreon est un réseau nativement consacré aux créateurs. Dopé par la pandémie, il se donne une mission : financer la classe créative dont elle annonce l’avènement.
Neuf choses à savoir :
- Patreon est créé en 2013 par Jack Conte, un musicien, qui sur Youtube était parvenu a attiré des millions de followers et viewers mais sans jamais percevoir plus de quelques centaines de dollars. Il a alors l’idée de créer un service qui change la chaîne de valeur en rémunérant directement les créateurs.
- Patreon part en effet d’un constat amer : le système est cassé, en tout cas pour les artistes. Les algorithmes et la quantité priment sur les idées et la qualité. Internet a de fait trahi sa promesse. Il a libéré la création mais les créateurs sont devenus des produits. On ne parle significativement plus d’art, mais de contenu. Les artistes se voient dépossédés de leur valeur et le système rémunère surtout les plateformes et sert les marques.
- Le modèle de Patreon : les fans s’abonnent auprès de leurs créateurs préférés pour accéder à des exclusivités, des contenus privés et dans certains cas peuvent ainsi voir sous leurs yeux le processus créatif à l’oeuvre. Un guitariste peut par exemple mettre à disposition ses courts, les partitions, des conseils, des tutos et pour les clients premium réserver des moments d’échange. C’est le circuit court par excellence, les utilisateurs financent directement et en transparence, des artistes, sans passer par les intermédiaires traditionnels. Pour les créateurs et les artistes, c’est un nouveau mode de relation, direct, avec leurs fans. Nombre de domaines de la création sont couverts : Les créateurs peuvent être des podcasters, des vidéastes, des peintres, des créateurs de jeux vidéos, des musiciens…
- Jack Conte croit à l’émergence d’une classe créative. Une nouvelle ère où la notion d’artiste sans le sou doit et va disparaître. L artiste devient même un professionnel tout ce qu’il y a de plus normal. A tel point qu’un étudiant doit pouvoir envisager de devenir un créateur, tout comme on souhaite devenir médecin, avocat ou ingénieur… Patreon se définit comme le leader d’une renaissance en créant un modèle économique. Il faut dire que le potentiel est de taille, le nombre de créateurs, sans doute pas tous artistes, serait pour les seuls Etats-Unis de 14 millions.
- La promotion est naturellement faite par les créateurs sur des plateformes comme Youtube ou ils disposent souvent d’un réservoir de fans important. Patreon développe sa visibilité et celle de ses créateurs par des partenariats comme récemment avec Acast, ou les podcasters pourront diffuser leurs productions accessibles seulement par abonnement.
- La société a levé, en septembre 2020, 90 millions de dollars, pour une valeur de 1,2 milliards de dollars, qui a doublé par rapport à sa précédente levée de fond juste un an auparavant.
- La pandémie a accéléré les choses. Rien que dans les trois premières semaines de mars 2020, 30 000 créateurs se sont lancés sur Patreon. Et entre février et mars 2020, les abonnements ont crû de 36% en moyenne, sur différents pays (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Allemagne, Australie).
- Aujourd'hui Patreon réunit 200 000 créateurs, qui ont gagné depuis 2013 un total 2 milliards de dollars, sur 6 millions d’abonnements.
- La société viserait-elle la bourse en 2021 ? C'est ce qu'affirme The Information - Patreon nous a précisé qu'il n'en était rien. Quoi qu'il en soit, les grandes plateformes vont probablement réagir. Il faut s'attendre à un développement de leurs options de rémunération et de packages à destination des créateurs. La creative economy n'en est qu'à ses débuts.