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DNVB, ONVB, ANVB : Où en sont les marques verticales digital native ?

DNVB : ces initiales désignent les Digital Native Vertical Brands. Autrement dit, il s’agit d’un modèle de marque D2C (Direct to consumer) et B2C (Business to consumer), née sur internet et construite de manière verticale. Ce terme a été utilisé pour la première fois en 2016 par Andy DUNN dans un article publié sur Medium décrivant comment la marque Bonobos parvenait à disrupter les codes du retail1.

Un article de Antoine de Sainte Marie, Consultant Senior Data & Business Consulting, Converteo

Qu’est-ce qu’une DNVB ?

À l’origine, deux clés d’entrée permettent d’apprécier cette tendance naissante : d’une part, les DNVB seraient nées en ligne pour vendre exclusivement en ligne ; d’autre part les DNVB ciblent prioritairement les millenials et les digital natives par le biais des réseaux sociaux. Maintenant que ce modèle de marque arrive à maturité, ces deux affirmations paraissent dépassées : les DNVB vendent aussi bien en ligne qu’hors-ligne et elles parviennent à cibler différents segments de clientèles en fonction de leurs secteurs. 

La proposition de valeur des DNVB se définit autour de 4 axes structurants :

1. Un sourcing produit optimisé

Une DNVB n’est pas une marque low-cost mais une marque “smart-cost” : elle offre le meilleur produit au juste prix en générant des économies d’échelle. Pour ce faire, non seulement elle se passe d’intermédiaires de distribution mais en plus, elle construit une offre qui le permet : mono-produit au commencement, transparente du point de vue de sa structure de coûts et simple. Il suffit de voir comment Tediber ou encore Casper dépoussièrent le marché du matelas pour s’en rendre compte. 


2. Une expérience client aboutie


Au-delà du produit, la DNVB propose une galaxie de services qui sont au cœur de l’expérience client et permettent d’exprimer une image de marque forte. Ces services créent un sentiment d’appartenance à une communauté parce que la relation entre le client et la marque est personnalisée. La prolongation de l’expérience en ligne de Sézane dans ses appartements en est l’exemple : ces concept-stores, avant d’être des lieux de vente, sont des lieux de vie à part entière (bibliothèque, cafés, services de conciergerie).

3. Des méthodes de distribution alternatives


La distribution en ligne du produit (et ses services) est au cœur du système. Celle-ci s’opère sur des sites en propre plutôt que par le biais de distributeurs pour conserver une maîtrise totale du discours de marque et du positionnement en prix. Aussi, les modèles d’abonnement sont utilisés pour générer de la récurrence pour les produits standardisés dont les paniers moyens sont faibles. Ainsi, Dollar Shave Club propose une offre d’abonnement sans engagement pour recevoir rasoirs et lames sans pour autant que le coût d’expédition ne soit dissuasif par rapport à la grande distribution.  

4. Un engagement fort sur les réseaux sociaux

Les plateformes comme Facebook, YouTube ou encore Instagram servent non seulement à l’acquisition mais aussi et surtout à générer de l’engagement tout au long du cycle de vie du client. La relation entre le (futur) client et la marque est plus prioritaire que la transaction. Les réseaux sociaux servent aussi à gérer le service client et réunissent les clients dans des communautés dont la DNVB profite sous forme de trafic organique. Alo Yoga compte ainsi quelques 2,7 millions d’abonnés sur Instagram...

ONVB : de la marque digitale à la marque omnicanale

Les DNVB naissent en ligne pour vendre en ligne, mais pas seulement. Dans le développement d’une DNVB, le e-commerce est une première étape qui permet d’alléger la structure de coûts et d’aller à la rencontre des clients par le biais d’investissements ciblés en média digital. Pour autant, le e-commerce est ici un facteur de succès plutôt qu’une fin en soi. 

En effet, la vente en ligne en direct permet à la DNVB de maîtriser son réseau de distribution en s’affranchissant des revendeurs avec le souci de préserver son image de marque et sa valeur perçue. Par la suite, à mesure que son offre s’étend, la DNVB cherche à élargir sa cible clientèle de manière cohérente en termes d’expérience et à maîtriser ses coûts d’acquisition. Pour ce faire, les modèles de distribution alternatifs sont plébiscités : pop-up stores, showrooms, magasins itinérants… Dans tous les cas, les parcours d’achat online et offline des clients ne sont pas opposés mais se croisent. 

À l’inverse des marques traditionnelles, parce qu’elle est née en ligne pour vendre en ligne, la DNVB tire profit de sa maturité en e-commerce pour se développer hors-ligne dans une approche omnicanale. Comme l’expliquent Xavier Faure et Alexandre Guillot2, les DNVB peuvent s’efforcer d’être omnicanales mais ne sont pas toutes nativement omnicanales. Une marque nativement omnicanale multiplierait les canaux de distribution (dont wholesale), les ferait converger en s’affranchissant des contraintes techniques, activerait ces canaux en fonction des conditions de marché (concurrence, coût d’acquisition, saisonnalité) et communiquerait à ses clients ses différents points de contact. La Digital Native Vertical Brand (DNVB) devient alors Omnichannel Native Vertical Brand (ONVB), à l’instar de Balibaris, Cabaïa ou encore Merci Handy en France. Présentée comme une version améliorée de la DNVB, l’ONVB est plus longue à développer car sa proposition de valeur ne doit pas être impactée par la multiplication des canaux de distribution. 

ANVB : le paradoxe d’Amazon

À première vue, le modèle DNVB présente de sérieux atouts pour résister à la suprématie et à la concurrence d’Amazon en e-commerce grâce à 4 barrières à l’entrée5 :

  • La force d’évocation de la marque ; les DNVB construisent leur communication de manière authentique, souvent en mettant en avant leurs fondateurs et processus de création. Un tel storytelling est moins fréquent sur Amazon. 
  • Une approche experte ; contrairement à la volonté d’Amazon d’avoir la sélection produit la plus exhaustive possible, les DNVB revendiquent leur approche mono-produit et leur stratégie de diversification maîtrisée. 
  • L’expérience client ; à l’antipode de l’expérience homogène et standardisée proposée par Amazon à ses vendeurs, les DNVB se distinguent par une expérience d’achat où les services viennent personnaliser la relation, en ligne comme hors-ligne. 
  • La construction de communautés ; les clients des DNVB valorisent tout autant leur relation avec la marque que la transaction en tant que telle. Ils veulent donner un sens à leurs achats, et ce alors qu’Amazon est parfois décrit comme un mastodonte. 

Pour autant, paradoxalement, Amazon peut également se muer en un formidable accélérateur dans le développement des DNVB. Après une croissance maîtrisée en termes de distribution, les DNVB peuvent utiliser la plateforme pour s’étendre à l’international, cibler de nouveaux consommateurs ou encore écouler d’anciennes versions du produit. La force de frappe de la plateforme peut se vérifier également sur des marchés de niche. Ainsi, en complément de son site et de ses boutiques, My Jolie Candle rend une sélection de ses produits disponibles sur Amazon. 

Aussi, avec ses private label brands4, Amazon tente de répliquer le succès des DNVB. Ces marques “de distributeur” sont pilotées par Amazon et y vendent exclusivement. Si les private label brands ne comptent que pour 1% des ventes totales d’Amazon, elles sont toutefois en très forte croissance et couvrent une grande variété de catégories de produits. Dernièrement, un débat sur fond de concurrence déloyale a eu lieu aux Etats-Unis, la plateforme étant accusée de mettre en avant ses produits au détriment de ceux de concurrents par l’exploitation des données de la plateforme5. Avec ses private label brands, Amazon aurait-il créé un nouveau modèle de marque verticale proche de celui des DNVB et répondant aux initiales d’ANVB ?

Sources

1The Rise Of Digitally Native Vertical Brands, 05/2016, Medium 

2ONVB : naissance un nouveau modèle de commerce, 08/2020, LSA

3DNVB : l’arme anti-Amazon ?, 07/2018, JDN

4Liste des Private Label Brands, Amazon

5Amazon Doesn’t Favor Its Own Brands, Except When It Does, 11/2019, Wired

D.N.V.B. : Les surdouées du commerce digital (Digitally Natives Vertical Brands), V. Lipskier

The Rise of the 21st Century Brand Economy, 02/2019, IAB

Auteur : Antoine de Sainte Marie, Consultant Senior Data & Business Consulting, Converteo

Photo :  Ian SchneiderUnsplash

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