Nadia Leroy, ancienne Chief Media – Digital – Consumer Officer de L’Oréal France, a fondé le cabinet Neva associés il y a un an dans le but de rapprocher startups et grands corporates.
Elle accompagne aussi des incubateurs comme celui de l’Union Des Annonceurs dédié aux Startups AdTech et MarTech.
Nous l’avons rencontrée. Interview de la femme qui murmure à l’oreille des dirigeants.
Viuz : Quelle est la particularité de la transformation digitale des grands groupes ?
Nadia Leroy : les grands groupes vivent un moment charnière. La transition numérique est en marche, il n’y a plus de débats théoriques sur le « pourquoi ». C’est l’heure des bilans opérationnels. Et il faut bien dire que les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous. Certains projets se révèlent être des pépites mais d’autres des impasses décevantes. D’autant plus décevantes que nos grilles d’analyse et nos kpi’s sont toujours ceux de l’ancien monde…
Les grands groupes aimeraient construire leur futur tout en conservant ce qu’ils avaient acquis par le passé, nous aimerions ajouter des briques d’innovation à nos édifices centenaires. Mais c’est impossible. La mutation de notre économie repose sur notre capacité à penser autrement, à voir le monde différemment, à faire des deuils.
C’est très compliqué mais je crois que l’une des pistes est d’ouvrir davantage de portes entre les grands groupes et les startups, pour s’observer, se connaître, s’inspirer, développer des partenariats, co-construire le monde de demain.
Viuz : Quelles sont les bonnes pratiques à connaître pour l’incubation de startups dans les groupes du Cac 40 ?
Nadia Leroy : L’intérêt d’un incubateur est d’accueillir en son sein et de voir grandir des solutions innovantes. Mais sa difficulté est de rester connecté à la réalité opérationnelle des acteurs de l’entreprise. Sinon c’est de la recherche avancée mais jamais appliquée.
Et il ne faut pas penser que l’incubateur est forcément la bonne solution. Pour une startup, il est souvent plus vertueux d’avoir un bon de commande que d’intégrer un incubateur… Et pour un grand groupe, il est aussi plus intéressant de tester une solution via un simple contrat commercial. Cela implique une curiosité mais aussi une adaptation de la politique des achats, des règles de référencement des fournisseurs, des appels d’offre, des délais de paiement, etc. Pour que startups et grands groupes puissent travailler ensemble, il est nécessaire de reconsidérer certaines règles de fonctionnement.
Viuz : Quels sont les pièges à éviter ?
Nadia Leroy : Le piège majeur est de croire qu’un Chief Digital Officer va faire le job car on lui en a donné les moyens humains et financiers. L’enjeu c’est la mutation stratégique et économique de l’entreprise, la déstabilisation de son modèle, la reconstruction de ses services, l’impact sur ses ressources humaines et sur sa rentabilité. La pérennité d’une entreprise c’est le rôle du Président, du Comité Exécutif et du Conseil d’Administration. D’où l’importance de l’accompagnement à la transition numérique des dirigeants mais aussi des administrateurs, sous toutes ses formes : coaching personnel, formation, échanges d’expérience, learning expedition, etc. C’est ce que propose NEVA associés, avec un parti pris : créer toujours plus de passerelles entre startups et grands groupes.
Viuz : Au sein de l’Union Des Annonceurs, comment coachez-vous les Startups qui participent au programme « Startup Your Brand » ?
Nadia Leroy : L’UDA a lancé ce programme pour permettre aux annonceurs en recherche d’innovation d’identifier les solutions les plus pertinentes dans les domaines de l’adtech/martech. Nous accueillons des startups qui ont une offre déjà opérationnelle, testée et recommandée par un annonceur. Les équipes de l’UDA accompagnent ces startups pendant 6 mois sur 4 axes de développement : leur proposition marketing à destination des marques, le contexte réglementaire et son évolution, le networking, l’augmentation de leur visibilité auprès des annonceurs. Le programme remporte un vrai succès et accueillera sa 3eme promotion fin décembre.