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Retail tech : Armis lève 6 millions d’euros. Interview des deux fondateurs Dan Gomplewicz et David Baranès

Viuz- Armis en quelques mots ?

Notre société existe depuis 18 mois, nous proposons une plateforme qui permet aux magasins de prendre la parole sur le digital : sur Facebook, Google et le display. Nous analysons en temps réel ce qui se passe, pour chaque magasin, afin de mettre en avant les produits qui vont marcher… Dans le retail, les magasins sont différents les uns des autres et il faut pouvoir adapter le choix publicitaire.

On sort de la communication de masse. En ce qui concerne les grandes surfaces alimentaires, elle est centrée autour du prospectus papier. On passe à l’ère de la communication de masse semi-personnalisée : le magasin a une influence prépondérante, et le dispositif publicitaire digital doit lui être dédié.

La communication des enseignes est, à raison, centrée sur le magasin, mais les outils digitaux utilisés ne sont pas appropriés. Ils sont jusque-là peu adaptés à l’enjeu majeur des magasins : les opérations commerciales. Par exemple pour la fête des pères ou la fête des mères, c'est le magasin va sélectionner les produits et les promos.

Or les ruptures technologiques peuvent aider à cette personnalisation : le programmatique permet de proposer des automates publicitaires, en diffusant intelligemment de la pub, magasin par magasin, sur les zones de chalandises de chacun des magasins, le tout sur la base d'un ciblage géographique.

Viuz- Concrètement, où en est Armis aujourd’hui ?

Nous sommes un vingtaine de collaborateurs, principalement de profil tech. Nous avons atteint une très bonne pénétration de marché dans le retail : nous travaillons avec les grands noms de la distribution : Carrefour, Leclerc, Intermarché, Franprix, Monoprix et dans le non alimentaire : Leroy Merlin, Fnac Darty, Norauto

D’un point de vue technologique, nous avons réalisé la promesse de cette diffusion locale à l’échelle des opérations commerciales de magasins sur le media digital, peu importe le nombre de magasins d’une enseigne ou la taille des opérations commerciales.

Viuz- En quoi intervient l’intelligence artificielle ?

Les techniques de machine learning nous donnent la capacité d’utiliser des données, qui sont autant de signaux : les clics sur les bannières, les impression, le conversions…Plus spécifiquement, la machine va diffuser de la pub comme un trader media bien entraîné. Elle ne va pas se contenter de faire simplement de l’algorithme : quelle que soit la situation, elle va acheter de la pub en se remettant en question en permanence. La machine va chercher à faire des erreurs. Exactement comme fait le cerveau humain pour apprendre, elle va remettre en question ce qu’elle a appris la veille pour continuer de prendre les bonnes décisions de diffusion. Concrètement, le magasin ne peut pas s’offrir un media trader, mais la machine permet d’occuper cette fonction.

Se pose un problème scientifique spécifique, qui n’avait pas été traité dans le machine learning avant : comment une machine peut-elle apprendre sur des périodes très courtes (des opérations de magasin durent entre 10 jours à 2 semaines alors que les campagnes pub en ligne sont en fil rouge) et sur des volumes de data plutôt faibles. Nous avons inventé des techniques pour résoudre ce problème. Nous avons du reste reçu le prix i-lab organisé par le ministère de la recherche à ce titre.

Viuz- Les résultats sont-ils aujourd’hui signifiants et sur quelles métriques ?

Les mesures de nos opérations sont réalisées au moyen des solutions tierces du marché.

Deux métriques sont clés :

- les store visits notamment de Google et Facebook (qui permettent de connaître la visite en magasin, basée sur les utilisateurs trackés Android ou Facebook ads)

- et une métrique qui a émergé comme la plus convaincante pour la distribution : le CRM onboarding, qui permet d’allier cartes de fidélité et cookies. Dès qu’une enseigne a un nombre de clients suffisants, la carte de fidélité lui permet d’avoir une mesure interne statistiquement fiable. Les enseignes peuvent alors mesurer notre apport en comparant les populations touchées par Armis et celles qui n’ont pas été touchées par Armis, ce de manière statistiquement fiable. On observe des uplifts significatifs.

Viuz- Levée de fonds de 6 millions d’Euros : pour quoi faire ?

Nous avions déjà levé 1 millions auprès d’IRIS Capital, et auprès de business angels (dirigeants d’Appnexus et personnalités du retail). Les investisseurs historiques ont participé à cette nouvelle levée et ont été rejoints par Elaïa Partners (investisseur historique de Criteo notamment).

L’objectif de cette levée est double :

- Renforcer l’actif technologique : l’intelligence artificielle multi-locale. Nous créons une interface de gestion mise à la disposition de nos clients et devenons un SAAS (software as a service). Nos clients peuvent créer, activer, piloter, visualiser ce que produisent les campagnes multi-locales. C’est une outil de pilotage macroscopique pour des campagnes microscopiques autour des magasins.
- Renforcer le domaine commercial, notamment en nous ouvrant à de nouveaux secteurs : le sport, le jouet, la mode.

Le timing est très porteur : la menace d’Amazon est aujourd’hui très claire, le rachat de Whole Foods cet été a créé un séisme. L’industrie a pris conscience du poids et de l’importance du magasin physique. Pour les enseignes, il s’agit de savoir comment mettre le magasin au sein du jeu digital.

Viuz- Quel potentiel ?

Le prospectus est un marché de 3 milliards d’euros en France. Aux Etats-Unis, malgré la forte digitalisation de l’économie, le prospectus représente 20 milliards d’euros. Au niveau mondial, on peut estimer ce marché autour de 50 milliards. Le prospectus représente  partout, entre 50 et 70 % des investissements en communication des retailers. Dans les grandes masses, ce marché n’est pas digitalisé.
Arrmis n’est cependant pas dans une thèse de remplacement : nous pensons que le prospectus va continuer à exister, nous croyons plus à une complémentarité.

Du reste, notre sujet est plus global, c’est l’opération commerciale, dans laquelle les magasins expriment tous leurs savoir-faires (assortiments, bons prix, bons plans…) et ce de très nombreuses fois par an. Or ces savoir-faire ne sont pas exprimés sur internet. Ces savoir-faire, bien exprimés sur internet,  constituent pourtant la meilleure réponse à Amazon. Sur Amazon, le consommateur achète un produit de manière un peu déshumanisée, très transactionnelle, sans même avoir touché ou vu ledit produit - Face à cela, le magasin propose une expérience immédiate, il devient possible de toucher le produit, de voir le vendeur. Nous permettons au magasin de l’exprimer au moment où l’internaute est dans l’acte d’achat !

Viuz- Quelle grande tendance retenir ?

Le marché retail tech est en train de se former sous nos yeux.
Le retail n’était pas très à la mode il y a encore quelque temps, c’est maintenant un sujet central, avec un éco-système français en très forte progression.
En France, on assiste à la convergence du marché retail, l’un des plus compétitifs, composé de distributeurs d’envergure internationale, et de l’Adtech en pleine forme lu aussi. C’est d’autant plus vrai que le contexte est particulièrement porteur : la French Tech cartonne, les investisseurs étrangers reviennent en France notamment.

Au-delà, la question est bien de savoir qui va gagner la partie.
Est-ce Amazon qui,  omnipotent sur le digital,  entre dans le monde du magasin physique ? Ou les retailers qui maîtrisent parfaitement le magasin physique mais sont beaucoup moins experts dans le digital. Les jeux sont ouverts, ils décideront du commerce mondial de demain.

Nous pensons qu’un commerce pluriel, avec différentes enseignes sur différents secteurs, est plus agréable à vivre qu’un commerce monopolistique, ce que tend à créer l’internet.

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