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Hugo Loriot (fifty-five) : mutations de l’achat média, scénarisation de la data et futur des agences

Hugo Loriot Directeur Media Technologies chez fifty-five 55

Hugo Loriot, ancien de Google, est Media Technologies Director chez fifty-five. Désormais installé à New-York, il a accepté de partager ses réflexions sur le futur du marketing, les mutations de l’achat média et des agences médias.

VIUZ : Quelles mutations observez-vous dans l’achat média ?

Hugo Loriot : Trois grandes tendances forgent le marketing digital actuel. Tout d’abord, l’essor du programmatique, sous toutes ses formes, révolutionne la manière avec laquelle les emplacements publicitaires sont achetés. Sur 100 euros investis en ligne aux Etats-Unis, 50 sont dépensés en Search Marketing (100% aux enchères), 15 en Social Media (100% programmatique, et le plus souvent aux enchères) et 30 en Display (60% programmatique, aux enchères ou non), soit plus de 80% des investissements digitaux nécessitant une forte expertise technique.

Secondo, les annonceurs ont massivement pris conscience de l'intérêt de déployer une stratégie et une architecture data ambitieuses, mariant technologies publicitaires (adtech) et marketing (martech) sous la domination des grands acteurs de la Silicon Valley (Google, Facebook, Oracle, Adobe, Salesforce), ce qui introduit de forts enjeux de gouvernance et de transparence.

Enfin, la multiplication des supports vidéo et les enjeux autour de l’adblocking forcent les agences créatives à produire beaucoup plus de contenu, en utilisant les données d’audience comme autant de signaux à prendre en compte en amont.

Viuz : Quelle est l’implication pour les agences ?

Hugo Loriot : Les implications pour les agences sont multiples. La montée en expertise sur les leviers programmatique est un enjeu perpétuel, que l’acquisition permanente de Trading Desks externes par les Big6 traduit bien.

Plus problématique est la crise de confiance ouverte entre agences et annonceurs, mise en exergue par le récent rapport de l’ANA sur les pratiques du secteur. Les annonceurs réalisent aujourd’hui que la surenchère technologique, suscitée il faut le reconnaître par des appels d’offre parfois gourmands en demande et pauvres en rémunération, se traduit par des dessous de table et des marges cachées. La conséquence sera probablement demain la mise en place d’audits étendus et l’internalisation des plateformes d’achat et de reporting.

Ces mutations sont à la fois une opportunité et une menace. L’occasion est unique de proposer des stratégies innovantes mariant créativité, expertise média et scénarisation data, en valorisant une nouvelle forme d’expertise auprès des annonceurs, pour enrayer la baisse continue des commissions.

Viuz : Comment sortir par le haut de cette situation ?

Hugo Loriot : Tout dépend de quel point de vue on se place. Pour une agence traditionnelle, le salut se trouve dans le rapprochement des agences média et créa, avec au coeur une forte scénarisation data. Les succès récents d’Omnicom avec le réseau Hearts & Science sur les appels d’offre AT&T et P&G aux Etats-Unis montrent une forte appétence des marques à ce discours.

Pour autant, l’enjeu organisationnel est de taille, car sans P&L commun, la promesse risque de faire l’effet d’un pétard mouillé. L’avenir, à mon sens, est à rechercher chez un autre type d’acteur, qui loin de proposer de gérer création et achat média sous une même entité, se concentre sur la stratégie data des annonceurs, en se positionnant comme une extension naturelle des équipes Marketing, au besoin en régie. D’ailleurs, Adage a récemment sorti son classement annuel, qui trahit la montée en puissance des sociétés de conseil sur le terrain des Big 6, Accenture Interactive devenant à cette occasion la 6e Big 6 devant Havas. Cependant, les structures de conseil manquent d’expertise opérationnelle et de connaissance des écosystèmes digitaux, ce qui laisse la place à des acteurs nés avec l’explosion des investissements online.

Viuz :  Quelles doivent être selon vous, les grandes priorités pour les Directeurs Marketing en 2017 ?

Hugo Loriot : Transparence et transversalité sont les grands enjeux. Sans une vision claire et complète de leur patrimoine de données et de la performance de leurs investissements, les Directeurs Marketing ne peuvent pas prendre de bonnes décisions dans la durée. Le choix d’une DMP, la constitution d’accords d'échange de données entre annonceurs ou éditeurs (2nd party data), ou la sélection d’un modèle d’attribution spécifique sont autant d’illustrations de ce besoin des annonceurs de se réapproprier leur propre stratégie média, et non plus de se cantonner au simple rôle de donneurs d’ordres.

Que cela se traduise par une internalisation des technologies ou une simple montée en compétence, il est aujourd’hui essentiel que les directions marketing deviennent des chefs d’orchestre, au besoin épaulés par des tiers de confiance, pour coordonner autour d’une stratégie data ambitieuse et mesurable l’action des agences média et créa, partenaires irremplaçables mais dont le périmètre d’action n’est pas extensible indéfiniment.

Viuz : Qu’observez-vous chez vos clients ? Où en sont-ils ?

Nous observons que nos grands clients investissent de plus en plus sur les sujets de planification et d’optimisation de la data, avec pour objectif l’activation de la connaissance-client autour de messages et d’enchères de plus en plus personnalisés. La question est désormais : comment puis-je m’inspirer de ma connaissance-client pour piloter un media planning vraiment différencié ? Nous sommes passés à une phase où les outils d’analytics servent et informent le media planning en amont et où les notions d’attribution actionnables – qui incluent des prédictions – prennent de plus en plus d’importance, et permettent de piloter d’une manière fine les ratios du Media Mix.

Aujourd’hui, de nombreux outils, tels Google Attribution 360 (Ex Adometry), Convertro d’AOL, Visual IQ, Analytic Partners ou encore Marketshare, permettent de piloter ces nouvelles allocations budgétaires et de mesurer la contribution marginale de chaque investissement sur les achats.

La prise de conscience est réelle chez les annonceurs. La vertu du sujet DMP (Data Management Platform) a été de faire émerger ces questions au coeur des préoccupations des annonceurs.  

Viuz :  En conclusion, si vous aviez un conseil à donner aux annonceurs face à ces évolutions ?

Notre message aux annonceurs c’est : “ N’ayez pas peur !” Il y a 25 à 30 ans, le monde des agences a dû accepter un premier unbundling des compétences créa et média, le temps est venu pour un nouvel unbundling du conseil stratégique et du média, et une internalisation du sujet data.

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