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Comment la donnée permet de piloter l’expérience client, par Fred Cavazza

Viuz est partenaire de la première Customer Experience Week organisée par Adobe du 8 au 11 mars, à Paris.

Cette semaine concerne les départements informatique, marketing et créatif, les marques, l’e-commerce ou la distribution, et au-delà, tous les professionnels impliqués dans la relation avec le client à l’heure du digital.

A cette occasion, quatre grands influenceurs s'expriment dans nos colonnes. Nous donnons aujourd'hui la parole à Fred Cavazza.

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Comment la donnée permet de piloter l'expérience client

par Fred Cavazza

L'année dernière, le web grand public a fêté ses 20 ans. Deux décennies au cours desquelles les entreprises se sont petit à petit approprié les multiples facettes de ce média. Aujourd'hui devenu indispensable pour les annonceurs, le web est utilisé à toutes les étapes du cycle de vie des clients : visibilité, considération, préférence, satisfaction, fidélisation, recommandation. Les annonceurs ont bien assimilé l'importance du web pour doper les ventes, ils sont maintenant en train de passer à l'étape suivante en intégrant le numérique dans l'ensemble des fonctions de l'entreprise.

La transformation digitale est assurément LE grand chantier de ces prochaines années. Si la technologie est un ingrédient indispensable à cette transformation, ce n'est néanmoins pas un facteur-clé de succès. Certes, les outils technologiques sont un moyen d'améliorer la productivité, mais la transition numérique ne se résume pas à produire plus pour moins cher. Dans la mesure où il y aura toujours un concurrent plus agressif sur les prix, la différence devra se faire sur un autre plan. La transformation digitale devrait aider les entreprises à viser un objectif plus ambitieux : se démarquer en proposant une expérience différenciante. La réalité à laquelle les annonceurs sont confrontée aujourd'hui est un environnement ultra-concurrentiel où les consommateurs sont inondés de promotions et opérations spéciales. Un contexte qui stimule les ventes à court terme, mais parasite l'établissement d'une relation durable et viable entre les clients et les marques.

La séduction par les prix bas est une tactique qui a fait ses preuves, mais dont l'efficacité reste à prouver sur le moyen ou le long terme. Plutôt que de faire pression sur les marges, les annonceurs devraient plutôt privilégier la fluidité et la simplicité de l'expérience. A ce sujet, l'agence Siegel+Gale vient de publier le premier classement des marques qui facilitent le plus le quotidien de leurs clients. S'appuyant sur une enquête menée auprès de 12.000 consommateurs dans le monde, le Simplicity Index met à l'honneur des marques comme ALDI, Lidl, McDonald’s, Sephora ou IKEA. Plusieurs critères sont pris en compte comme le processus d'achat, la facilité de mise en relation...

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Cet index devrait être une source d'inspiration pour de nombreuses entreprises qui imposent des processus et modalités d'interaction hérités du XXe siècle à des consommateurs ultra-connectés entrés de plain-pied dans le XXIe siècle. Si la simplicité est un élément clé d'une expérience réussie, d'autres leviers peuvent être exploités comme la personnalisation, l'excellence opérationnelle... Quels que soient le ou les leviers choisis, l'expérience doit être au coeur des préoccupations, car elle permet non seulement d'améliorer la satisfaction, mais également la valeur perçut.

L'expérience client est le chantier prioritaire en 2016

Dans son second baromètre de la transformation digitale, le cabinet CSC a interrogé plus de 150 responsables de marques. Il en ressort que 93% des répondants voient le numérique comme un levier de renouvellement de l'expérience client. Tout le monde s'accorde donc sur le sujet. Le problème est que l'expérience client est une notion vague, comme le démontre les résultats de l'étude The CX Challenge de e-Consultancy : en moyenne près d'1/3 des sondés pensent que la responsabilité de l'expérience client (Customer Experience ou CXP) relève de plusieurs services, autant dire personne !

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Ceci étant dit, le point positif qui ressort de cette étude est que pour 18% des personnes interrogées, la responsabilité de l'expérience client est à imputer au département marketing. Historiquement, le marketing a toujours été un service pivot entre les différentes fonctions (communication, commercial, support, relation-client...), c'est donc le département le plus légitime pour piloter l'expérience client. Oui, il est bien ici question de pilotage, c'est-à-dire d'harmonisation de différentes activités (ciblage, production de contenus, gestion de la présence sur les médias sociaux, développements d'applications mobiles...) éparpillées sur plusieurs équipes.

Une autre étude de eConsultancy (Quarterly Digital Intelligence Briefings) nous en apprend un peu plus sur les chantiers prioritaires des annonceurs : optimisation de l'expérience client, création de contenus à valeur ajoutée et données consommateur sont les trois réponses les plus fréquentes.

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Il existe donc un consensus autour de l'importance de l'expérience pour les annonceurs. Une expérience qui doit être harmonisée et optimisée grâce à des données client / marché plus fines. Mais de quelle expérience parlons-nous au juste ?

Il n'y a pas une, mais trois expériences

L'expérience peut être définie comme la perception de l’usage d’un produit, d’un service ou d’un système. La notion d'expérience est très souvent assimilée aux utilisateurs (certains parlent d'usagers), mais une marque n'a pas d'utilisateurs, elle a des cibles, des prospects et des clients. Voilà pourquoi je préfère décomposer l'expérience en trois domaines :

  • L'expérience de marque (Brand Experience ou BXP) qui touche aux campagnes et contenus servant à augmenter la visibilité de la marque et à attirer l'attention des prospects ;
  • L'expérience client (Customer Experience ou CXP) qui couvre la formulation des offres servant à générer de la préférence sur un produit ou un service, ainsi que l'orchestration des points de vente physiques et numériques dans une optique de transformation ;
  • L'expérience utilisateur (User Experience ou UXP), qui englobe la prise en main du produit et des services associés, le support apporté par la marque pour augmenter la satisfaction ainsi que les programmes de fidélisation.

Ces trois expériences correspondent aux trois phases que va traverser un client depuis la reconnaissance de son besoin jusqu'au renouvellement, en passant par une étape de recommandation si l'expérience a été globalement positive.

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Le problème est que l'organisation en silos des entreprises génère des dissonances dans le parcours client. Des dissonances qu'il va falloir identifier, quantifier selon leur gravité, car elles vont être source de tensions. C'est là où les données rentrent en jeux : pour améliorer la compréhension des frictions au sein du parcours client et pour optimiser l'expérience.

Les données pour piloter l'expérience

Comme expliqué plus haut, une entreprise peut tout à fait avoir de bons résultats, mais une expérience globalement décevante. L'erreur faite par la plupart des annonceurs est de cloisonner les activités et de ne mesurer la performance qu'à un niveau tactique. Une newsletter pourrait par exemple être considérée comme une réussite car elle a un taux d'ouverture élevé, mais si pour y parvenir, les équipes usent et abusent de promesses impossibles à tenir et de promotions toujours plus fortes, cela risque de nuire à la satisfaction ou à la valeur perçue des produits. Il convient donc de prendre de la hauteur et de s'assurer que les actions et dispositifs mis en place contribuent à l'amélioration de l'expérience dans son ensemble et ne se contentent pas de remplir un objectif tactique sans se soucier des conséquences sur le reste du parcours client.

Pour vous aider dans cette prise de hauteur, les données se révèlent très précieuses. Pas seulement les données chiffrées qui peuvent être par exemple extraites de l'outil d'analyse d'audience, mais l'ensemble des données quantitatives (mesure de la performance) et qualitatives (mesure de la satisfaction).

En ce qui concerne l'expérience de marque (BXP), l'exemple de dissonance le plus courant est de travailler l'image de marque à la TV avec des spots aspirationnels et d'adopter une approche beaucoup plus agressive sur le web avec des résultats sponsorisés ou des bannières mettant en avant les opérations spéciales ou promotions. Plutôt que de se battre sur le terrain du prix, une marque pourrait choisir de jouer sur l'affinité avec des contenus ciblant un segment en particulier (ex : les femmes se déplaçant à moto pour une compagnie d'assurance, les allergiques à la farine de blé pour une marque alimentaire...). Dans ce contexte, les données permettent d'affiner la segmentation et de classer les segments en fonction de leur potentiel, de n'exposer les contenus affinitaires qu'aux segments concernés, de mesurer la performance et d'arbitrer les investissements en faveur des segments et canaux numériques qui contribuent le plus aux résultats.

Pour ce qui relève de l'expérience client (CXP), là encore, nous pouvons trouver de nombreuses dissonances entre les différents supports digitaux (sites web, pages sur les médias sociaux, newsletters, notifications mobiles...). Pour illustrer cette diversité, le rapport Quarterly Digital Intelligence classe les points de contact digitaux par importance :

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Comme vous pouvez le constater, le site web et les emails sont en tête de liste, mais les notifications push et SMS sont traités en périphérie. Une grave erreur, surtout si l'on considère le lien affectif très fort des consommateurs avec leur smartphone. Et là, nous ne parlons que des canaux digitaux, car il peut exister des dissonances encore plus fortes avec les points de vente physiques ou distants (centres d'appels). Dans ce contexte, la donnée est très précieuse pour modéliser de façon précise le parcours des clients, identifier les points de friction et surtout harmoniser le discours et les offres entre les différents canaux. La donnée est également très utile pour individualiser la relation avec les consommateurs de façon uniforme : ces derniers doivent être accueillis et traités de la même façon, quel que soit le canal ou le point de contact.

Enfin, l'expérience utilisateur (UXP), c'est-à-dire le ressenti du produit ou du service lui-même, est très variable entre la prise en main (déballage) et les premières difficultés que les clients vont nécessairement rencontrer. A nouveau, les données permettent de quantifier le niveau de satisfaction, d'identifier les zones d'amélioration possibles (ex : appel du support technique), et de fournir des services adaptés aux besoins des clients (ex : des tutoriels vidéo). Elles vont également servir à documenter les usages et à concevoir des offres de fidélisation personnalisées.

Acquisition, transformation et rétention sont des activités traditionnellement prises en charge par des départements différents au sein des entreprises. Le marketing doit donc endosser le rôle de chef d'orchestre pour évaluer la cohérence des actions et dispositifs existants et harmoniser les pratiques. Une tâche ingrate, car ces différents départements sont habitués à fonctionner en autonomie. Là encore, la donnée est l'argument qui permet de mettre tout le monde d'accord et de concentrer les efforts sur l'optimisation de l'expérience globale. Pour réussir à convaincre ces différentes équipes, des outils comme les cartes d'empathie ou les customer journey maps se révèlent très efficaces pour placer les clients au centre de l'expérience (et non structurer le parcours client en fonction des contraintes) et pour prendre du recul et adopter une vision holistique de son cheminement.

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La donnée vous permet donc de mieux comprendre les besoins et le comportement réel des consommateurs, ainsi que leur ressenti pour chacune de grandes étapes de son parcours (recherche, considération, préférence, achat, satisfaction, recommandation...). Le Saint Graal pour toute marque est de proposer une expérience cohérente et sans couture, une expérience où le niveau de satisfaction ne descend jamais en dessous du seuil critique où les clients peuvent se laisser séduire par une offre concurrente moins chère. Si les trois expériences décrites plus haut (expérience de marque, expérience client, expérience utilisateur) ont été concluantes, alors les clients vont naturellement recommander le produit / service à leurs proches et contribuer ainsi à bonifier l'expérience de marque, créant ainsi un cercle vertueux.

La data pour passer d'une logique réactive à proactive

Enfin, l'autre grande vertu de la donnée est de vous aider à anticiper le comportement des clients. Jusqu'à présent, les entreprises se contentaient de faire une analyse post-achat de la satisfaction et de définir des mesures correctives en cas d'insatisfaction (ex : réduction sur le prochain achat). Avec les solutions d'analyse prédictive offerte par les big data, vous avez la possibilité de modéliser des comportements-types et d'anticiper le franchissement d'un seuil de satisfaction. Les opérateurs téléphoniques utilisent ainsi l'analyse prédictive pour identifier les clients dont le comportement correspond à ceux qui ont résilié leur abonnement. Ils peuvent ainsi anticiper cette résiliation en proposant de façon pro-active des offres alternatives correspondant mieux aux attentes de ces clients "à risque". Certes, les opérateurs téléphoniques sont dans une position privilégiée, car ils ont une vision très précise des usages de leurs clients, mais les choses sont en train de changer avec la montée en puissance de l'internet des objets.

Les objets connectés offrent un potentiel inégalé pour les entreprises de collecter des données très précieuses sur leurs clients. Non pas des données personnelles (un sujet sensible), mais des données d'usage. Certaines compagnies d'assurance incitent leur client à installer un capteur sur leur véhicule pour adapter le montant de la prime au comportement routier (le fameux "pay as you drive"). Certaines marques d'équipements électro-ménagers commercialisent également des produits capables de collecter et transmettre des données qui permettent aux clients de contrôler le bon fonctionnement de leur équipement. Dans ce schéma, tout le monde y gagne : les clients peuvent anticiper une panne et le fabricant peut leur proposer une offre de renouvellement personnalisée de façon pro-active.

Les trois règles de la satisfaction client : donnée, donnée et donnée

Le monde de la distribution est régi par trois règles : l'emplacement, l'emplacement et l'emplacement. Si la généralisation des smartphones met à mal ces trois règles, rendant caduque la notion de zone de chalandise, nous pouvons les remplacer par ces trois nouvelles règles : donnée, donnée et donnée. Les données pour mesurer la performance de l'acquisition des clients. Les données pour optimiser le potentiel de transformation des offres et points de vente (physiques, numériques et distants). Enfin les données pour évaluer et maximiser la satisfaction des clients. Si les données font autant parler d'elles ces dernières années, c'est parce qu'elles sont à la base d'une révolution pour les entreprises, notamment dans la façon de piloter leurs campagnes, offres et opérations.

Plusieurs études nous montrent que les consommateurs les plus avisés privilégient l'expérience par rapport à la possession (The Science Of Why You Should Spend Your Money On Experiences, Not Things). Cette tendance devrait vous inciter à placer l'expérience en tête de vos priorités et à définir une feuille de route précise pour pouvoir collecter plus de données et les exploiter de façon plus efficace afin d'améliorer l'expérience et non cherche à tout prix à doper le chiffre d'affaires du mois. Il est tant de considérer l'expérience et la donnée comme des actifs stratégiques de votre entreprise.

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