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Adblocking : entre prise de conscience et nouveaux modèles. Ne nous trompons pas de combat !

Adblocking : entre prise de conscience et nouveaux modèles. Ne nous trompons pas de combat !

Par Pierre-Antoine Durgeat, Président-Fondateur d'Adventori.

Les bloqueurs de pub sont devenus un phénomène de masse que personne dans le monde du web et de la publicité ne peut plus ignorer. D'autant que nous n'en sommes qu'aux prémices : depuis le lancement de l'iOS 9 d'Apple, l'application la plus téléchargée n'est autre que Crystal, un adblocker :

crystal-applestore

Crystal bloque les pub, surfe plus vite. Un bloqueur de pub numéro 1, devant Minecraft, dans le classement des applis payantes sur l'Appstore d'Apple

Les chiffres  que nous observons au quotidien révèlent l'ampleur des usages : sur la base des impressions publicitaires servies par Adventori, selon les sites et les campagnes, nous constatons que 15 à 25% des internautes utilisent un bloqueur de pub !

Le débat fait rage : que faire face aux adblockers ?

Trois attitudes possibles : ligne Maginot, témérité chevaleresque ou question du pourquoi

 

Première attitude ou le syndrome de la ligne Maginot. Les adblockers, en premier lieu la société allemande Eyeo éditrice d'Adblockplus, organisateurs d'un racket à grande échelle, détruiraient la valeur du web à leur profit. Des remèdes très simples devraient être administrés : soit les anti-adblockers (et bientôt dans les anti-anti-anti-adblockers aussitôt qu'apparaîtront les anti-anti-adblockers) soit l'actions légale (la soif de justice ne semble pas encore tout à fait étanchée malgré la victoire d'Adblockplus devant les tribunaux allemands en avril dernier), soit encore dans un mélange improbable des deux.

Osons le dire : cette attitude est irresponsable ! Elle refuse de s'attaquer aux causes du problème. Et pour le moment, elle est pire que contre-productive : elle aide surtout à faire connaître au très grand public l'existence des bloqueurs de pub, comme s'en délecte très ouvertement Adblockplus à longueur de communiqués.

Deuxième attitude, plus téméraire que courageuse : bloquer les internautes qui bloquent les pubs. C'est l'option choisie par le Washington Post en cette rentrée 2015. L'argument est des plus louables : si vous, très chers internautes, consommez mes contenus gratuitement, c'est grâce à l'argent de la publicité. Pas pub, pas de contenus. Deux questions : à l'heure de l'info en surabondance, la fuite de l'audience est-elle possible ? Plus généralement, à part une poignée de titres, qui peut se permettre le luxe de refuser la visite des internautes, même gratuits ?

Troisième attitude, que nous préférons : poser lucidement la question du pourquoi et agir en conséquence. Que révèlent les adblockers ? Il s'agit de s'attaquer à la racine du mal (mais les adblockers sont-ils un mal ?), à ne pas inverser cause et conséquence...

Du dirty trafic au rejet massif de la pub

 

A l'origine, les adblockers ne sont pas téléchargés pour éviter la pub diffusée sur les media en ligne. Les individus les utilisent au départ pour éviter les pop ups de reciblage intempestifs et bien souvent très gênants issus du "dirty trafic" : les sites pornographiques, les sites de domain name parking, les sites de streaming ou de téléchargement.

Ce faisant, en se protégeant de situations embarrassantes, les internautes en dėcouvrent les bienfaits : toute l'expérience de navigation est soudain libérée ! Comme le confessait publiquement ces derniers jours un... publicitaire.

En fait, circonstance atténuante pour le web, reconnaissons que la pub en ligne cristallise tous les rejets, cumulés depuis des décennies, de la promotion et de la publicité, de la télé à l'affichage outdoor, en passant par le hors media. Rappelons l'origine du mot SPAM : la parodie des Monthy Pithon d'une publicité radio très intempestive...

 

Avant la publicité display, la publicité intrusive sévissait dans l'emailing et les moteurs de recherche, avec dans chaque cas, pour enrayer le fléau, des solutions radicales : les filtres anti-spam des fournisseurs d'accès dans un cas et le déréférencement dans l'autre. Les adblockers seraient en quelque sorte de nouveaux antispam, en plus radicaux.

La crise de l'adblocking révèle le rejet la pub, pour une part très significative des internautes, part hélas croissante. Le combat à livrer n'est pas d'abord contre les adblockers.

Il est urgent d'agir sur le fond, c'est-à-dire faire de la "bonne" pub, pertinente, utile, responsable, en tout cas susceptible d'offrir une expérience positive aux individus - c'est loin, très loin d'être toujours le cas.

Oui la bonne pub est possible sur internet !

Tant qu'elle restera aveugle aux vraies causes du problème, la profession ne se rendra pas service. Elle persistera dans une fuite en avant court-termiste, orchestrée par des acheteurs médias capables de faire des arbitrage absurdes entre volume et prix. La plus grande valeur de la publicité sera toujours plus dégradée… en favorisant toujours un peu plus la concentration de l'offre et des formules gagnantes entre les mains de quelques-uns : suivez mon regard !

Quelles réponses, alors ? Autrement dit : qu'est-ce qu'une bonne pub ?

Un premier élément de réponse tourne autour des formats et des modèles.

Sur internet, la pub n'a pas encore trouvé sa place. Entre le search (et sa logique intentionniste à forte capacité de ROI) et les grands media off line, en premier lieu la télévision (à forte capacité de frappe auprès d'audiences massives) , la publicité display n'a pas encore tout à fait trouvé sa légitimité.

Elle est peut-être en passe de trouver sa raison d'être.

Les liens sponsorisés inventés par Bill Gross en 2001 puis largement diffusés et optimisés par Google Adwords n'avaient-ils pas ouvert la voie ? La firme de Mountain View n'est-elle pas devenue la puissance publicitaire que l'on sait parce qu'elle a fait le choix draconien des publicités non intrusives ?

La publicité classique - la bannière - est-elle morte pour autant ? N'y a-t-il plus de place pour le format display, le format qui expose un produit ou une marque afin de développer sa notoriété et son image, afin de susciter du désir ?

Nous pensons que dans le cas de la bannière et surtout dans ce cas, la seule façon de lutter efficacement consiste à améliorer l'expérience publicitaire. Avec deux pré-requis incontournables :

  • la personnalisation VERSUS le carpet bombing
  • la limitation de la répétition VERSUS la sur-sollicitation des individus

Dans ces conditions, la publicité sur les sites web devient tolérable, elle respecte le contrat de lecture entre l'internaute et le media, elle valorise la relation entre le consommateur et la marque.

La publicité programmatique a évidemment un rôle majeur à jouer : elle révèle des vérités bonnes à dire, comme le taux de visibilité (viewability), garantit des emplacements valorisants pour la marque (brand safety).

Dans un même mouvement, elle crée les conditions de possibilité de la "bonne publicité" en touchant la bonne personne au bon moment.

Les solutions de créations dynamiques (le fameux DCO, spécialité d'ADventori) aident les marques à diffuser le bon message, c'est-à-dire un message personnalisé (en fonction de la localisation, de la météo, de la disponibilité des stocks...) à grande échelle (sur des milliards d'impressions), le tout dans le cadre d'une scénarisation qui s'inscrit dans le temps, à travers les différents écrans, dans le respect du cycle de découverte et de décision du consommateur.

La répétition, ressort principal de la publicité n'est pas en cause, bien au contraire. On sait qu'exposer l'internaute une seule fois ne marche pas, il faut le faire en moyenne 4 fois pour être efficace. Le programmatique et le les créations dynamiques renouvellent sa logique en permettant de respecter la relation transactionnelle entre l'individu et la marque. Une publicité qui tient compte du statut du consommateur devient possible, le storytelling deviendra le principe stratégique majeur.

Crise d'adolescence, prise de conscience

 

On a tous envie de bonne pub, tous : l'internaute, la marque, l'éditeur, et y compris leurs parties prenantes (agences, solutions, régies).

Un terrain très favorable ne cesse de s'étendre devant nous, un terrain â bâtir vers lequel nous glissons tous : le mobile et notamment le monde sans cookie des applis. Toute la publicité est en train d'y migrer. Apple a annoncé l'installation native d'un adblock. Nous n'avons pas le choix : il y aura moins d'emplacements disponibles, et l'obligation de trouver les formats à la fois impactants et acceptables.

Le phénomène adblock n'est certainement pas de nature à rassurer les directeurs des grandes marques. Il ralentit la transition vers la pub digitale. Le mouvement semble pourtant irrémédiable, ne serait-ce que parce que la consommation media migre lentement, mais sûrement, vers le digital, notamment sous la poussée du mobile. La pub en ligne devrait dépasser la pub télé en 2018 - 4 ans après le Royaume-Uni (source : étude ZenithOptimedia, septembre 2015).

L'exigence des marques et des consommateurs ne fera que croître.

Il est donc plus que jamais nécessaire de proposer des formats et des expériences pertinentes. Il est temps de préparer le terrain, pour réussir au mieux la bascule du marché.

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