Netino, leader français de la modération, créé en 2002 et repris en 2010 par son CEO Jérémie Mani, compte une équipe de 400 modérateurs sur 8 pays et 100 clients. La société vise 4 millions d’euros de CA en 2015.
Jérémie a répondu à nos questions :
1 – Quel est le niveau de maturité des entreprises en ce qui concerne la modération ?
Aujourd’hui la modération s’impose aux entreprises, très matures, en tout cas en France, sur le sujet.
Nous constatons deux segments parmi nos clients :
- ceux qui ont déjà connu des crises (de type appel à boycott…) et ceux qui, ayant beaucoup de volumes, savent qu’une crise peut vite arriver
- les autres, qui n’ont pas eu de problème, mais voient la modération comme une assurance ou comme un veilleur de nuit.
Trop d’entreprises encore ne font pas appel à un service de modération : c’est comme conduire une voiture sans assurance...
Nombre de gens face aux médias sociaux sont timides ou craintifs, peuvent avoir peur de se faire troller quand ils posent un commentaire. Les marques doivent créer pour eux un climat positif.
Ma conviction c’est qu’une modération bien faite incite les membres d’une communauté d’une marque à ne pas fuir et à s’engager davantage.
2 - Pourquoi une marque doit-elle passer par un acteur de la modération ?
Toute entreprise peut être tentée de réaliser la modération en interne, dont les tâches de base sont faciles à mettre en œuvre a priori.
Ce qu’apporte une solution comme la nôtre c’est :
- la gestion des heures non ouvrées
- les outils, qui permettent entre autre la récupération des flux divers (qui viennent d’un peu partout, notamment de Facebook, Instagram, des forums…).
Sur une page Facebook, par exemple, il y a plusieurs posts par jour, qui a apparaissent par ordre chronologique. Rien que de chercher les messages consomme beaucoup de temps. Nos outils apportent un gain de productivité énorme.
- la modération est une tâche indispensable, à faible valeur ajoutée, et souvent mal faite en interne. Les collaborateurs n’aiment pas s’occuper de la modération, ni le revendiquer, c’est perçu comme du temps perdu, à l’opposé des actions de créativité. Une solution comme la nôtre prend en charge cette tâche et soulage les équipes.
3 – Modération : quel est enjeu du moment ?
Le statut du modérateur. Il devient plus visible, et indispensable, au sein de l’organisation,
Il filtre et fait notamment remonter les commentaires de nature à aider à la décision et la créativité.
Il est en effet compliqué pour un community manager de tout lire. Le modérateur peut lever la frustration de passer à côté de quelque chose.
Certaines pages ont effet plusieurs milliers de commentaires. Le Monde ou le Figaro ont des centaines de milliers de commentaires par mois.
Or, dans ce volume, se cachent des pépites qui ont une véritable valeur éditoriale. Quant aux grandes marques, elles ont moins de messages mais ces derniers peuvent être utiles à la stratégie de l’entreprise, à sa créativité, à sa veille.
4 – le modération en temps réel : comment ça marche ?
Les outils priorisent les contenus qui doivent être retirés sur la base de trois critères :
- l’historique de l’individu (nombre de messages déjà publiés, taux de rejet constaté). Nous mutualisons ces résultats entre différents média sociaux dans un score global.
- les mots-clés : aucun outil n’est fiable à 100% mais la présence de certains mot-clés (comme charia, sioniste, gay…) entraîne des taux de rejets 3 ou 4 fois supérieurs à la moyenne. Le mot « impôt » implique un retrait 2,5 fois supérieur à la moyenne. Ce n’est bien sûr pas le mot en tant que tel qui est en cause, mais ce qu’il y a autour.
- le partage : les message likés sont plus visibles que les autres, sont analysés en priorité
On ne traite donc pas par ordre chronologique mais par niveau de risque.
5 – Comment gère-t-on le blocage d’un membre ?
On connaît la pression interne des entreprises : avoir plus de fans.
Avoir beaucoup de fans peut poser certains problèmes. Les grosses communautés attirent les gens qui veulent faire leur promotion, c’est le cas des SPAM non robotisés en particulier.
Il y a également le cas plus répandu de la mauvaise foi ou du manque de respect du fait des membres. Les marques ont souvent peur de supprimer des fans, des blacklister des messages ou des membres, de peur d’avoir des plaintes pour censure. A tort…
Nous militons pour faire respecter l’autorité des marques.
Avant, la relation client était en one to one, aujourd’hui tout peut être déballé en public, et de ce fait avec un risque de mauvaise foi, d’exagération.
Bien sûr les fans ont droit à la critique mais pas d’insulter ou de manquer de respect aux autres fans.
6 - Quel réseau social faut-il surveiller en ce moment ?
Chez certaines marques, le nombre de commentaires sur Instagram dépasse désormais celui de leur page Facebook.
Jerémie Mani, 39 ans, entrepreneur dans le web français depuis 1999, ancien co-fondateur et dirigeant de Directinet (E-mail Marketing) est aujourd'hui président de Netino, une société spécialisée dans la e-Modération (une niche du Web 2.0 en forte croissance).