Nicolas Colin est ingénieur Télécom Bretagne, inspecteur des finances (en disponibilité) et co-fondateur de la société d’investissement TheFamily avec Alice Zagury et Oussama Ammar.
Il a accepté de se prêter au jeu de la big Interviuz. Portrait d’un barbare humaniste et visionnaire.
Viuz : Votre première émotion numérique ?
Nicolas Colin: J’ai découvert Internet en 1993/1994. Ma première émotion numérique remonte à 1996, sur le campus de Telecom Bretagne, lorsque j’ai surfé pour la première fois à haut débit sur le réseau Renater, connecté sur des stations de travail Sun.
Viuz : Outre TheFamily, la société High Tech que vous aimeriez avoir créé ?
Nicolas Colin: Je suis un grand admirateur d’Amazon, qui préfigure l’hybridation du tangible et de l’intangible. Plutôt que de créer un pure player, Jeff Bezos a su très tôt relever un défi industriel et logistique, déjouer la malédiction des rendements décroissants et rendre son activité scalable.
Viuz : Ce qui vous plaît le plus dans le numérique ?
Nicolas Colin: La vitesse et la sensation que tout est possible, qu’il y a de nouveaux bouclages économiques à inventer. Le numérique m’inspire beaucoup de confiance.
Viuz : Ce qui vous plaît le moins dans le numérique ?
Nicolas Colin: La superficialité d’une frange de ce monde et son manque d’ambition.
Viuz : Quelles sont vos inspirations en termes de business ?
Nicolas Colin: Clayton Christensen est un peu notre maître à tous en matière d’’économie de l’innovation. Je suis également un grand lecteur de Tim O’Reilly, Paul Graham, Marc Andreessen et Carlota Perez, qui décrit parfaitement les interactions entre les révolutions technologiques et le capitalisme financier.
Viuz : Un livre qui vous a marqué ?
Nicolas Colin: J’ai beaucoup lu deux philosophes spécialistes du travail et penseurs de l’autonomie des individus, André Gorz et Cornelius Castoriadis.
Je relis souvent une nouvelle de Paul Valéry, remarquable de quintessence : « La soirée avec Monsieur Teste ».
Viuz : Votre dernier achat sur Internet ?
Nicolas Colin : Sur Kindle un livre Why Nations fail… écrit par deux économistes du MIT : Daron Acemoglu et James Robinson.
Ils décrivent pourquoi certains pays deviennent pauvres et d’autres deviennent riches. Les pays développés sont devenus riches parce qu’ils ont mis en place des institutions dites « inclusives », qui redistribuent la richesse et les opportunités. Pour l’instant, nos institutions, qui étaient inclusives dans l’ancien paradigme, n’ont pas été repensées pour l’économie numérique.
Viuz : Pour vous l’objet du désir numérique ?
Nicolas Colin: Le service qui me permettrait éliminer la friction dans l’expérience d’achat en magasin, voire toutes les files d’attentes. Plus on baigne dans le numérique, moins on tolère les frictions quotidiennes. Je cherche encore le coupe-file numérique absolu.
Viuz Votre dernière appli téléchargée ?
Nicolas Colin: Waze
Viuz : Complétez la phrase : Pour que le digital accélère en France il faudrait … ?
Nicolas Colin: Notre Fairchild à nous ! Soit une entreprise à la fois exemple et matrice, qui déclenche la croissance exponentielle de notre écosystème.
Dans l’économie d’aujourd’hui, ça ne peut être qu’une boite BtoC. Je pense que BlaBlaCar pourait être notre Fairchild.
Viuz : Android ou iOS ?
Nicolas Colin: iOS ! Je viens d’une famille qui a eu toutes les générations de Mac depuis l’Apple II.
Viuz : Twitter ou Facebook ?
Nicolas Colin: Plutôt Facebook en fait. Je broadcaste souvent sur Twitter mais je suis plus actif dans les échanges sur Facebook.
Viuz : Votre avis sur les messageries Instantanées : Snapchat, Wechat, Line ?
Nicolas Colin: Ce n’est pas vraiment quelque chose que j’utilise car je préfère l’asynchrone, d’où Facebook. Mais TheFamily a déployé Slack en interne et l’utilise désormais de façon intensive.
Viuz : Votre pire prédiction numérique ?
Nicolas Colin: J’ai fondé une startup en 2010 en faisant le pari qu’il deviendrait usuel de mettre en relation des gens ne se connaissant pas mais ayant instantanément des choses à se dire. Cette prédiction ne s’est pas encore vraiment réalisée.
Depuis la rédaction de L’Âge de la multitude, avec Henri Verdier, j’ai développé une grille d’analyse qui me permet de mieux anticiper les tendances, donc de moins me tromper dans les prédictions. J’ajoute que je ne suis pas du tout un early adopter, donc je ne prends pas trop de risques de prédiction.
Viuz : Votre plus forte conviction numérique ?
Nicolas Colin: Une conviction qui me tient à cœur, au croisement de l’économie numérique et de la protection sociale : je suis persuadé qu’un assureur numérique assurant tout le monde sans discrimination peut gagner plus d’argent qu’un assureur traditionnel sélectionnant ses clients. Le rendement croissant peut donc battre la sélection adverse ; le numérique va nous aider à réinventer la Sécurité sociale.
Viuz : Votre Digital Detox préféré ?
Nicolas Colin: Une petite maison isolée en Normandie, sans réseau (même mobile).
Viuz : Qu’avez-vous appris cette année ?
Nicolas Colin: J’ai découvert de l’intérieur, en co-fondant TheFamily, ce qu’était une entreprise qui marche, une culture qui porte vers le succès et un momentum qui s’amorce dès le démarrage.
Viuz : Combien de mails recevez vous par jour ?
Nicolas Colin: A peu près 200, auxquels je finis toujours par répondre. Mais j’ai organisé un déport des mails publicitaires pour ne voir que l’essentiel.
Viuz : Votre conseil aux entrepreneurs ?
Nicolas Colin: Choisir un problème qui compte et s’y attaquer sans relâche. Contrairement à ce qui est souvent professé, on ne fonde pas une entreprise pour promouvoir une idée mais pour résoudre un problème.
Viuz – La phrase qui vous porte ?
Nicolas Colin : Une phrase de Miles Davis « l’ll play it and tell you what it is later ».