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Marques : comment prendre en compte cette formidable demande d’empathie ?

En plein renforcement de la pandémie de Coronavirus, de nouveaux questionnements assaillent les consommateurs. Le désir de santé se fait de plus en fort, et avec lui la transparence, l’éthique et la solidarité. Cette nouvelle situation ne sera pas sans effet sur la consommation, ni sur la relation aux marques. Petit décryptage des attentes en France à partir d’une communauté online de 18 personnes âgées de 25 à 55 ans menée par Adwise[i].

Par Florence HUSSENOT

UN CONSOMMATEUR EN QUETE D’ESSENTIEL

Les personnes interrogées témoignent toutes du désir de « revenir à l’essentiel ». Comprendre : l’essentiel est ce qui reste ouvert, le reste est le superflu. Mais derrière cette vision un peu rapide liée à la particularité de la situation de fermeture des magasins, pointe le désir de réfléchir à sa consommation, «de faire le tri entre ce que nous avons en trop et ce qui nous manque ».

Il s’agit de revenir à une consommation qui ait du sens : « ça révèle notre surconsommation » ou encore « clairement se recentrer sur l’essentiel, l’important et le nécessaire ; le futile passe après et j’espère garder cela ». A l’appui, les personnes interrogées nous parlent d’abord de dé-consommation (« il faut vraiment que je freine ma consommation en tout »), ou d’une ré-allocation de la consommation vers des biens plus immatériels : passer du temps avec sa famille, profiter de la vie, faire du sport, s’occuper de soi.

En second lieu, leur réflexe est de revenir à une consommation plus réfléchie. Prévoir, anticiper, réfléchir leur apparaît essentiel ( « je vais sûrement freiner ma consommation, moins sur un coup de tête »).

Elle entraîne de nombreux questionnements sur les conditions de travail (les leurs également). Derrière le produit, les personnes interrogées reprennent conscience qu’il y a des vies, des hommes et des femmes auparavant noyés dans un schéma logistique prédominant (« est-ce que je souhaite acheter ce t-shirt qui a été fabriqué dans des conditions humaines et environnementales déplorables, m'est acheminé depuis l'autre bout du monde puis m'est livré malgré le risque sanitaire en cours ? »).

Encore plus qu’avant, la dimension sociale de la production fait irruption dans le processus de décision au même titre que la dimension écologique. La crise est un accélérateur de RSE. Et cette dernière penche au profit d’une re-localisation de la production : « Il faut trouver du sens … Je vais faire plus attention à la provenance de ce que j'achète. Essayer de privilégier le local ou made in France ou made in Europe. Afin de soutenir l'économie ici et ne pas dépendre autant des pays lointains »[iii]. Et à ce titre, certaines personnes interrogées ont tendance à rechercher des marques alternatives : « je compte clairement préférer les petites marques et entreprises à aider dans ces moments difficiles » et dans le textile, les nouvelles marques de mode qui émergent : Balzac, Make my Lemonade ou Everlane pour les USA qui prennent en compte ces questionnements (« Je ne les vois pas beaucoup dans les marques historiques - mis à part de petites collections qui font très cosmétique et green washing »).

Enfin, la thématique de la santé et du bien-être reprend du poids[iv] : « Je vais aller vers des marques plus responsables notamment pour les cosmétiques. Avec moins d'ingrédients et d'additif. » ;

UN CONSOMMATEUR ACTIF EN ATTENTE DE L’IMPLICATION SOCIALE DES MARQUES

Les français interrogés attendent une réaction des marques. Une étude récente[v] montre que 55% des consommateurs considèrent que les marques ont plus de pouvoir que les gouvernements pour créer un futur meilleur. Ils nous l’écrivent : « elles doivent prendre des engagements, être solidaires et protéger leurs employés ». Les consommateurs veulent se servir de leur ‘buying power’ : « Certaines en revanche, silence radio. Je ne trouve pas ça cool de leur part. les marques qui n'ont pas eu ne serait-ce qu'un mot concernant la situation que l'on vit, n'auront certainement plus mon argent. », « Je reste fidèle à une marque qui m'accompagne dans les bons comme dans les mauvais moments» ;

Et deux aspects les ont particulièrement choqués :

UN CONSOMMATEUR EN ATTENTE D’EMPATHIE ET DE BÉNÉFICES COLLECTIFS

Dans ce contexte, les marques doivent mieux adapter leurs messages, et surtout réfléchir à l’avenir. La crise d’aujourd’hui accroît les attentes d’engagement des marques (« demain ce qui va m’énerver ce sont les positionnements qui ne seront pas suffisamment pensés et incarnés = le green washing. »), de cohérence et de conscience. Pour les consommateurs, c'est le moment de faire un peu d'introspection et de dérouler un plan d'action pour un meilleur impact environnemental et éthique. 

Les valeurs qui vont compter demain impliquent un bénéfice collectif :

Dans ce contexte, les français interrogés ont relevé quelques belles initiatives de marque :

Et ont des suggestions :

Notre recommandation pour les marques d’aujourd’hui porte sur quatre aspects :

  1. Communiquer avec vos clients mais communiquer avec empathie dans cette période de stress, en rappelant la protection des salariés, les engagements à responsabilité sociale et environnementale, et apporter de l’aide à vos clients. Pour cela, il est nécessaire de bien les connaître et les comprendre. Quand la valeur d’usage est limitée par la situation, il faut travailler sa valeur d’image.
  2. Un appétit de consommation fera sans doute irruption dès la fin du confinement. Mais il se fera sur des marques qui ont du sens. Réfléchir maintenant aux valeurs et à la personnalité de la marque en tenant compte d’attentes de bénéfices collectifs nouveaux, rassemblant solidarité, générosité, rôle dans l’économie et conscience de la vie de vos clients. Les consommateurs veulent être perçus comme des personnes, qui par leur consommation jouent un rôle, et pas seulement des clients abstraits.
  3. Travailler l’offre, ses matériaux ou matières premières, sa fabrication, son approvisionnement de façon à apporter des preuves sincères de vos engagements en toute transparence[vi].
  4. La thématique de la santé prend de l’ampleur, de même que la responsabilité sociale de l’entreprise. Il faut devenir une marque rassurante.

Florence Hussenot est Présidente de l'institut d'étude et de conseil ADWISE


[i] Etude réalisée sur une communauté online animée par Adwise auprès de 18 femmes à Paris, Marseille, Lyon et leur agglomération, entre le 21 et le 26 Mars ; communauté en cours.

[ii] Comme le souligne d’ailleurs Daniel Cohen dans un récent article : « la production industrielle comme un assemblage de parties éclatées un peu partout dans le monde, en particulier en Chine, pour chercher toujours le moindre coût et le meilleur rapport qualité/prix, a touché ses limites ».

[iii] A mettre en perspective avec la dernière étude Havas Chine (Corona Market Virus update -update du 13 mars 2020) : 52 % des personnes interrogées affirment qu'elles ont commencé à se concentrer sur la santé et les produits susceptibles de renforcer le système immunitaire, 41 % qu'elles préfèrent désormais les produits écologiques et biologiques et 35 % que les produits frais et sûrs sont plus importants que jamais pour elles.

[iv] Etude Meaningfull brands 2019 - Havas

[v] 60% des français considèrent que trop de marques utilisent les enjeux de société comme levier marketing – Trust Barometer d’Edelman