Le marché du marketing d’influence est actuellement estimé à $20 MM : autant dire qu’il devrait continuer à briller en 2020 et dans les années à venir … même si son seuil de maturité n’est pas encore atteint, et qu’il reste à conquérir bien des acteurs, en dehors des early-adopters. Il y aura par ailleurs de nouveaux challenges à relever mais aussi pléthore d’opportunités. Décryptage.
La menace « made in Facebook » ?
Fin 2019 : on annonce la plateforme Brand Collabs Manager, extension de l’univers Instagram. Et cela fait grincer des dents, particulièrement les acteurs de solutions business d’influence marketing. Quant aux marques, elles craignent pour leurs campagnes au quotidien. C’est qu’il faut lire entre les lignes : derrière la disparition des likes sur Instagram, officiellement pour le « bien-être » des utilisateurs, il pourrait y avoir d’autres explications – pour le coup nettement moins louables : Zuckerberg n’envisagerait-il pas de développer pour sa firme de nouveaux services, voire à terme de carrément couper l’accès à ses API aux fournisseurs de solution d’influence marketing ? Cela n’a rien d’incongru : celui qui détient la data (likes, interactions, accès aux followers et au contenu, … ) détient le pouvoir. Reste que, pour l’heure, cette menace est toute relative.
Fondateur de la plateforme Influence 4 You, Stéphane Bouillet souligne, dans une tribune intitulée « La plateforme d’influence d’Instagram est loin d’être au niveau pour les marques » : « à date, la plateforme de Facebook apparaît incomplète, à la fois dans son approche et également dans son inhabilité à proposer une solution multi-plateforme aux marques à la recherche d’accompagnement et de concepts clés en main. » Parmi les autres points noirs pointés par l’expert :
- un accès à la data certes mais sans analyse des fakes,
- une base d’influenceurs proche de 0, nullement adaptée à la micro-influence pourtant en vogue dans les campagnes des marques car perçue comme plus authentique,
- un niveau fonctionnel très éloigné des standards du marché
- l’absence de services additionnels facilitant le suivi opérationnel, rémunération et défraiement des influenceurs, gestion des évènements, voire tout simplement le relationnel et l’humain. [i]
Un positionnement social -commerce « tous azimut »
Si cette menace est pour l’heure limitée, il ne faut pour autant pas sous-estimer la force de frappe du mastodonte social ; il suffit d’une ou deux acquisitions et le tour est joué. Une stratégie déjà testée et éprouvée, notamment lorsque Google a racheté Doubleclick en 2007 pour développer un réseau pub hors univers Google. Il s’agira donc de demeurer attentif d’autant que Facebook n’est pas le seul à s’affairer autour de ce juteux business de l’influence.
En 2018, YouTube a introduit un modèle d'abonnement payant pour les influenceurs permettant aux fans de payer 4,99 $/mois afin d’accéder à un contenu exclusif. D’autre part, les youtubeurs sont de plus en plus nombreux à miser sur le merchandising pour diversifier leurs revenus ; là aussi, la plateforme de Google compte répondre présent en aidant et conseillant ses utilisateurs pour vendre de manière optimale des marchandises via sa plateforme.
Est-ce le premier jalon d’une stratégie beaucoup plus ambitieuse ? Cela est très probable. D’autant que les influenceurs ont prouvé qu’ils représentent un levier fort dans le processus d’achat et le « social commerce » ; l’acquisition via les réseaux sociaux est un axe fort et protéiforme pour l’ensemble des acteurs. Entre V-commerce (commerce en réalité augmentée et réalité virtuelle), shoppertainment via le live-streaming ou encore messaging commerce (achat via les messageries), les plateformes sociales vont prouver qu’elles sont devenues indispensables pour générer des ventes.
Les ventes s’envolent avec les Pinfluencers
Autre point intéressant qui devrait dynamiser l’écosystème, l’arrivée ou le renforcement de certains acteurs dans l’influence marketing avec une logique différente de celle des plateformes comme Youtube ou Instagram.
Pour commencer, citons Pinterest, qui est redevenue en 2019 la troisième plateforme sociale aux US et devrait selon Emarketer continuer à distancer Snapchat, désormais quatrième au classement. Plus qu’un réseau social, le « catalogue d’idées en ligne » s’affaire de plus en plus dans le business de l’influence avec une démarche différente des autres plateformes. Comme nous vous l’expliquions déjà il y a quelques mois sur Viuz, elle vient tout d’abord d’ouvrir son API à certains acteurs de l’influence marketing et compte bien renforcer le programme « Pin Collective » pour mettre marques et annonceurs en relation avec des créateurs de contenu influents qu’elles paieront pour leur aide.
Astucieuse manière d’encourager les enseignes à créer des contenus qui engagent les utilisateurs en tirant profit des meilleurs influenceurs de la plateforme ! D’autant que, contrairement à d’autres réseaux centrés sur la connexion avec les proches (et un poil de trip égo pour les influenceurs), Pinterest est davantage un moteur de découverte où le produit est roi. Salarié de la plateforme, Enid Hwang a déclaré lors d'une interview pour Quartz que 97 % des recherches sur le site portent sur des mots clés génériques et sans mention d'une marque. Une stat qui en complète une autre : 84% des utilisateurs hebdomadaires vont sur la plateforme dans une optique d’achat.
Relatant les grands enseignements d’une conférence Pinterest – Reach de novembre dernier, le site webmarketing-com, brandtech spécialisée dans l’influence marketing, citait la campagne réussie de Maisons du Monde ; l’enseigne de décoration intérieure a travaillé avec les utilisateurs de la plateforme pour créer plus de 4000 tableaux autour de la thématique « chambre cosy », générant ainsi 75% de trafic sur son site. A noter que ces résultats sont loin d’être figés, puisque la longévité du contenu est bien plus importante sur Pinterest que sur d’autres plateformes.
Comment TikTok a « remplacé Vine en terme de réactivité »
Citons également TikTok. Ce robinet de contenus à consommer en microdose fait fureur auprès de la génération Z (mais pas seulement !). L’application distille des clips de 15 secondes avec des sons et effets détonants, le tout particulièrement bien synchronisé, ce qui est en passe de générer une nouvelle grammaire que les marques vont devoir s’approprier. Elle rebat également les cartes de l’influence puisqu’on n’est pas sur la même audience que sur Instagram ou Youtube, aussi les TikTok influenceurs ne sont pas nécessairement les mêmes. Evan Spiegel, fondateur de Snapchat, en concurrence directe sur la cible, va devoir mettre les bouchées double pour ne pas se faire voler la vedette.
Comme le souligne Stéphane Bouillet : « TikTok a remplacé Vine en terme de créativité. La créativité y est très forte et aussi le caractère social. Instagram l'a beaucoup moins. Youtube l'a mais les vidéos sont beaucoup plus longues ». TikTok constitue par ailleurs un challenge de taille puisque comme le souligne également et à juste titre l’expert en influence marketing : « Le seul frein pour nous agence d'influence est la "non prévisibilité" du succès des publications (un peu comme sur Pinterest). Une vidéo peut faire 10 k ou 10 M de vues avec un même influenceur. Cela est plus facile avec les grands TikTokers. Sur la micro influence TikTok, c'est beaucoup plus aléatoire avec des fois des énormes bonnes surprises ». TikTok semble bien parti pour s’inscrire durablement dans le paysage des plateformes sociales indispensables. Comme le souligne James Ponizwozik, journaliste du NYT :« Tiktok est en train de réinventer la télé. Non pas celle que vous regardez sur votre canapé mais celle que vous tirez de votre poche. »
MD