Viuz

J’ai vendu mon âme à la tech

Image by FunkyFocus from Pixabay

Enfermés dans le bocal de nos écrans dopés au « design d’influence », nous sommes désormais en passe d’engendrer une civilisation du poisson rouge. Qui aura le visage d’une industrie de la persuasion à grande échelle, dont on enseigne déjà les préceptes à l’université SVP à des designers et développeurs informatiques afin qu’ils façonnent des outils en ligne toujours plus addictifs. Autoplay, infinite-scroll, pokes, likes… tout cela avec une finalité toute bête : que ça ne s’arrête jamais. On dit bingo - littéralement d’ailleurs - car il s’agit d’actionner les mêmes mécanismes d’addiction en jeu avec les machines à sous de Las Vegas. « What happens in Vegas… » ne reste pas nécessairement à Vegas.  Damned !

Il suffit d’ailleurs de regarder autour de nous. Une espèce particulièrement identifiable sévit, dans la capitale comme en province : les « smombies » ! Ce néologisme difficilement prononçable désigne les « zombies du téléphone ». Impossible d’y échapper ! Indifférents au monde qui les entoure, ils évoquent les morts-vivants  de The Walking Dead – si vous ne l’avez pas vu, soyez en paix, Netflix vous le proposera sous peu dans votre flux algorithmique. Les « smombies » donc : une espèce en danger ! Avec une connexion journalière de près de 4h et quasiment 300 consultations par jour, elle grossit les rangs des piétons tués chaque année.

Il y a pire ! Avec 259 morts depuis 2011, c’est assurément le selfie qui se hisse au podium des démarches tech les plus meurtrières. La faute à notre quotidien de plus en plus instagrammable. On constate ici l’essor d’une nouvelle capacité de l’homo digitalus : « l’œil Facebook » ou l’art d’analyser et d’évaluer les moments vécus selon leur capacité à être transformés en posts sur les réseaux sociaux. On ne va plus à un concert pour en profiter mais pour dire qu’on y a été … et pour le contenu partageable qu’il va générer. Idem dans les restaurants ou les musées qui repensent leur offre, leur décor, leur carte, leurs expos pour coller à cette tendance affirmée.

Et pourtant, derrières ces faits et anecdotes relatés avec un soupçon d’ironie – pour amener à mieux réfléchir ? à mieux pivoter ? – il convient de garder à l’esprit la première loi de l'historien Melvin Kranzberg, « la technologie n'est ni bonne ni mauvaise ; elle n'est pas neutre non plus ». Ce qui compte donc c’est la manière dont on en use et la vision globale insufflée. Or cette vision s’avère de plus en plus éthique, responsable et résolument fédératrice. Bref, porteuse de sens. Ainsi, par-delà le mouvement de la « Tech for good » émergent de nombreuses innovations technologiques au service d’un monde meilleur.

PWC dans son rapport Tech for Good a même recensé ces « tech enablers ». Des exemples parmi tant d’autres ? 

Mais au-delà des grandes « macro », les petits ruisseaux font aussi les grandes rivières. Citons « Le plan Yuka », contre-coup de la célèbre application qui trie nos aliments et produits cosmétiques à grand renfort de feux rouge, orange et vert : en septembre dernier, Intermarché, interpellé par le succès de l’application, a demandé à ses fournisseurs de reformuler 900 recettes afin d’augmenter leur score. Une victoire annonciatrice de beaucoup d’autres à venir ?

La loi Pacte, promulguée en avril dernier, offre la possibilité aux entreprises volontaires de se doter d'une raison d'être et de l'intégrer dans ses statuts. Un « nice to have » en passe de devenir « un must have » ? Assurément ! Et qui donne un sens tout particulier à cette magnifique citation de l’écrivain américain Mark Twain : « Les deux jours les plus importants de votre vie sont le jour où vous êtes né et celui où vous avez compris pourquoi. »

MD