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Les conversations online et offline sont décorrélées

Quelle marque ne craint pas le bad buzz, le tweet de trop, le spot publicitaire qui dérape ? Et pourtant les conséquences commerciales ne sont pas évidentes, si l’on en croit le cabinet d’analytique Engagement Labs. Son étude “360° Social Analytics: Going Beyond Social Media to Grow Brands” a analysé les conversations online et offline de 501 marques entre 2015 et 2016 et les cas récents de « bad buzz » comme celui de Gillette et sa campagne de soutien au mouvement #metoo contre la « masculinité toxique », perçue par certains comme une propagande féministe malvenue. Le constat est peut être évident mais certaines marques rivées sur le monitoring des conversations online avaient pu l’oublier : les conversations sur les réseaux sociaux et leur tonalité sont souvent décorrélées des conversations de la vie de tous les jours.

Les conversations « online » et « offline » ont autant de poids

Oui il est important de monitorer ce qui se dit sur sa marque sur les réseaux sociaux, pour détecter de possibles opportunités ou risques, mais oublier les conversations de la vraie vie serait une erreur. En effet d’après l’étude d’Engagement Labs 9% des achats aux Etats-Unis seraient liés aux conversations online et 10% aux conversations offline (en face à face entre deux personnes).

Ed Keller, CEO d’Engagement Labs résume ainsi le défi pour les spécialistes du marketing : « Alors que les réseaux sociaux diffusent des opinions controversées et des messages d’indignation, il est vital que les marketeurs réalisent qu’ils ne reflètent pas toujours le sentiment des consommateurs dans la vraie vie. Sur-réagir aux derniers scandales sur les réseaux sociaux pose de véritables risques vis-à-vis de la marque. Un système de monitoring holistique qui prenne en compte aussi bien les conversations en ligne que hors ligne est crucial. »

Dans le cas de Gillette, Engagement Labs a mesuré plusieurs facteurs impactant les ventes, comme le volume de conversations, les sentiments (positif/négatif), les partages de marques (conversations à propos de marques et partages sur les réseaux) et l’influence. D’après leurs analyse, il n’existe pas de corrélation significative entre les conversations online et offline autour des marques. Dit simplement : certaines marques peuvent avoir une majorité de commentaires positifs online et des commentaires négatifs dans la vraie vie ou inversement, le taux de corrélation est faible ou non significatif (généralement proche de 0%, ou négatif comme dans le cas de Gillette à -37%).

Le graphique suivant montre le sentiment « net » (sentiments positifs moins sentiments négatifs) autour de la marque Gillette. On y voit l’impact négatif online de sa campagne publicitaire de janvier 2019 sans aucun impact sur le ton des conversations offline.

(Extrait de l’étude Engagement Labs “360° Social Analytics: Going Beyond Social Media to Grow Brands”)

Les émotions versus les opinions politiques

Engagement Labs avance une explication intéressante sur la différence entre les conversations online et offline. Nos conversations dans la vraie vie concerneraient des sujets qui nous touchent émotionnellement, alors que les sujets « politiques » prompts à la controverse embrasent les réseaux sociaux, sans toujours trouver d’écho à la machine à café. Parmi les marques américaines qui ont pu ainsi se faire étriller sur internet, alors que leur réputation sur le terrain était au beau fixe, on compte l’enseigne Dick’s Sporting Goods (dont le CEO avait été critiqué en 2018 pour avoir retiré les armes à feu de leurs magasins. En 2019 leurs actions ont gagné 20%), Citibank et Delta.

Engagement Labs a établi un classement des marques dont les sentiments online & offline sont les plus corrélés et décorrélés. Toutes sont des marques bien connues du grand public, mais cet inventaire à la Prévert (à la sauce américaine) nous amène une réflexion, sans jugement de valeur : toutes les marques ont-elles les mêmes chances d’occuper les conversations à la machine à café ou pendant la 3ème mi-temps?

(Extrait du tableau de corrélation des conversations online et offline de 501 grandes marques américaines, étude Engagement Labs 2019)

SG