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Influenceurs : vers de nouveaux modèles de monétisation ?


L’influence marketing : elle ne cesse de se professionnaliser,  entraînant de facto une explosion des dispositifs payants et la remise en cause des valeurs chères aux communautés : objectivité, authenticité, transparence … la crise de confiance s’installe, menaçant ce business florissant qui va devoir s’adapter, se repenser, reconquérir la confiance des communautés sans lesquelles il ne peut exister. Or certains signaux faibles laissent présager la mutation à venir. Décryptage.

  1. Influence : un marché complexe et prolifique

Vous êtes de ceux qui pensent encore que les dispositifs marques – influenceurs se résument à des tweets ou des posts sponsorisés ? Eh bien vous êtes loin, très loin, du compte. Ces derniers mois, les « tactiques marketing » - in fine c’est bien de cela qu’il s’agit – visant à faire levier sur la relation privilégiée entre un influenceur et sa communauté pour la commercialiser ont littéralement explosé.

Outre la désormais classique approche RP consistant à envoyer un CP et des produits gratuits à l’ambassadorship – summum de la relation marque / influenceur, il existe toute un flopée de dispositifs afin de maximiser l’opération de séduction auprès des communautés visées. Le tout opéré par des professionnels et des technos de pointe, car il va sans dire que de plus en plus d’influenceurs sont accompagnés par des agences et autres pros de la communication.

Les encarts publicitaires sont désormais bien souvent gérés par des régies spécialisées, les campagnes d’affiliation s’affranchissent des bit.ly pour investir des plateformes dernier cri ou des programmes dédiés élaborés par certaines marques comme Amazon. Quant aux opérations dites « événementielles », fastueuses, elles se déclinent à 360°, mêlant co-création,  sponsorisation de contenus et encore jeux-concours. Rien n’est laissé au hasard pour faire fructifier son marketing d’influence et de manière spectaculaire, histoire de se distinguer des concurrents.

  1. Changement de paradigme en vue !

Bref on atteint actuellement des sommets en matière de monétisation … quitte à susciter le ras-le-bol : trop c’est trop ! Trop de placement de marque tue le placement de marque : le sponsoring nuit gravement à l’authenticité, annulant l’apparente « impartialité » de l’influenceur. Le risque imminent ? Engendrer lassitude et saturation dans un climat de crise de confiance déjà bien ancré ... Le phénomène porte d’ailleurs un nom : les américains ont baptisé ces influenceurs boulimiques les serial brand influencers, c’est tout dire.

Fort heureusement, le vent commence à tourner.  Des influenceurs plus sérieux et responsables ne font plus l’impasse sur la réglementation qui impose d’indiquer les promotions sponsorisées. Et ils n’hésitent pas à valoriser celles qui justement sont « authentiques » car non-monétisées par les marques. Plusieurs youtubeuses comme Enjoy Phenix ou Horia vont plus loin, claironnant qu’elles refuseront désormais les cadeaux presse envoyés par les enseignes. La célèbre Marie n’a-t-elle pas confessé recevoir plus d’une dizaine de colis par semaine, jugeant la situation « irrespirable » et « anxiogène » ?

Pour sûr, d’autres « macro » influenceurs (selon la terminologie en vogue ) vont emprunter cette voie, adoptant au passage une démarche RSE, défendant les causes qui leur sont chères en s’appuyant sur les marques pour mener à bien cette mission sociétale. La star du web Jérôme Jarre a ainsi été l’un des premiers à lancer un appel aux dons pour la Somalie, mobilisant près de 100 000 personnes en 10 jours, impliquant des enseignes comme Turkish Airlines qui a affrété un avion pour acheminer l’aide humanitaire gratuitement. En somme, un beau changement de paradigme … et un win-win réputationnel aussi bien pour la marque que pour l’influenceur, qui fait montre d’un opportunisme évident.

  1. Des alternatives financières ?

Et d’un sens absolu de l’autonomie : hier recherchée, la dépendance financière aux marques semble aujourd’hui bien trop lourde à porter. Il faut la compenser, lui trouver une alternative. Évoquant l’étude réalisée par l’agence Reech dont il est le fondateur, Guillaume DOKI-THONON, explique : «les influenceurs essayent d’autres modes de revenus que les partenariats, toujours dans le but de pouvoir vivre de leur passion. Il faut rappeler que 85% d’entre eux ne vivent pas de leurs partenariats avec les marques & sont influenceurs en activités secondaires ». Ils doivent donc varier les modes de monétisation.

Cette liste est loin d’être exhaustive … car les influenceurs se montrent de plus en plus inventifs pour varier les canaux de monétisation et pérenniser une activité qu’ils vivent intensément mais qui trop souvent les dévore. Peut-on en déduire qu’ils sont en train de repenser la logique de l’auto-entreprise et que les évolutions de leurs business models doivent servir de source d’inspiration ? La chose est à méditer à l’heure où ce secteur s’engorge, où de plus en plus de jeunes envisagent ce qui était jadis un passe-temps comme une carrière sérieuse et un vecteur de réussite financière et sociale.  Ce qui est sûr, c’est que l’influence marketing constitue un vivier de talents autant qu’un laboratoire économique boosté par une ingéniosité sans limites. Une impulsion pour les entreprises du futur, assurément.

MD