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Olivier Mathiot : « Retard français : il faut un Grenelle du numérique, il y a urgence ! »

Olivier Mathiot : « Retard français : il faut un Grenelle du numérique, il y a urgence ! »

France Digitale organise le France digitale Day le 15 septembre au Carreau du temple, du midi à minuit. La baseline cette année : Battle For Greatness.

Nous avons interviewé Olivier Mathiot, co-Président de France Digitale, Président de Priceminister - et également Président d'honneur de la Nuit des Rois !

 

Pourquoi France Digitale ?

France Digitale est une association créée à l’époque des Pigeons et née d'un besoin : doter les entrepreneurs du numérique d’un portevoix. Il fallait amplifier un constat : la France n'a pas suffisamment de champions numériques de dimension internationale. Or il faut créer les conditions pour que des startups puissent entrer un jour dans le CAC 40, qu’elles puissent créer de la valeur et des emplois, - et même de nouvelles catégories d'emploi, - et donc lutter contre le chômage.

 France Digitale est composée d'entrepreneurs et d'investisseurs, représentés à parts égales au conseil d’administration.

Nous avons beaucoup d’intérêts communs et beaucoup à gagner à travailler dans la même direction. Ce qui nous rassemble est beaucoup plus important que ce qui nous sépare.

Au-delà, France Digitale s'inscrit dans un écosystème, dans un ensemble d'interactions avec les grands groupes, avec les administrations et les politiques, en relation avec l’international, et notamment l’Europe.

Battle for Greatness : pourquoi ce nom pour l'événement qu'organise France Digitale le 15 septembre ?

 Nous nous positionnons clairement en vue de 2017, des élections législatives et présidentielles.

Il est maintenant largement temps de nous tourner vers l'avenir, avec des messages positifs et offensifs. Depuis les Pigeons, beaucoup de chemin a été parcouru. Il n'en demeure pas moins une forme d’urgence digitale.

Si on ne prend pas la juste mesure, nous ne rattraperons pas notre retard dans la transformation numérique. Par rapport aux Anglais, Américains, Scandinaves, la France est sous-représentée en termes de part de valeur créée par le numérique dans le PIB.

Notre enjeu est d'être écouté. Le 15 septembre, 4 rounds sont prévus, de midi à minuit : startup, corporate, politique et environnement (France vs France), investisseurs. Nous allons mettre chacun de ces univers face à ses limites, avec l’idée de repousser ces limites. Des entrepreneurs français et européens, des investisseurs, des dirigeants de grands groupes prendront la parole.

Nous lançons la bataille électorale. Il faut un Grenelle du numérique comme il y a eu un Grenelle de l’environnement. Il faut accélérer la mutation.

Nous travaillons déjà avec Bercy, Matignon et l’Elysée. Nous avons constitué un groupe de travail avec la mission French Tech. Des hommes et des femmes politiques de droite et de gauche sont invités. Nous pensons que le gouvernement va dans le bon sens mais qu’il peut et qu’il lui faut aller beaucoup plus vite.

Quelle est votre position vis-à-vis de l'affaire des taxis ?

Le sujet, très complexe, presque indétricotable, est emblématique. Il renvoie à la question de fond de l’inertie face à la transformation numérique.

Si l’on se place à l’échelle internationale, on s’aperçoit que même à New York ou San Francisco les taxis n’aiment pas Uber. En France, le mouvement est plus violent. La réponse du ministre de l'Intérieur a été très brutale.

Cela témoigne de notre résistance au changement, particulièrement forte.

Or il faut bien comprendre que tous les pans de l'économie sont concernés par la transformation numérique, entre autres le commerce, le transport, la finance

Plutôt que de vouloir interdire UberPop et de déterminer si cette activité était légale ou pas, la question qui aurait dû être posée était de savoir comment une activité d’un genre nouveau qui correspond manifestement à un besoin pouvait trouver un cadre pour opérer à des conditions équitables pour tous. Il y a par exemple des endroits en France où il n’y a pas de pas de chauffeurs de taxis du tout. On le voit bien dans le numérique, très souvent les consommateurs et les usagers sont en avance par rapport à la loi.

Concernant Uberpop, se pose aussi la question du statut du travailleur. Le statut d’auto-entrepreneur a été créé par Hervé Novelli, que nous avions reçu chez Priceminister, à une époque où dans le domaine du commerce émergeaient les places de marché. Il s’agissait de permettre à des individus d’avoir un travail complémentaire, sans pour autant faire du dumping social, et sans que ce soit illégal.

 Concernant un projet comme Uber, il faut faire en sorte que tous les chauffeurs, de taxis comme de VTC, aient un statut équivalent, il faut arriver à un point de convergence entre eux. Les chauffeurs de taxis paient très cher leur licence, ce qui les induit à ne pas déclarer tous leurs revenus.

 Il faudrait plus de licences, du coup à un prix moins élevés, ce qui créerait plus de liquidités sur le marché. Nous devons éviter une situation avec des statuts à vitesse variable.

Le numérique crée-t-il ou détruit-il de l'emploi ?

 Le numérique crée de emploi et en détruit. Le 15 septembre nous allons révéler une étude réalisée avec Ernst & Young sur l'impact positif du numérique sur l'emploi.

 Le numérique détruit également de l'emploi, surtout à faible valeur. En fait nous vivons une révolution industrielle qui change notre façon de vivre et de travailler ensemble.

 De nouveaux emplois apparaissent, comme lors des précédentes révolutions industrielles. Il n'y a plus aujourd'hui de maréchaux ferrants, ni de porteurs de lait depuis la révolution automobile.

 La question est de savoir comment on organise la société, frappée aujourd'hui par un taux de chômage très élevé, comment on s'attaque à l'inertie de la société.

 Il s'agit de livrer une bataille culturelle, médiatique afin d'ouvrir les esprits.

A terme, on est en droit d'espérer que de nouvelles entreprises émergeront face aux GAFA.

 Un exemple français : Solocal, qui historiquement éditait un annuaire papier, les Pages jaunes, compte plus de 2 000 travailleurs partout en France qui vendent aujourd'hui de la publicité numérique à une multitude de petits commerçants. Sachant que le groupe est basé et paie tous ses impôts en France !

Pourquoi la France est-elle en retard en matière de numérique ?

Il y a plusieurs éléments, le plus important c'est qu'il n'y a pas assez d’argent investi dans les startups, alors qu'il s’en crée beaucoup en France. Pour accélérer leur croissance, elles sont nombreuses à chercher du financement à l’international. Il faudrait arriver à créer en France un écosystème où les entrepreneurs qui ont réussi investissent à leur tour dans des startups, à l'exemple de ce qui se passe dans la Silicon Valley.

L'épargne des Français représente 1 500 milliards d'euros : une petite partie pourraient être redirigée vers les startups. Si par exemple seulement 1% était ainsi réinvesti, cela ferait 15 milliards, soit plus que tout le capital-risque français réuni !

 Il y a d'autres facteurs, qui aggravent le manque de financement :

 - les grands groupes ne jouent pas le jeu, en n'investissant pas dans ou en ne rachetant pas des startups.

- le manque d'harmonisation européenne n'aide pas. La France est un pays de taille intermédiaire, l'Europe en revanche est dimensionnée pour créer un marché unique du numérique.

 Outre le financement des startups, le droit du travail n'est-il pas un autre handicap ?

 Le numérique crée de nouvelles formes d’emplois et il faut s'y adapter. Regardez Hopwork, c'est une plateforme de free-lances qui s'inscrit parfaitement dans une tendance forte du marché de l'emploi. Les individus n'ont pas peur de quitter leur job, dans la mesure où ils en trouvent un autre rapidement, adapté à leurs compétences et à leur goût.

 Il convient d'organiser un droit du travail avec des formations tout au long de la vie, qui garantit en permanence l’employabilité des individus.

Cela dit, si le droit social doit évoluer, la raison principale du retard français reste le manque de financement.