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Gilles Reeb (Uzful) : Le marketing utile sauvera-t-il votre marque ?

La digitalisation de notre Monde a engendré un changement de toutes les règles économiques établies. Dans une entreprise, la politique d'innovation, de production, de distribution et bien entendu de communication peut être réinventée en seulement quelques années par une nouvelle technologie, de nouveaux usages... Cela a été le cas pour l'industrie du disque qui a été une des premières "exposées", mais tous les secteurs sont désormais concernés. Comment y voir clair ? Comment diriger sa barque dans cet océan perpétuellement déchaîné ? 

Etre toujours plus utile aux consommateurs 

Face à une méfiance toujours plus grande des consommateurs à l'encontre du discours publicitaire et un niveau d'expertise - et donc d'attente - toujours plus élevés, les services marketing doivent adopter une posture qui puisse parfaitement répondre à ce nouveau paradigme. Quelle est cette posture miracle ? L'utilité. Le rôle du marketing aujourd'hui n'est donc plus simplement de "valoriser l'offre existante", mais de créer de la valeur autour et même au sein de cette offre. De cette manière, il parviendra à entretenir l’un des principaux leviers business à disposition des marques : l'attachement du consommateur.

Les marques doivent faciliter, optimiser, améliorer sans cesse la vie des consommateurs pour les convaincre de s'engager auprès d'elles !

Il y a 10 ans, il n'était pas simple de dire quelle différence il y avait entre une chaussure de running Nike et Adidas. Aujourd'hui, Nike avec son réseau social Nike+ (rejoint tous les mois par 100 000 nouveaux utilisateurs) et des objets connectés comme Nike Fuelband, offre un vrai service supplémentaire aux adeptes du running. Et même si (ou "parce que" ?) le service n'est pas réservé aux porteurs de chaussure Nike, la marque s'est imposée comme la référence pour ce sport ; si bien qu'elle est devenue la plus portée pendant les grands marathons internationaux. Le marketing utile de Nike a parlé.

Autre exemple beaucoup plus proche de nous, Leroy Merlin et sa plateforme de contenus « Du Côté de chez vous ». Lancée il y a plus de 17 ans sous forme de programmes courts TV, la marque a créé de la valeur en devenant la source d’inspiration des Français en matière d’habitat. A cette époque, Leroy Merlin était derrière son concurrent Castorama et découvrait avant tout le monde le brand content… Depuis, l’enseigne est n°1 sur le marché du bricolage (depuis 2004) et a déployé sa plateforme en magazine papier (tirage moyen à 760 000 ex.), site Internet et communautés en ligne. Nul doute qu’en exploitant le potentiel du web social, la marque « média » parviendra à se rendre encore plus utile aux bricoleurs français.

Accroître son utilité en étant "conscient"

Apporter perpétuellement de la valeur ajoutée au consommateur est certainement le défi auquel devront répondre toutes les marques qui survivront à l'actuelle mutation digitale. Mais les marques, tout comme les individus, sont aujourd'hui également confrontés à des enjeux qui dépassent de loin le seul "confort personnel".

Les défis environnementaux, culturels et sociaux que nous allons devoir surmonter, sont incontestablement une opportunité pour les marques de mériter l'engagement des consommateurs en devenant actrices du changement. Bien entendu, opportunité pour certains veut dire menace pour d'autres... Selon la dernière étude sur la perception de la RSE par les consommateurs, plus de 50% d'entre eux  affirment qu'ils ont refusé d'acheter un produit dans l'année passée en raison de la mauvaise image de l'entreprise. Dans un monde global, avec une conscience globale, la marque elle aussi est globale. Et elle est fatalement associée aux choix réalisés par les hommes qui la dirigent.

Pour cela, une seule solution : intégrer le marketing plus en amont dans les décisions de l'entreprise pour que leurs conséquences aient un impact positif sur l'image de la marque. Chaque décision (financière, industrielle ou sociale...) devient une opportunité de consolider l'engagement entre les consommateurs "citoyens" et la marque. Quand marketing et RSE s'auto-alimentent vertueusement, c'est la composante sociétale du marketing utile.

Ici aussi, l'exemple de Nike est un cas d'école sur une problématique très délicate dans le monde du textile : l'environnement. Suite aux attaques de Greenpeace sur l'utilisation soutenue de produits chimiques très toxiques, les dirigeants de la firme ont fait les choix qui s'imposaient pour préserver (voire booster) leur image sur le long terme. Concrètement, la firme a créé le Nike Materials Sustainability Index destiné à réduire drastiquement son impact environnemental lors de toutes les phases de développement d'un produit. Et pour le faire savoir, la firme réinvente complètement ses boutiques avec des matières premières "propres" aussi starifiées que les produits eux-mêmes.

Mais du côté de Leroy Merlin aussi, l’utilité se décline à l’échelle sociétale. Sur la dimension environnementale, un premier magasin à énergie positive a été inauguré en 2009 à Valence. Mais Leroy Merlin se distingue davantage sur l’aspect social en étant depuis plus de 10 ans présente au palmarès français Great Place to Work® et en consacrant près de 3 fois plus de ressources à la formation qu’une entreprise moyenne… Une démarche stratégique et utile dans un Monde qui change ! Enfin, si l’entreprise ne communique que très rarement sur ses initiatives, elle dispose tout de même d’un média particulièrement qualitatif et crédible pour cela : ses 20 000 collaborateurs.

Avec le marketing utile, nous sommes passés d'un marketing de la promesse à un marketing de la preuve.

Le marketing utile : une histoire de cohérence ?

Comme l'illustre les cas de Nike ou de Leroy Merlin, il sera très difficile pour une entreprise de se préoccuper de ses consommateurs sans prendre en compte leurs préoccupations en tant que citoyens. Plus les consommateurs sont engagés, plus ils sont exigeants, CQFD. Le marketing utile repose donc bien sur 2 composantes de plus en plus indissociables : la composante "User Centric" et la composante "Human Centric".

Dans l'idéal, ces 2 composantes sont développées simultanément pour ne pas subir de "dissonance" au niveau de l’image globale de la marque. Si ce n'est pas encore le cas, il est temps d'adopter cette nouvelle posture. Les consommateurs sont conscients du poids qui freine le changement au sein des "entreprises historiques" auxquelles ils sont attachés. Ils peuvent tolérer pendant un temps un certain retard, retard momentanément compensé par la charge émotionnelle qui les lie à la marque. Mais les émotions ne durent qu'un temps et la consommation est tous les jours plus cérébrale.

De notre point de vue, le marketing utile est une réponse capable d'allier performance et responsabilité à des changements de plus en plus radicaux.

Gilles Reeb est confondateur et Directeur de la Stratégie de l'agence Uzful