Les sites web ont-ils un avenir ? Et les clics ?
Il y a quelques semaines, Matthew Prince, le CEO de CloudFlare a poussé un cri d’alarme en faveur des sites web : 75 % des requêtes sur Google trouvent désormais leur réponse sans qu’aucun clic ne soit nécessaire. Il parlait bien sûr du mobile. Les réponses sans clics représentent à ce stade 65% des requêtes sur ordinateur.
Facteur aggravant, souligne le même rapport, les trois quart des requêtes affichent une boite Autres Questions (“people also ask”) incitant les gens à ne pas quitter le moteur de recherche. Et récemment l’introduction de l’AI overview a fait baisser en moyenne de 15,5% les visites sur les sites et de 34,5% les clics sur le premier lien lorsque l’AI overview apparaît en premier…Au cas où vous vous poseriez la question, sachez que les réponses d’AI overview apparaissent aujourd’hui sur…84% des requêtes.
Mais ce n’est rien à côté des interfaces fermées de l’IA et des réponses classiques des GPT. Celles-ci ne donneraient lieu qu’à des visites anémiques, de l’ordre de 0,2% du trafic pour les grands sites.
De moteurs de recherches à moteurs de réponses
Bref, il y a panique sur le clic et la tendance paraît durable : les moteurs de recherche (avec ou sans IA) sont devenus des moteurs de réponse. Une panique qui a déclenché la ruée sur les techniques plus ou moins hasardeuses et évolutives de GEO (Generative Engine Optimisation) ou autres AEO (Answers Engine Optimisation).
Les marques sont aussi priées de produire en masse et à grande vitesse tout en augmentant la production de contenus pour les feeds. Des contenus consommables immédiatement, sans redirection externe. Elles doivent désormais se mettre à penser leurs contenus comme auto-suffisants.
Dans un contexte où la présence des marques devient en plus décorellée du Click Through Rate, les experts du contenu poussent à présent les marques à travailler les réponses pour les conversations, à travers les features snippets ou la recherche d’image pour s’attirer les bonnes grâces de l’AI Overview de Google. Car à ce stade, Google reste le plus gros pourvoyeur de trafic et représente encore au moins, selon Datos et SparkToro, 63% des visites de sites.
Old Marketing is the new marketing
Mais là où le phénomène Zéro-Click Content devient particulièrement intéressant c’est qu’il remet d’anciennes pratiques du marketing au premier plan. Et en premier lieu, le marketing d’interruption si décrié par le monde digital. Car l’effet de halo recherché remet au goût du jour les techniques anciennes de présence à l’esprit pratiquées par les mass medias.
Pour gagner de la part de pouce, il faut que les gens se souviennent de vous avant même d’avoir cliqué. Particulièrement dans les nouvelles interfaces conversationnelles de la big tech où le but est, plus que jamais, de ne jamais vous emmener ailleurs. Certains geeks affirment même que les IA favoriseraient de facto les grandes marques classiques et installées par rapport aux marques émergentes car se sont les seules présentes dans la mémoire active des LLM…
Une nouvelle fois la technologie pousse les marques à se réinventer et étrangement, à un retour en arrière inattendu. Une nouvelle fois, le fameux entonnoir marketing est pulvérisé. In fine, Le Zéro-Click content n’est pas seulement un changement de format c’est un changement d’état d’esprit.
Le nouveau challenge pour les marques, concevoir des propriétés digitales éminemment nomades et solubles dans les interfaces conversationnelles, réinventer un storytelling adapté aux micro-moments continus tout en restant distinctives. Un challenge qui pousse les CMO à réinventer l’intégrité d’une marque dans un temps long tout en excellant sur les temps courts.
Pour les agences et les marques, c’est une raison de plus pour hybridiser les équipes créatives et médias, et c’est tant mieux.
Crédits photo Unsplash par Bernard Hermant